A mon sens, l'Europe est une thème possible pour IEP province, Questions d'actualité...
Et aussi
"Le traité de Lisbonne mange les petits enfants"
[L'artiste privilégié]
« Face aux nombreuses transgressions des règles morales, voire des lois, apparues avec la littérature moderne et, surtout, avec l'art contemporain, s'est posée à plusieurs reprises la question de l'« exception esthétique » ou, en d'autres termes, de l'« autonomie pénale » de l'art, autrement dit le « tracé d'un cercle autour de l'oeuvre, interdisant l'accès à la loi [...]. Elle consomme la rupture avec la loi en la déclarant incompétente à légiférer à l'intérieur de ce cercle » [1]. La question était déjà posée il y a une génération par des juristes américains :
« Les artistes, en tant que héros culturels, méritent-ils un traitement spécial au regard de la loi [2]? » Leur réponse était plutôt positive :
« L'humanité a toujours eu profondément conscience que les vrais artistes, comme les inventeurs et les philosophes, élèvent leur culture. Comme Prométhée, le héros de la mythologie, ils risquent le péché d'hybris pour transgresser l'ordre établi, pour voler le feu aux dieux afin d'éclairer l'humanité. Dans la tradition romantique, cela est héroïque. Dans la conceptualisation psychanalytique, ils sont ce qu'un auteur nomme les "Grands Individus". [...] Historiquement, les Grands Individus qui révèlent les aspects archétypiques ou sacrés de leur communauté sont exemptés de ses interdits coutumiers. [...] On pourrait arguer que la société n'a pas à prendre sur elle d'accorder l'immunité légale pour des actes criminels ou délictueux du fait qu'un véritable artiste défierait les règles. » Mais, d'un autre côté, on pourrait accorder aux transgressions artistiques un statut expérimental : « De même que certaines drogues sont utilisées légalement à fins d'expérimentation, et que la violence est autorisée dans les arènes sportives, de même il faut donner à l'artiste, en tant qu'aventurier de la psyché, la place de se développer. »
Il n'en reste pas moins que les sociétés ont souvent sanctionné les artistes pour leurs infractions aux règles, et ce d'autant plus que le degré d'« autonomisation du champ » est
faible. Entre les pays islamistes, où cette autonomie est quasi nulle (comme en a témoigné l'affaire Rushdie), et les démocraties occidentales, où elle ne cesse de s'étendre, les États-Unis sont le lieu d'une tension permanente, due au premier amendement de la Constitution garantissant la liberté d'expression, de sorte que les demandes d'interdiction face aux transgressions morales ou idéologiques tendent à être déléguées aux particuliers, par l'intermédiaire de puissantes associations [3]. En France, les artistes contemporains passés en jugement pour des actes commis dans le cadre et au titre de leur création (vandalisme, coups et blessures, vols) ont toujours été reconnus coupables mais dispensés de peine, instituant ainsi le compromis entre la nécessité de faire respecter les lois, en général, et le privilège d'impunité accordé en particulier à une catégorie pour sa contribution à l'élévation culturelle de la société ».
L’élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique. Editions Gallimard , 2005
3. Cf. J. SOULILLOU, L'Impunité de l'art p. 17; N. Heinich, « From Rejections of Contemporain Art top Culture War », in Michèle Lamont, Laurent Thévenot (Ed.). Rethinking Comparative Culture (Sociology. Repertoires of Evaluation in France and the United States, Cambridge, University Press, 2000).
2. Cf. N. Heinich, Le Triple Jeu de l'art contemporain, op. cit.
1. Jacques SOULILLOU, L'Impunité de l'art, Paris, Éd. du Seuil, 1995, pp.. 18-19.
« [Il s’ensuit de ce qui précède que] la volonté générale est toujours droite, et tend toujours à l’utilité publique : mais il ne s’ensuit pas que les délibérations du peuple aient toujours la même rectitude. On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe ; et c’est alors seulement qu’il paraît vouloir ce qui est mal.
Il y a souvent de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun, l’autre regarde à l’intérêt privé, et n’est qu’une somme de volontés particulières : mais ôtez ces mêmes volontés les plus et les moins qui s’entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale » Rousseau, Du contrat social, II, III. Si la volonté générale peut errer