Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 janvier 2009 5 09 /01 /janvier /2009 17:01

 
 Le roman et les temps modernes  (ceci est une réponse à la question posée : une fiction peut-elle être vraie)


Milan Kundera explique ici en quel sens les fictions romanesques ont pris la place de la Fiction (la religion). Cette substitution caractérise la modernité :

"Quand Dieu quittait lentement la place d'où il avait dirigé l'univers et son ordre de valeurs, séparé le bien du mal et donné un sens à chaque chose, don Quichotte sortit de sa maison et il ne fut plus en mesure de reconnaître le monde. Celui-ci, en l'absence du juge suprême, apparut subitement dans  

une redoutable ambiguïté; l'unique Vérité divine se décomposa en centaines de vérités relatives que les hommes se partagèrent. Ainsi, le monde des Temps modernes naquit et le roman, son image et modèle, avec lui.

Comprendre avec Descartes l'ego pensant comme le fondement de tout, être ainsi seul en face de l'univers, c'est une attitude que Hegel, à juste titre, jugea héroïque. Comprendre avec Cervantes le monde comme ambiguïté, avoir à affronter, au lieu d'une seule vérité absolue, un tas de vérités relatives qui se contredisent (vérités incorporées dans des ego imaginaires appelés personnages), posséder donc comme seule certitude la sagesse de l'incertitude, cela exige une force non moins grande.

Que veut dire le grand roman de Cervantes ? Il existe une littérature abondante à ce sujet. Il en est qui prétendent voir dans ce roman la critique rationaliste de l'idéalisme fumeux de don Quichotte. Il en est d'autres qui y voient l'exaltation du même idéalisme. Ces interprétations sont toutes deux erronées parce qu'elles veulent trouver à la base du roman non pas une interrogation mais un parti pris moral.

L'homme souhaite un monde où le bien et le mal soient nettement discernables car est en lui le désir, inné et indomptable, de juger avant de comprendre. Sur ce désir sont fondées les religions et les idéologies. Elles ne peuvent se concilier avec le roman que si elles traduisent son langage de relativité et d'ambiguïté dans leur discours apodictique et dogmatique. Elles exigent que quelqu'un ait raison ; ou Anna Karénine est victime d'un despote borné, ou Karénine est victime d'une femme immorale; ou bien K., innocent, est écrasé par le tribunal injuste, ou bien derrière le tribunal se cache la justice divine et K. est coupable.

Dans ce « ou bien-ou bien » est contenue l'incapacité de supporter la relativité essentielle des choses humaines, l'incapacité de regarder en face l'absence du juge suprême. A cause de cette incapacité, la sagesse du roman (la sagesse de l'incertitude) est difficile à accepter et à comprendre".



MILAN KUNDERA L'art du roman Folio pp 16-18

 

 

Partager cet article
Repost0
9 janvier 2009 5 09 /01 /janvier /2009 16:51
Mon titre est délibérément provoquant. Le texte de Bergson dit plus précisément que la religion est "une réaction défensive contre le pouvoir dissolvant de l'intelligence". Le pouvoir dissolvant de l'intelligence, il l'explique ici, tient au fait que l'intelligence rend les hommes calculateurs, égoïstes. Donc elle tend à contrarier l'instinct, qui au contraire, les soude en les incitant  à perpétuer l'espèce à tout prix, et au mépris de leurs intérêts individuels.
 Il faut savoir que Bergson, par ailleurs, évoque une religion "dynamique" qui obéit à une autre logique. La religion qu'il décrit ici est statique. Elle a  pour fonction de maintenir les institutions en l'état.

 

 

« Imaginons alors une humanité primitive et des sociétés rudimentaires. Pour assurer à ces groupements la cohésion voulue, la nature disposerait d’un moyen bien simple : elle n’aurait qu’à doter l’homme d’instincts appropriés. Ainsi fit-elle pour la ruche et pour la fourmilière. Son succès fut d’ailleurs complet : les individus ne vivent ici que pour la communauté. Et son travail fut facile, puisqu’elle n’eut qu’à suivre sa méthode habituelle : l’instinct est en effet coextensif à la vie, et l’instinct social, tel qu’on le trouve chez l’insecte, n’est  que l’esprit de subordination et de coordination qui anime les cellules, tissus et organes de tout corps vivant. Mais c’est à un épanouissement de l’intelligence, et non plus à un développement  de l’instinct, que tend la poussée vitale dans la série des vertébrés. Quand le terme du mouvement est atteint chez l’homme, l’instinct n’est pas supprimé, mais il est éclipsé ; il ne reste de lui qu’une lueur vague autour du noyau, pleinement éclairé ou plutôt lumineux, qu’est l’intelligence. Désormais la réflexion permettra à l’individu d’inventer, à la société de progresser. Mais, pour que la société progresse, encore faut-il qu’elle subsiste. Invention signifie initiative, et un appel à l’initiative individuelle risque déjà de compromettre la discipline sociale. Que sera-ce, si l’individu détourne sa réflexion de l’objet pour lequel elle est faite, je veux dire de la tâche à accomplir, à perfectionner, à rénover, pour la diriger sur lui-même, sur la gêne que la vie sociale lui impose, sur le sacrifice qu’il a fait à la communauté ? Livré à l’instinct, comme la fourmi ou l’abeille, il fût resté tendu sur la fin extérieure à atteindre ; il eût travaillé pour l’espèce, automatiquement, somnambuliquement. Doté d’intelligence, éveillé à la réflexion, il se tournera vers lui-même et ne pensera qu’à vivre agréablement. Sans doute un raisonnement en forme lui démontrerait qu’il est de son intérêt de promouvoir le bonheur d’autrui ; mais il faut des siècles de culture pour produire un utilitaire comme Stuart Mill, et Stuart Mill n’a pas convaincu tous les philosophes, encore moins le commun des hommes. La vérité est que l’intelligence conseillera d’abord l’égoïsme. C’est de ce côté que l’être intelligent se précipitera si rien ne l’arrête. Mais la nature veille. [ …] Un dieu protecteur de la cité […] défendra, menacera, réprimera. L’intelligence se règle en effet sur des perceptions présentes ou sur ces résidus plus ou moins imagés de perceptions qu’on appelle les souvenirs. Puisque l’instinct n’existe plus qu’à l’état de trace ou de virtualité, puisqu’il n’est pas assez fort pour provoquer des actes ou pour les empêcher, il devra susciter une perception illusoire ou tout au moins une contrefaçon de souvenir assez précise, assez frappante, pour que l’intelligence se détermine par elle. Envisagée de ce premier point de vue, la religion est donc une réaction défensive de la nature contre le pouvoir dissolvant de l’intelligence »

 

Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion  

 

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2008 7 30 /11 /novembre /2008 10:14

Vous lirez sur nonfiction.fr le compte rendu du livre suivant :

Partager cet article
Repost0
18 novembre 2008 2 18 /11 /novembre /2008 21:48
Je voudrais intégrer une HK l'an prochain à Paris. Que pensez-vous de celle de Lakanal? Les tests sont-ils difficiles?
Et que pensez-vous du stage intensif de l'été? Hagjar Gharbi
Partager cet article
Repost0
7 novembre 2008 5 07 /11 /novembre /2008 16:19
Annoncé par Valérie Pécresse: c'est ici
 Qu'en pensez-vous?
Partager cet article
Repost0
17 octobre 2008 5 17 /10 /octobre /2008 19:52
Le sociétés ont un besoin vital de la vérité,  toutes les sociétés, comme l'explique ici  le philosophe américain H.G. Frankfurt:

"... aucune société ne peut se permettre de mépriser ou de manquer d'égards envers la vérité. Mais elle ne peut se contenter d'admettre que le vrai et le faux, tout compte fait, sont des concepts légitimes et significatifs. Elle doit aussi encourager et soutenir les individus compétents qui se consacrent à l'acquisition et à l'exploitation de vérités notables. En outre, quels que soient les bénéfices et les avantages que puissent procurer le baratin, la dissimulation ou le mensonge pur et simple, aucune société ne peut se permettre de tolérer les individus ou les situations qui favorisent la nonchalance ou l'indifférence à l'égard de la distinction entre le vrai et le faux. Elle peut encore moins fermer les yeux sur la théorie narcissique et assez minable selon laquelle la fidélité aux faits concrets serait moins importante que la « fidélité envers soimême». Car s'il est une attitude par essence opposée à une vie sociale décente et réglée, c'est bien celle-là.
Une société qui commettrait l'imprudence de négliger durablement ces quelques principes serait condamnée au déclin, ou pour le moins à l'inertie de sa vie culturelle. Cela la rendrait à coup sûr incapable de mener à bien des projets d'envergure, et même de mettre en oeuvre des ambitions cohérentes et modestes".
 De la vérité .
Partager cet article
Repost0
9 octobre 2008 4 09 /10 /octobre /2008 13:46
Vous trouverez ici unlexique précieux pour votre année d'hypokhâgne
Partager cet article
Repost0
4 octobre 2008 6 04 /10 /octobre /2008 15:27
En philosophie (contrairement à la pub ou à la politique?), il faut absolument éviter le baratin. Une dissertation par exemple ne doit être ni verbeuse, ni fumeuse ni prétentieuse.
 Pour vous aider, voici le texte du philosophe  Harry G. Frankfurt

"Le mot baratin  possède une acception large et familièe que l'on retrouve dans la définition suivante : « Paroles ou écrits insignifiants, de mauvaise foi ou mensongers ; absurdités. » Puisque le baratin n'est pas obligatoirement dénué de sens ni dérisoire, les termes « insignifiants » et « absurdités », en dépit de leur caractère assez vague, me semblent manquer de pertinence. La mauvaise foi et le mensonge sont plus justes, mais ces termes demandent à être précisés.
La rubrique qui nous intéresse ici propose en outre deux définitions complémentaires
 1). Paroles vaines, hors de propos ; « du  vent ».
 2). Mot familier signifiant un mélange de poudre aux yeux, d'épate, de « vent » et de ce qu'il est convenu d'appeler
 « amuser la galerie ».
L'expression « hors de propos » est assez adéquate, mais trop vague et de portée trop générale. Elle couvre les simples digressions et les développements « hors sujet » involontaires, qui ne sont pas toujours des exemples de baratin. De plus, dire que le baratin est hors de propos ne donne aucune information sur la nature de son réel propos. La référence au « vent », contenue dans les deux définitions, nous aide davantage.
Quand nous disons d'un discours que « c'est du vent », nous signifions que rien d'autre ne sort de la bouche de l'orateur. Une simple vapeur. Ses paroles sont creuses, sans substance ni contenu. Par là même, son maniement du langage n'est d'aucune utilité pour le but qu'il prétend servir. L'orateur ne communique pas plus d'informations que s'il s'était content d'expirer l'ai de ses poumons" .

 De l'art de dire des conneries (Bullshit) Harry G. Frankfurt  (Professeur de morale à Princeton) Editions 10:18


Partager cet article
Repost0
11 septembre 2008 4 11 /09 /septembre /2008 18:54

La tragédie de Socrate


"Vis-à-vis de tout  homme, la mort naturelle est un droit absolu, mais c'est seulement le droit exercé sur lui par la nature. Dans le tragique véritable, il faut que les puissances en collision soient des deux côtés justifiées, éthiques ; et tel est le destin de Socrate. Son destin n'est pas purement personnel, individuellement romantique ; c'est la tragédie d'Athènes, la tragédie de la Grèce qui s'accomplit en lui, et qu'il représente. Il y a ici deux puissances qui s'opposent. L'une est la loi divine, la coutume naïve, - la vertu, la religion, qui sont identiques avec la volonté de vivre librement, noblement, éthiquement sous les lois de son pays ; abstraitement nous pouvons, nommer cela liberté objective, moralité sociale, religiosité. C'est la nature propre de l'homme, et c'est aussi l'être en et pour soi, le vrai; et l'homme s'y trouve en cette unité avec sa nature. Par contre l'autre principe est le droit également divin de la conscience, le droit du savoir (de la liberté subjective) ; c'est le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, - de la connaissance, c'est-à-dire, de la Raison, - le principe général de la philosophie pour tous les temps à venir. Ce sont ces deux principes qui entrent en collision dans la vie et dans la philosophie de Socrate"
Hegel
(Cours d'histoire de la philosophie, G.P. , II, 48-49)


 Pour une approche plus accessible , lire le dossier Apologie de Socrate, ici

Partager cet article
Repost0
3 septembre 2008 3 03 /09 /septembre /2008 18:49
Quelques élément d'appréciation ici: Des jeunes de banlieue en pension chez les riches

 (titre un peu tendancieux, façon Libé...)
Partager cet article
Repost0