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1 décembre 2006 5 01 /12 /décembre /2006 17:43



 Encore un texte provocateur. L'amour n'a rien de sublime pour Schopenhauer. Il n'est qu'une variante d'un instinct que nous partageons avec les (autres) bêtes:

"Manifestement le soin avec lequel un insecte recherche telle fleur, ou tel fruit, ou tel fumier, ou telle viande, ou, comme l'ichneumon, une larve étrangère pour y déposer ses neufs, et à cet effet ne redoute ni peine ni danger, est très analogue à celui avec lequel l'homme choisit pour la satisfaction de l'instinct sexuel une femme d'une nature déterminée, adaptée à la sienne, et qu'il recherche si ardemment que souvent pour atteindre son but, et au mépris de tout bon sens, il sacrifie le bonheur de sa vie par un mariage insensé, par des intrigues qui lui coûtent fortune, honneur et vie, même par des crimes comme l'adultère et le viol, - tout cela uniquement pour servir l'espèce de la manière la plus appropriée et conformément à la volonté partout souveraine de la nature, même si c'est au détriment de l'individu. Partout en effet l'instinct agit comme d'après le concept d'une fin, alors que ce concept n'est pas du tout donné. La nature l'implante là où l'individu qui agit serait incapable de comprendre son but ou répugnerait à le poursuivre; aussi n'est-il, en règle générale, attribué qu'aux animaux, et cela surtout aux espèces inférieures, qui ont le moins de raison; mais il n'est guère donné à l'homme que dans le cas examiné ici, car l'homme pourrait sans doute comprendre.  Le but- mais ne le poursuivrait pas avec toute l'ardeur indispensable, c'est-à-dire même aux dépens de son bonheur personnel. Aussi, comme pour tout instinct, la vérité prend ici la forme de l'illusion, afin d'agir sur la volonté. C'est un mirage voluptueux qui leurre l'homme, en lui faisant croire qu'il trouvera dans les bras d'une femme dont la beauté lui agrée, une jouissance plus grande que dans ceux d'une autre; ou le convainc fermement que la possession d'un individu unique, auquel il aspire exclusivement, lui apportera le bonheur suprême. Il s'imagine alors qu'il consacre tous ses efforts et tous ses sacrifices à son plaisir personnel, alors que tout cela n'a lieu que pour conserver le type normal de l'espèce, ou même pour amener à l'existence une individualité tout à fait déterminée, qui ne peut naître que de ces parents-là".
Arthur Schopenhauer, Métaphysique de l'Amour (1818), trac. M. Simon, Éd.. ÂGE, cool. 10-18, 1964, pp.. 52-53.
 Image de la Marquie d'O de Rohmer

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30 novembre 2006 4 30 /11 /novembre /2006 15:59

Je vous recommande l'excellent dossier du dernier  philo mag. C'est vraiment très clair, très bien fait!

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28 novembre 2006 2 28 /11 /novembre /2006 15:12
Je vais mettre en ligne des textes sur ce thème, après les textes sur la solitude, l'hostilité, l'agressivité des individus entre eux.
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26 novembre 2006 7 26 /11 /novembre /2006 15:27
 La solitude mine  jusqu'au  simple sentiment d'exister. Seul au monde,  je ne sais plus qui je suis:


"A Speranza, il n'y a qu'un point de vue, le mien, dépouillé de toute virtualité. Et ce dépouillement ne s'est pas fait en un jour. Au début, par un automatisme inconscient, je projetais des observateurs possibles - des paramètres - au sommet des collines, derrière tel rocher ou dans les branches de tel arbre. L'île se trouvait ainsi quadrillée par un réseau d'interpolations et d'extrapolations qui la différenciait et la douait d'intelligibilité. Ainsi fait tout homme normal dans une situation normale. Je n'ai pris conscience de cette fonction - comme de bien d'autres - qu'à mesure qu'elle se dégradait en moi. Aujourd'hui, c'est chose faite. Ma vision de l'île est réduite à elle-même. Ce que je n'en vois pas est un inconnu absolu... Partout où je ne suis pas actuellement règne une nuit insondable. Je constate d'ailleurs en écrivant ces lignes que l'expérience qu'elles tentent de restituer non seulement est sans précédent, mais contrarie dans leur essence même les mots que j'emploie. Le langage relève en effet d'une façon fondamentale de cet univers peuplé où les autres sont comme autant de phares créant autour d'eux un îlot lumineux à l'intérieur duquel tout est - sinon connu - du moins connaissable. Les phares ont disparu de mon champ. Nourrie par ma fantaisie, leur lumière est encore longtemps parvenue jusqu'à moi. Maintenant, c'en est fait, les ténèbres m'environnent.
Et ma solitude n'attaque pas que l'intelligibilité des choses. Elle mine jusqu'au fondement même de leur existence. De plus en plus, je suis assailli de doutes sur la véracité du témoignage de mes sens. Je sais maintenant que la terre sur laquelle mes deux pieds appuient aurait besoin pour ne pas vaciller que d'autres que moi la foulent. Contre l'illusion d'optique, le mirage, l'hallucination, le rêve éveillé, le fantasme, le délire, le trouble de l'audition... le rempart le plus sûr, c'est notre frère, notre voisin, notre ami ou notre ennemi, mais quelqu'un, grands dieux, quelqu'un!"
Michel Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1969), Éd. Gallimard, coll. Folio, 1972, pp. 53-55.
. Speranza, qui signifie « espérance », est le nom que Robinson a donné à son île.


 L'image est tirée de Castaway, le fil de R. Zeneckis
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26 novembre 2006 7 26 /11 /novembre /2006 10:03

                        
                    
"J'habite ma propre maison,
N'ai jamais copié personne en rien
Et - me suis en outre moqué de tout maître
Qui ne s'est pas moqué de lui-même"
 
Epitaphe du Gai savoir (édition de 1887)


(tableau de Shiele)

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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 17:25
Autre son de cloche, celui de José Saramago, prix Nobel de littérature dans le monde du 24 novembre)
 Extrait:
 (la démocratie n'est qu'une façade)  "On pourra me rétorquer que, en tant que citoyen et grâce au vote, on peut changer un gouvernement ou un président, mais ça s'arrête là. Nous ne pouvons rien faire de plus, car le vrai pouvoir aujourd'hui,  c'est le pouvoir économique et financier, à travers des institutions et des organismes comme le FMI (Fonds monétaire intenational) ou l'OMC (Organisation mondiale du commerce) qui ne sont pas démocratiques. Nous vivons dans une ploutocratie. la vieille phrase, "la démocraie, c'est le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple" est devenu "le gouvernement des riches par les riches et pour les riches"

 Lire  La lucidité, au Seuil
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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 16:53

Les fantasmes de dévoration, automutilation, cannibalisme sont omniprésents dans notre imaginaire collectif.
 L'homme  divisé souffre.  Les ados souffrent (de la désaffiliation, du démantélement des familles, de l'anomie...). Du chômage.
 C'est la société individualiste, en premier,  qui nous fait souffrir. Enfin ce n'est pas moi qui le dit .. C'est Tocqueville. Voir fil suivant.
 Au cinéma , sur le cannibalisme , je recommande Trouble every day, sur l'automutilation: Dans ma peau, de Marina De Van.
 Laquelle semble assagie depuis qu'elle travaille avec Bonitzer ("Je pense à vous" Voir le papier de Baptiste sur le blog bleu)
 

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24 novembre 2006 5 24 /11 /novembre /2006 15:54

                                                                                                                                                                              

Peut-on parler de l'inutilité de la philosophie,  et peut-on s'autoriser de cette inutilité   pour la récuser ?
 (dissertation rédigée par Sophie Noye en classe, en octobre 2006, dans le cadre de ma HK 2 . Je la remercie de m'autoriser à la publier)




Je m'interroge en effet sur l'utilité de réfléchir à cette question, sur l'utilité de bûcher pendant quatre heures sur ce thème, et, dans une perspective plus large, sur l'utilité de suivre des  cours de philosophie et par conséquent de quelquefois, je l'espère, philosopher. A première vue, et surtout au vu des élèves se triturant l'esprit, la philosophie ne répond pas à des critères d'utilité. A quoi me servirait-il de savoir si oui ou non on peut parler de l'inutilité de la philosophie ? Pourtant la philosophie est enseignée à l'école et les cours sont même obligatoires au lycée ; ainsi il ne semble pas suffisant d'évoquer une probable inutilité de la philosophie pour la récuser. Il s'agit donc de se demander s'il est vraiment pertinent d'interroger la philosophie sous l'angle de son utilité et si le propre de la philosophie réside dans une quelconque utilité.
Nous verrons en quoi nous pouvons parler de l'inutilité de la philosophie, puis en quoi cela ne suffit pas à la récuser, et enfin en quoi la question de la philosophie ne se pose pas en termes d'utilité.

 (première partie)
 La philosophie peut, il est vrai, se définir par son inutilité, en tant qu'elle n'a pas vraiment d'impact immédiat et conséquent sur le réel, et qu'elle se caractérise par la propension au doute, à l'indétermination. On peut opposer la philosophie à la science, et aussi la philosophie à la morale, car la philosophie, contrairement à elles, ne peut influencer de façon positive le quotidien de chacun, la vie de tous. La science peut ainsi prétendre à une utilité par les technologies qu'elle crée, qui facilitent la communication, comme Internet par exemple, qui augmentent la production, le rendement, comme les machines agricoles ou les engrais et pesticides, ou qui sauvent des vies, grâce aux différents vaccins par exemple, et notamment celui de Pasteur contre la rage au 19 ième siècle. Ainsi les " progrès " de la science sont palpables, visibles dans nos sociétés, et ressentis par ceux qui y ont accès. Ils se révèlent utiles par différents critères comme nous l'avons vu, à savoir des critères de vitesse, d'efficacité, d'innovation.
La philosophie n'a nullement ce pouvoir d'améliorer le réel, ou tout du moins de le transformer. Elle se distingue également de la politique, en tant qu'elle n'appartient pas comme celle-ci au domaine de l'action. La politique propose et réalise des modifications de la société. Elle possède cette caractéristique de pouvoir influencer très concrètement la réalité d'un Etat, comme du monde. Elle est utile dans le sens où non seulement elle propose, mais aussi elle applique des lois qui tendent à améliorer le réel. Les améliorations, cette utilité donc, est visible et même quantifiable. Ainsi nous indique-t-on que suite à telle loi, le taux de chômage est en baisse, ou que par exemple grâce à  la politique du président brésilien Lula, l'écart entre les riches et les pauvres s'est réduit. Une politique est efficace au non, par opposition à la philosophie, qui, elle, ne pourra jamais prétendre voir ses effets nommés et jugés. Et pour cause : la philosophie n'est pas de l'ordre de l'action. Enfin, alors que la morale prescrit de façon précise des obligations concrètes, c'est-à-dire à appliquer de manière stricte dans la vie quotidienne, qu'elle conduit à certaines valeurs, donc, et que, de plus, elle délimite clairement les frontières entre le Bien et le Mal, la philosophie ne s'inscrit pas ainsi dans le réel et n'est donc de ce point de vue pas " utile ". Elle ne tend pas à améliorer directement la vie des gens, ni le fonctionnement de la société.
Au contraire du travail et de la technique qui se définissent en tant que moyens pour satisfaire des besoins, moyens en vue d'une fin déterminée, moyens qui répondent à une  utilité, la philosophie ne se présente pas comme un moyen en vue d'une fin et la finalité même de la philosophie reste indéterminée. La philosophie n'a pas de but en soi, même si elle comporte certains objectifs qui varient d'ailleurs selon les philosophes, et elle ne vise aucunement l'utilité. Elle peut même, au contraire, apparaître comme un obstacle à la visée de l'utile. Elle se caractérise en effet par son absence de réponses certaines et immuables, par sa culture du doute. Certes, les philosophes ont parfois cherché à atteindre la vérité, à établir des certitudes, tel Descartes qui recherche un point fixe, une vérité première à laquelle accrocher toutes les autres,  mais la philosophie en elle-même n'apporte en fait aucune certitude démontrable et indubitable. Les réponses, les pensées des philosophes, demeurent des réponses personnelles, des appréhensions tout à fait subjectives du réel. Il s'agit bien de traiter de la " métaphysique " c'est-à-dire de ce qui ne relève pas du sensible mais de l'abstrait, de la pensée pure. La philosophie ne peut établir son jugement sur des faits mais seulement sur son jugement, sa capacité à raisonner, sur un " cogito ".  Ainsi Socrate affirmait-il : " je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien " : cette propension au doute ne peut permettre d'agir et peut même freiner l'action... Les sceptiques, puisqu'ils pensaient qu'il est impossible de connaître la vérité, prônaient le fait de suspendre son jugement. Mais jusqu'à quel point peut-on se passer de prendre des décisions dans la vie de tous les jours ?  C'est proprement cela qui conduit Descartes à proposer une morale pour l'action, en parallèle à ses " Méditations ". En attendant de trouver des réponses, il faut bien  se fixer des règles de vie. La philosophie rencontre donc l'obstacle de la réalité immédiate, dont elle ne se préoccupe pas à proprement parler directement. Enfin la philosophie se définit par son aspect atemporel. En effet, elle ne subit pas les contraintes du temps, elle nécessite au contraire de "  prendre son temps ".  De ce point de vue encore, elle s'oppose à l'action, qui, elle, s'inscrit à la fois dans l'espace et dans le temps.
La philosophie n'est pas utile parce qu'elle n'a pas un pouvoir d'action concrète sur le réel. Elle est inutile dans le sens où elle ne se préoccupe que de données abstraites, qu'elle ne donne lieu à aucune certitude, que ses objectifs restent indéterminés, et qu'elle se situe hors du temps. Loin de proposer une amélioration de la vie des hommes, elle peut au contraire la compliquer et même la paralyser. Cependant, la philosophie est une donnée inhérente à notre monde. Elle s'inscrit dans l'histoire de l'humanité, elle est présente à travers un très grand nombre de civilisations. On peut alors s'interroger sur l'intérêt qu'elle présente et sur le fait que son inutilité ne soit pas suffisante pour la récuser.

(deuxième partie)
 Ainsi nous (la société, chaque être humain) ne  pouvons nous autoriser à récuser la philosophie en raison de son inutilité, parce qu'elle présente des intérêts certains, certes inquantifiables, comme nous l'avons vu, mais bel et bien existants. Nous pourrions aussi évoquer l'utilité de la " production " de certaines idées philosophiques. La philosophie peut se révéler utile  en tant qu'elle oriente l'action et qu'elle apporte une compréhension du réel.
Rappelons tout d'abord que, étymologiquement, philosopher signifie " aimer la sagesse ". la philosophie se propose donc de tendre vers un idéal de sagesse, de bonheur. Elle guide les hommes en fonction de cette aspiration et en fonction de divers moyens pour y accéder. Ainsi les stoïciens développent le concept d'un mode de vie tourné vers l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de troubles. Il faut pour cela, disent-ils, distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, et nous satisfaire de ne modifier que les choses que nous avons la capacité de changer ; Descartes, reprenant ces idées, disait : " mieux vaut changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde ". Pour atteindre un possible bonheur, il faut davantage penser à soi qu'au monde. Les épicuriens formulent de même des maximes qui visent à réaliser un état d'ataraxie et de bonheur chez l'homme. Ils recommandent ainsi de ne pas avoir peur ni de la mort ni des dieux et de trier nos désirs, c'est-à-dire de distinguer ceux qui sont réalisables de ceux qui ne le sont pas. Les philosophes prescrivent donc des orientations, des conseils quant aux modalités de la vie. Ils proposent également des fictions politiques, voire les réalisations de certains régimes. Rousseau dans son Contrat social, détermine ainsi les principes de l'Etat de droit, de volonté générale. Ces principes servent aujourd'hui de fondements au régime républicain démocratique. A travers sa pensée existentialiste, Sartre développe l'idée selon laquelle l'homme se constitue par ses actes, qu'il est absolument libre, c'est-à-dire responsable de ses actions. Une telle thèse pose l'homme comme un être d'action et ne peut donc que le pousser à agir, et à agir avec précaution, en tant justement qu'il est responsable de ce qu'il fait, à l'inverse d'une conception déterministe de l'homme.
 Les philosophes cherchent également à comprendre le réel, à l'expliquer. Comme l'indique
la citation du temple de Delphes, " connais-toi toi-même " : il s'agit avant tout de savoir qui nous sommes. Il est indéniable que la philosophie tend aussi à nous  rapprocher de la vérité. Nous n'oublions pas que la philosophie n'est pas une science et qu'elle n'apporte donc aucune connaissance ; mais elle stimule les sciences, leur indique des orientations de recherche, et fournit des interprétations du réel. Nous pensons par exemple à Locke et à Hobbes qui ont fourni des explications quant au passage de la société à l'Etat, et qui, par la même occasion, définissent ce qu'ils entendent par Etat. Nous pensons également à Merleau-Ponty qui propose une nouvelle interprétation de la perception. La philosophie, de ce point de vue, permet une compréhension du réel. Cette compréhension est évidemment nécessaire à l'évolution de l'homme, à son impact sur le monde. C'est en s'interrogeant sur ce monde, qu'il arrivera à s'approprier ce monde, comme lui-même, et donc à vivre mieux.
 C'est ainsi en s'interrogeant, en doutant, que l'homme devient également tolérant, convient de son humanité et de la complexité de celle-ci. Par la pensée philosophique, l'homme s'affranchit ainsi d'une certaine " barbarie ", c'est-à-dire qu'il prend de la distance avec soi-même et qu'il apprend à être maître de lui. Sans pour autant dire que la philosophie est le remède miracle, la solution contre le chaos et pour la paix,  on peut noter qu'elle participe à un mouvement d'émancipation, qu'elle favorise le dialogue. Nous ne négligeons bien sûr pas des théories philosophiques violentes comme celles de Nietzsche mais il nous semble tout de même nécessaire de remarquer que la  philosophie, en tant qu'un chemin vers la sagesse, ne peut qu'être un moyen de devenir sage, donc le plus humain possible.
 La philosophie oriente ainsi les pensées et donc les actions des hommes. Elle est nécessaire pour les sociétés en tant qu'elle conduit à un idéal de sagesse, qu'elle marche vers le Beau, le Bien, le Vrai, selon l'expression de Platon. A cet égard, elle peut apparaître comme utile. Cet adjectif est pourtant à employer avec précaution. Il semble que la philosophie soit plus " essentielle "  à l'homme qu' " utile " , comme nous la verrons dans notre dernière partie.


 (troisième partie)
  Il n'est pas ainsi approprié de parler d'utilité, ou même d'inutilité, à propos de la philosophie. En tant que réflexion, que passion, qu'essence même de l'homme, la philosophie se préoccupe peu de son utilité.
 Il ne s'agit pas de " produire " de la pensée, encore moins de la pensée utile, mais bien plutôt de réfléchir. Comme Montaigne le  disait à propos de l'éducation des enfants  dans son chapitre " De l'instruction " des Essais, il faut avoir " une tête bien faite plutôt qu'une tête bien pleine ".  La philosophie apprend à réfléchir, à problématiser, plutôt qu'elle ne cherche à établir des certitudes, des connaissances. On pourrait aussi l'opposer à l'histoire, aux sciences de l'homme, qui comme la philosophie, cherchent à comprendre le monde, l'être humain et la société, mais qui se basent sur les faits et qui établissent des certitudes et même des lois. Descartes disait : je ne suis pas plus intelligent qu'un autre, mais j'ai une méthode, soulignant ainsi le désir de structurer sa pensée, de lui fixer des règles, formulant en quelque sorte le propre de la philosophie. Rappelons à ce propos que la philosophie s'attache à la raison, qu'elle se veut donc essentiellement  logique.
 La philosophie " aime ". C'est un plaisir, une passion, et en cela, elle ne peut se définir par son utilité. On peut s'interroger d'ailleurs sur un possible parallèle entre ce qui est plaisant mais pas utile, comme l'amour, l'art, la philosophie, et ce qui est désagréable mais utile, comme le travail, dont l'étymologie est " tripalium ", c'est-à-dire instrument de torture. Bien sûr il s'agit de ne pas faire d'amalgame, ce qui est utile peut être plaisant. Mais la philosophie est un plaisir avant tout et de plus une donnée qui semble inhérente à l'homme. La vie, en effet, ne peut se réduire à des considérations matérielles. L'homme est également un esprit, un esprit pensant. Pour Descartes, il est même avant tout un " cogito ". L'homme a besoin de s'épanouir de façon intellectuelle et psychologique en réfléchissant, en se posant des questions, en appréhendant l'abstrait.  Et soulignons que même s'il s'agit d'un besoin pour l'homme de philosopher, la philosophie ne représente pas quelque chose d'utile pour l'homme, mais plutôt quelque chose de nécessaire, d'essentiel. Ainsi, pour Socrate, la philosophie est une maïeutique. Chaque homme est philosophe, il faut le faire accoucher de sa faculté philosophique. La philosophie ne s'enseigne pas puisqu'elle est à l'intérieur de chacun d'entre nous.
 Il ne semble pas approprié de parler de l'utilité de la philosophie puisque la philosophie ne se définit absolument pas  par cette donnée, mais bien plutôt par la réflexion et le plaisir qu'elle suscite. En tant qu'inhérente à chaque être, il semble de plus qu'elle soit impossible à récuser. Le critère d'inutilité est totalement insuffisant pour récuser la philosophie. 


  Le propre de la philosophie ne réside pas dans son inutilité ou son utilité, et donc son aspect inutile indéniable  n'est pas en mesure de nous déranger. Nous ne demandons pas à la philosophie d'être utile.  Pourtant, à certains égards, elle peut l'être, ou plutôt elle présente des intérêts non négligeables. Celui par exemple de nous faire réfléchir sur le fait que tout ne se réduit  à l'utile, qu'il est possible de se dégager de cette notion parfois dangereuse comme lorsqu'elle nous fait tomber dans l'utilitarisme. Ainsi la philosophie nous apprend-elle qu'il vaut mieux parfois privilégier l'intérêt de l'autre par rapport au sien, ce qui ne présente rien d'utile. Mais ce qui ne nous paraît pas utile directement peut l'être à une échelle plus grande, comme celle de l'humanité. Ce qui n'est pas utile immédiatement, concrètement, peut l'être dans une dimension plus large. C'est le cas de la vertu et de la philosophie.  Ainsi la philosophie est moins  utile que nécessaire.

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23 novembre 2006 4 23 /11 /novembre /2006 17:38

 Nous désirons ce que les autres désirent. C'est pourquoi l'autre (l'ami, l'amant,  le modèle) ,  que nous admirons et aimons,   peut constituer en même temps le principal  obstacle sur le chemin  de notre propre  désir (voir par exemple le film de  B. Shroeder, JF partagerait appartement, ou plus classique : Deux  gentilhommes  de   Vérone, de Shakespeare)

"Dans tous les désirs que nous avons observés, il n'y avait pas seulement un objet et un sujet, il y avait un troisième terme, le rival, auquel on pourrait essayer, pour une fois, de donner la primauté. [...] Le sujet désire l'objet parce que le rival lui-même le désire. En désirant tel ou tel objet, le rival le désigne au sujet comme désirable. Le rival est le modèle du sujet, non pas tant sur le plan superficiel des façons d'être, des idées, etc., que sur le plan plus essentiel du désir.
[...] Une fois que ses besoins primordiaux sont satisfaits, et parfois même avant, l'homme désire intensément, mais il ne sait pas exactement quoi, car c'est l'être qu'il désire, un être dont il se sent privé et dont quelqu'un d'autre lui paraît pourvu. Le sujet attend de cet autre qu'il lui dise ce qu'il faut désirer, pour acquérir cet être. Si le modèle, déjà doté, semble-t-il, d'un être supérieur désire quelque chose, il ne peut s'agir que d'un objet capable de conférer une plénitude d'être encore plus totale. Ce n'est pas par des paroles, c'est par son propre désir que le modèle désigne au sujet l'objet suprêmement désirable.
Nous revenons à une idée ancienne mais dont les implications sont peut-être méconnues ; le désir est essentiellement mimétique, il se calque sur un désir modèle ; il élit le même objet que ce modèle.
Le mimétisme du désir enfantin est universellement reconnu. Le désir adulte n'est en rien différent, à ceci près que l'adulte, en particulier dans notre contexte culturel, a honte, le plus souvent, de se modeler sur autrui ; il a peur de révéler son manque d'être. Il se déclare hautement satisfait de lui-même ; il se présente en modèle aux autres ; chacun va répétant : « Imitez-moi » afin de dissimuler sa propre imitation.
Deux désirs qui convergent sur le même objet se font mutuellement obstacle. Toute mimesis portant sur le désir débouche automatiquement sur le conflit"
René Girard, La Violence et le Sacré (1972), Éd. Grasset, 1972, pp. 216-217.
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23 novembre 2006 4 23 /11 /novembre /2006 16:56
Un visiteur et collègue me fait observer que  mon idée  concernant l'enseignement nouvelle manière (voir ci-dessous : l'heure de cours dépassée) comporte des dangers et des écueils.
 L'enseignement par machine interposée n'est évidemment pas susceptible de remplacer un relation directe avec un prof en chair et en os: je suis évidemment tout-à-fait d'accord .Je conçois le blog de philo  comme un complément , pas comme un substitut du cours!
 D'autre part , cette "mise à disposition"  du prof  (!) que je suggère peut avoir pour effet pervers de développer chez l'étudiant une mentalité d' assisté ou de consommateur.  Exact aussi.
 C'est pourquoi je conçois le blog comme un outil de discussion, de dialogue, une ouverture  sur le monde -au mieux! -et non pas comme un cours en parallèle ni comme une aide gracieuse concurrençant déloyalement les organismes payants de soutien scolaire  tels que Acadomia et autre.  C'est pourquoi je ne fais ni cours  ni corrigés .

 
Je propose surtout des textes et des pistes de réflexion et des petits aperçus sur l'actualité et non pas des mémentos pour le bac  (il en existe tant et d'excellents, cela n'est pas mon but).
En revanche je réponds aux questions -encore faut-il que vous les posiez!
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