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27 avril 2007 5 27 /04 /avril /2007 17:24
La réforme des classes préparatoires littéraires.  ( Compte rendu  partiel de la réunion  d'information ayant eu lieu à l'ENS de ULM le 26 avril 2007) En présence de  M. Ferret (Inspecteur Général de l'Education Nationale et M. Boichot (Inspecteur de physique ayant coordonné la réforme)

Désormais , les classes préparatoires littéraires deviennent  "non déterminantes ". D'autre part, elles auront pour vocation de donner accès non seulement aux trois ENS (ULM, LYON, CACHAN) mais aussi aux écoles de commerce (ECTS), à Sciences-PO, Saint Cyr, Ecole des Chartes. Et, bien sûr, aux LMD.
Une banque d'épreuves communes sera donc proposée pour tous les candidats .

 Quatre décrets seront publiés ces jours-ci au B.O.  sur
1) Les objectifs des classes préparatoires et la raisons de cette réforme
2) La création de cette banque d'épreuves
3) Les nouvelles grilles horaires
4) Les procédés d'intégration aux ECTS  (120 places en L1 et L2) et en ECTS  (60 places en L3
(Nota bene : L 1 : une année de licence L2 : deux années etc..  LMD : Licence-Master-Doctorat)

La plus grande modification touchant  les HK (hypokhâgne) concerne l'introduction des langues anciennes obligatoires (mais avec un cursus pour débutants) ainsi que la seconde langue vivante  (LVB).

1) Objectif de la réforme

Permettre à tous les élèves de classes prépas d'intégrer ULM et LYON ou CACHAN  mais aussi les écoles de management (700 places vacantes !), journalisme , CELSA, écoles de traduction etc.. et aussi d'obtenir (quasi automatiquement) leur intégration dans le parcours LMD. Tout étudiant qui cube  (redouble la khâgne) sera inscrit en L3.
 Ainsi aucun élève ne se demandera plus quoi faire en cas d'échec aux concours. Désormais les classes préparatoires sont le parcours d'excellence qui permet à tous d'obtenir   un diplôme. C'est le but en tout cas ! De plus  les étudiants et les parents doivent savoir que les écoles de commerce et les écoles de management, qui manquent d'étudiants sont étroitement associés à cette réforme.

2) Nouvelles épreuves
a)Communes à tous :
 Une épreuve de  " Langue et culture de l'antiquité " pour tous (programme renouvelé tous les deux ans)
Une épreuve de LVB pour tous.
Les épreuves de dissertation dureront désormais 6 heures et non plus 5

(Contenus :  Langues et cultures anciennes :) Programme de 2008 : Mythes et littératures antiques)

b) Spécialité ULM, langues anciennes :  traduction+ commentaire
3) Horaires
Trois heures pour les langues anciennes (une heure de culture antique, deux heures de langue, soit débutants, soit confirmés)
Deux heures pour LVB
 Nouveaux programmes :
En histoire :  En alternance (une année sur deux) pour les khâgnes, histoire de France et histoire mondiale. L'autre partie (France ou International) étant au programme d'oral.
En philosophie :
Programme de HK  portant sur 5 thèmes ; Métaphysique, Sciences, Morale, Politique et droit, Art et technique. Idem en khâgne (suppression du thème de Lyon).
HK :  Il faudra aussi étudier  deux œuvres, une antique une moderne, selon le choix du professeur.
En khâgne, les cinq domaines seront abordés par tous les khâgneux . Les optionnaires auront un programme spécifique en plus pour l'oral.
A la fin  du premier trimestre de HK, les étudiants qui choisiront soit les options langues anciennes soit les options artistiques pourront renoncer aux langues vivantes deux.
Les options IEP seront maintenues (mais allégées notamment en ce qui concerne les LVB) dans les lycées qui en disposent. Elles seront utilisées pour appuyer ce dispositif (par exemple pour les programmes d'histoire ?)/
Toutes les prépas I.E.P.  de province appuient cette réforme et leurs représentants affirment que ces contenus suffiront pour leurs propres concours.
CONCLUSION
Le grand changement concerne les langues anciennes (pas de panique, il y a un cursus débutant) et la philo aussi : plus de thème pour ULM en khâgne. IL y aura une meilleure articulation HK/K
Je n'ai pas assisté au topo sur les langues, je ne peux rien en dire, j'en saurais plus lundi.
 Cette réforme a pour objectif de revaloriser les sections littéraires, et l'on espère un effet rétroactif sur l'enseignement littéraire au lycée. Une réforme complémentaire et cohérente est attendue en ce sens.

 ANNEXE : LES CHIFFRES

EN 2007 :
 6796 étudiants ont été admis en HK. 4444 en Khâgne, dont 25 % de doublants donc seulememt 3333.
 Les admis aux concours ENS :
ULM : 38
LSH : 74 (Lyon)
BL 20 ;
Avec les IEP et écoles de commerce : 250 étudiants en tout.
 Un élève de classe prépa coûte 13560 Euros par an.  (1, 1 milliards d'Euros).  IL y a 132 HK et 826 profs.
On espère donc par cette réforme obtenir une meilleure lisibilité des parcours, une insertion de tous  en LMD, une clarification des objectifs, une meilleure visibilité des débouchés.

 POST SCRIPTUM : Veuillez excuser les approximations, les obscurités ou les erreurs. Ceci n'est pas exhaustif et ne vous donne qu'un aperçu en attendant la publication des textes ces jours-ci
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26 avril 2007 4 26 /04 /avril /2007 20:04
C'est le sujet tombé à Lyon (ENS): La culture est-elle une seconde nature?

Voici le texte de référence:

"Qu'est-ce que nos principes naturels, sinon nos principes accoutumés ? Et dans les enfants, ceux qu'ils ont reçus de la coutume de leurs pères, comme la chasse dans les animaux ? Une différente coutume nous donnera d'autres principes naturels, cela se voit par expérience ; et s'il y en a d'ineffaçables à la coutume, il y en a aussi de la coutume contre la nature , ineffaçables à la nature , et à une seconde  coutume. Cela dépend de la disposition.
Les pères craignent que l'amour naturel des enfants ne s'efface. Quelle est donc cette nature , sujette à être effacée ? La coutume est une seconde nature qui détruit la première. Mais qu'est-ce que nature ? Pourquoi la coutume n'est-elle pas naturelle ? J'ai grand'peur que cette nature ne soit elle-même qu'une première coutume, comme la coutume est une seconde nature."

Blaise  Pascal , Pensées (1657-1662), fragments n° 92 et 93 de l'éd. Brunschvicg, Garnier-Flammarion, 1976, pp. 77-78.

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14 avril 2007 6 14 /04 /avril /2007 14:52

Tous les partis en France sont pour une réforme qui permettrait d'introduire un peu de proportionnelle dans les scrutins législatifs.
 Tous sauf l'UMP.
Qui comprend quelque chose?Le Monde

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13 avril 2007 5 13 /04 /avril /2007 19:51
Il est impossible de comprendre la singularité de l'Europe si l'on oublie le rôle clés qu'y jouèrent les nations  en y  introduisant la figure de l'Etat moderne:


"L'État-nation fut à l'Europe moderne ce que la cité fut à la Grèce antique : ce qui produit l'unité, et donc le cadre de sens, de la vie en produisant la chose commune. En dépit d'excellents travaux historiques, la comparaison entre les deux formes politiques recèle encore bien des enseignements qu'il importerait de porter au jour. Ce que l'on peut dire en tout cas, c'est que la cité et l'État-nation sont les deux seules formes politiques qui ont été capables de réaliser, du moins dans leur phase démocratique, l'union intime de la civilisation et de la liberté. Il y eut de grands empires civilisés : même dans leurs jours les plus doux, ils ignorèrent la liberté. La vie des tribus, plus généralement la vie « primitive », comporte une forme très caractérisée de liberté, mais elle ignore les aménités et les charmes de la civilisation. Je voudrais considérer ici la forme de l'État-nation, en laissant de côté, à regret, la question de la cité.
La familiarité nourrit le mépris. En tout cas, nous ne savons plus apprécier ce qui a été accompli par l' Etat-nation européen dans son développement historique. Il s'est agi d'une entreprise extraordinairement hardie, qui a réclamé une mobilisation, inédite par son intensité et surtout par sa durée et la variété de ses registres, des ressources de l'âme non seulement des chefs et des inspirateurs mais pour ainsi dire de tous les citoyens. Il s'est agi d'étendre la vie civique, le « vivre libre », dans le meilleur des cas jusqu'alors le privilège d'un petit nombre, à des associations d'hommes innombrables. Il s'est agi de gouverner d'immenses réunions d'hommes en les laissant libres".
Pierre Manent La raison des nations Gallimard 2006
La raison des nations

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9 avril 2007 1 09 /04 /avril /2007 19:49
Que je ne découvre qu'aujourd'hui: contrechamp.kaywa.com
L'auteur, Sandrine Marques,  est la rédactrice en chef de PLume noire.com
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7 avril 2007 6 07 /04 /avril /2007 09:00
Le débat  oppose dans le Nouvel Obs, entre Alain Bentolila (Tout sur l'école, Ed. Odile Jacob)  et Vincent Cespedes  (Contre-dico philosophique)
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6 avril 2007 5 06 /04 /avril /2007 10:45
Pour faire échec à la droite . C'est dans Libé
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2 avril 2007 1 02 /04 /avril /2007 17:46
Pour Claude Lefort, (philosophe français lié  au mouvement anti-totalitaire  " Socialisme ou barbarie " avec Cornelius Castoriadis et Marcel Gauchet) la démocratie n'est pas seulement un système politique. C'est un état d'esprit, une nouvelle forme de civilisation.  Parce qu'en démocratie le " lieu du pouvoir est vide ", l'homme démocratique ne croit plus en aucune vérité incarnée ou intangible. Il connaît  la nécessité et même le bien-fondé du conflit. Comme Cornelius Castoradis, Claude Lefort   considère  également que le " symbolique " est l'un des piliers de l'ordre social.

" La démocratie pour moi ne peut se réduire à un système juridico-politique, parce que, beaucoup plus profondément, elle procède pour la première fois d'un consentement tacite à al pluralité des intérêts, des opinions et des croyances, et même d'un consentement  au conflit. C'est même la reconnaissance du conflit, le refus d'une autorité inconditionnée, le refus d'un pouvoir incarné dans un monarque ou dans une institution, qui est à l'origine et au cœur du mouvement démocratique. Dès lors qu'il y a acceptation du fait que, comme je l'ai dit, le lieu du pouvoir est vide, il peut du même coup y avoir une reconnaissance de ce que la connaissance ne peut s'ancrer dans un dogme. Elle est toujours travaillée par une question sur ses propres fondements, qu'il s'agisse de la connaissance scientifique ou de tous les modes de connaissance, y compris esthétiques.
De même, il n'y a pas de loi sociale qui puisse être rapportée à un ordre du monde, un ordre de la nature. Il n'y a pas de loi qui puisse être soustraite à al discussion et à l'affrontement des hommes dans la société. Toutefois, ce que je me suis empressé d'ajouter, c'est que cela ne signifie pas pour autant que le pouvoir et la loi devenaient en quelque sorte de simples produits de la volonté collective, ce qui serait absurde. Leur fonction symbolique est d'autant plus évidente qu'on ne peut les projeter dans une pseudo-réalité ".
"L"invention du politique " dans Philosophes de notre temps, p 171
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30 mars 2007 5 30 /03 /mars /2007 20:30

C'est sur  le web pédagogie,

A propos du livre de Géraldine Muhlmann,
Du  journalisme en démocratie

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30 mars 2007 5 30 /03 /mars /2007 16:52


 Par Nina Montané  (HK2 Mars 2007) 

 On dit parfois qu’une action est « belle », comme le sacrifice d’Antigone pour  la dépouille de son frère, c’est-à-dire pour le respect de la loi morale universelle. Mais cela semble relever d’une confusion (on devrait qualifier cette action de noble, ou de droite, ou tout simplement de morale) car le beau est, ce qui provoque en nous un sentiment de plénitude, d’harmonie, ou de perfection en son genre, devant le spectacle d’apparences « belles » , notamment devant une œuvre d’art ( qui est le résultat de la démarche artistique). Or, on nomme immoral ce qui va à l’encontre de la loi morale (que me dicte ma raison comme étant mon devoir, ou qui résulte de l’amour que je ressens pour l’autre et qui m’interdit de penser à moi avant de penser à lui), en toute conscience, soit dans le but de faire le mal, soit parce que mes intérêts personnels me semblent plus importants que le respect du devoir. Cette définition semble difficilement applicable à une œuvre d’art ; et la morale et l’esthétique semblent renvoyer à deux registres distincts.  Dans cette mesure, on peut se demander en quoi une œuvre d’art pourrait aller à l’encontre de la morale, c’est-à-dire dans quelle mesure ces deux registres peuvent s’opposer ou se rejoindre. Nous verrons dans un premier temps qu’une œuvre morale peut sembler immorale par son contenu et sa démarche ; puis on s’interrogera sur le caractère amoral de l’oeuvre d’art. Enfin, nous observerons que l’œuvre d’art ne peut pas être totalement immorale, du fait de sa forme et de son action unifiante pour  les hommes.

 Une œuvre d’art est souvent qualifiée d’immorale par des instances ayant autorité dans la société, et qui visent par là  soit la démarche artistique elle-même,  soit  le contenu d’une œuvre. Les monothéismes comme le Judaïsme et l’Islam condamnent la représentation de Dieu (dont il est même interdit de prononcer le nom dans la religion juive). Ils assimilent ainsi la représentation à une forme d’immoralité, car le fait de dessiner ou de peindre Dieu le réduit, travestit son essence. De même le christianisme, s’il autorise la représentation des envoyés de Dieu (comme son fils, le Christ, dont la figure est omniprésente dans le culte) proscrit la représentation théâtrale ; supposée immorale, parce que mensongère. Le bannissement des comédiens de la religion chrétienne montre également une autre facette de la désapprobation morale de l’œuvre d’art, qui ne se réduit pas à la démarche artistique ni au fait de travestir la réalité, mais bien d’exprimer des contenus immoraux . Ainsi dans Tartuffe, de Molière, les héros usent de stratagèmes immoraux, comme la tromperie, pour démasquer l’hypocrisie.   Ainsi une œuvre d’art est déclarée immorale par les bien-pensants ; on juge qu’elle corrompt les mœurs, qu’elle incite à l’immoralité. Le roman de Flaubert, Madame Bovary, a valu à son auteur un procès pour atteinte aux bonnes mœurs par un comité de censure, à cause de son intrigue : le récit de la vie d’une femme qui s’ennuie, lit de la mauvaise littérature et trompe son mari. Or, si l’on intente des procès aux auteurs d’œuvres immorales, c’est que l’on considère que l’œuvre d’art doit avoir un contenu moral. Ainsi Les malheurs de Sophie, de la Comtesse de Ségur,sont censés apprendre aux petites filles les bêtises qu’il ne faut pas faire, ce qui est bien et ce qui est mal.  Il semble cependant que la qualité littéraire de l’œuvre de Flaubert dépasse largement celle de la Comtesse de Ségur, de par le style de l’auteur. Ainsi, c’est plutôt l’intérêt formel que le contenu de l’œuvre qui compte pour juger une œuvre d’art, et le récit des trajets d’Emma pour aller rejoindre Rodolphe, toute transportée d’émotion, et en accord parfait avec la nature qui l’entoure (ponctué  d’ indices stylistiques de Flaubert qui indique que tout cela n’est qu’illusion) semble plus beau que la prose édifiante de la Comtesse de Ségur.   C’est donc au niveau de la forme- du « style » que Prout glorifie dans la Recherche du temps perdu, comme unique critère de l’art – que se juge la valeur d’une œuvre, et pas au niveau de son contenu ; et la condamnation morale d’une œuvre n’est donc  pertinente, dans cette mesure, que dans la critique du travestissement de la réalité (si l’on suppose qu’il est immoral de représenter ce qui ne correspond pas à la réalité). Mais peut-on dire que les tableaux de Mark Rothko sont faux ou immoraux parce qu’ils ne représentent pas la réalité telle qu’elle est ? Il semble par là que le jugement esthétique ne prenne en compte que la forme de l’œuvre, pas son contenu nu une quelconque finalité, et que l’oeuvre d’art soit amorale.  

 

    Est amoral ce qui ne prend pas en compte la dimension morale (sans être pour ni contre la morale). Et la beauté ou la valeur d’une œuvre d’art correspond à un sentiment d’harmonie, de perfection dans la composition de l’œuvre - ce que Kant qualifie de « finalité sans fin ». L’œuvre existe pour elle-même et est sa propre fin, rien ne pourrait y être ajouté ou retiré afin de la rendre meilleure.   Ainsi, il ne semble pas pertinent de qualifier la scène du vol des hélicoptères dans Apocalypse now de Francis Ford Coppola d’ "immoral ».La musique de Wagner et la beauté des images de militaires se préparant à massacrer des autochtones ne cherchent pas à glorifier ces actions. Ces plans, le son des pales des hélicoptères et la musique de la « Chevauchée des Walkyries » se combinent harmonieusement pour former une séquence parmi les plus belles du cinéma. Le jugement esthétique doit ici se détacher du contenu pour juger la forme.  C’est aussi pour ce motif que Kant considère que la vraie beauté n’est pas la « beauté adhérente » , celle qui véhicule un contenu moral ou une idéologie. On ne peut que lui donner raison quand on observe l’architecture soviétique ou l’art futuriste mussolinien. L’art au service de l’idéologie semble s’enfermer et perdre de sa gratuité, quand son seul but semble être l’émulation et la glorification du modèle totalitaire.   Mais il peut également sembler que des œuvres réalisées par les artistes voulant « faire passer un message », selon l’expression consacrée, puissent avoir néanmoins une valeur artistique, comme par exemple le film « Soy cuba », réalisé par le soviétique Mikhailkov, et dont la beauté reste saisissante/ La maîtrise formelle est présente, et le sentiment du beau aussi , aussi bien dans les plans, que dans le montage ou la musique. L’art peut donc émerger de l’idéologie, en s’en détachant, et dépassant toute morale.  Mais une dernière forme d’accusation d’immoralité peut accabler une œuvre d’art. Si l’on considère ce terme sans l’acception d’irrespect et de transgression des règles établies, on peut voir les condamnations des premiers impressionnistes par les critiques et amateurs d’art de l’époque comme une forme d’accusation d’immoralité. En effet, le coucher de soleil sur lez port de Harfleur peint par Monet a déchaîné les critiques qui le qualifiaient d’œuvre inachevée, et qui donc jugeaient son exposition irrespectueuse. En réalité, on voit bien que la transgression des canons établis, si elle est mal comprise au début, est nécessaire à la création, dans le sens de fabrication de quelque chose de nouveau et qui dépasse les normes académiques. C’est ce que Kant appelle le « génie » dans l’Analytique du beau, c’est-à-dire que l’artiste génial, qui produit des œuvres d’une qualité exceptionnelle, le fait sans savoir et sans règle préétablie.   Ainsi un quelconque contenu moral semblerait dégrader l’œuvre d’art, en donnant une règle à suivre à l’artiste, donc en empêchant sa liberté. C’est ce qui fait que certaines œuvres dont le contenu est contraire à la morale sont mal comprises, car celui qui n’a pas de goût esthétique s’arrêtera au fond de l’œuvre sans juger de sa forme. D’une manière très prosaïque, il semble absurde de dire qu’une œuvre est immorale, dans le sens où elle ferait du mal à quelqu’un. L’œuvre n’a pas de but moral. Un ballet de Noureev n’a pas une visée morale, comme la danse en général, qui est une création et une expression sans permanence, purement gratuite, qui n’existe que pendant l’instant où le corps du danseur se fait mouvement et œuvre, à la fois matière et forme de la danse.   Dans la mesure où une œuvre d’art renvoie au champ de l’esthétique, on ne la juge que d’un point de vue formel, et un quelconque message moral semblerait susceptible de dégrader ou d’enfermer l’œuvre dans des règles qu’elle doit nécessairement dépasser pour être belle. Car il n’y a  pas de recettes pour faire une belle œuvre, ainsi que le raconte la parabole du « Chef d’œuvre inconnu » de Balzac. L’œuvre d’art doit donc être amorale dans sa démarche de  création pour être libre.

 On pourrait cependant trouver des dimensions communes au moral et au beau, notamment parce qu’ils se jugent tous deux à partir de leur forme et d’une certaine universalité. Et différents éléments laissent penser qu’une œuvre d’art ne peut être immorale, pas seulement parce qu’elle est amorale, mais aussi en raison de certains effets qui rendent le beau moral.   Il semble qu’une œuvre d’art, par sa forme et par son action, ait un effet pacificateur, même si ce n’est pas la motivation de l’artiste. Tout d’abord, au niveau de la forme, le domaine moral et le domaine esthétique sont appréciés par un « jugement réfléchissant » comme le fait remarquer Kant (note  de LHL : il s'agit là d'une erreur. Le jugement réfléchissant vaut pour la politique, non pour la morale), c’est-à-dire qu’on ne les juge pas à partir de catégories préétablies, mais que l’on élabore une règle en partant d’un œuvre ou d’un acte particulier. Ainsi ces deux registres sont liés par leur dimension universelle, ou du moins la prétention à l’universel, et sont susceptibles de toucher tous les hommes. Jean Cocteau, dans l’une de ses pièces, fait dire au mythe : « Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité ». C’est aussi ce que pourrait dire l’œuvre d’art. Le reproche d’immoralité au sens de "travestissement de la réalité"  et donc de mensonge, ou de tromperie, proféré par celui qui considère que la réalité immédiate est la seule réalité valable, et correspond à la vérité. Or, selon Hegel, dans l’Esthétique, l’œuvre d’art est plus réelle que la réalité immédiate car elle nous permet d’appréhender plusieurs facettes de la réalité et de l’essence des choses et des êtres, par la représentation. Or cette représentation n’est pas toujours conforme à l’apparence des choses. On peut penser à la Dora Maar de Picasso, avec son visage déformé,qui rend beaucoup mieux compte de l’essence de cette femme que ne le ferait une vulgaire photo par exemple.  Toujours selon Hegel, cette manière de nous restituer l’essence des choses a pour effet de nous rendre plus sensibles en nous faisant vivre des expériences qui nous auraient été étrangères autrement.  Dans Si c’est un homme, Primo Lévi nous fait vivre l’horreur des camps et leur action destructrice sur l’homme : quand le lecteur imagine et se représente ces atrocités, elles sont bien plus réelles que celles décrites dans les livres d’histoire.  Ainsi, si l’on accepte le terme « moral » dans le sens que Levinas  lui donne, c’est-à-dire reposant sur l’amour de l’autre sans attendre de retour, juste parce qu’il est humain, alors, par la représentation de choses plus ou moins tirées du réel mais témoignant de l’humain, l’œuvre d’art me rend plus moral parce qu’elle me fait comprendre et aimer l’autre.  De même, le sentiment esthétique dont Kant postule  qu’il est commun à tous les hommes, doit leur permettre de communier dans la contemplation du beau, et  d’oublier leurs différends. Par cette dimension, le Beau symbolise également le bien, car il es tune représentation de l’idée de perfection et d’harmonie. Il est représentation et facteur de concorde.  L’œuvre d’art, comme l’action morale, tend à être appréciée par tous. Elle ne peut être immorale car elle relie les hommes et les fait accéder à l’essence des choses et des êtres.  

 

Si le contenu de l’œuvre d’art peut sembler choquant et corrupteur à certaines personnes, on ne peut qualifier pour cette raison une œuvre d’art d’immorale car ce n’est pas le contenu de l’œuvre qui doit être jugé, mais sa forme. Ainsi, le sentiment esthétique ou le beau ne vont jamais à l’encontre de la morale, même si le but de l’œuvre n’est jamais d’être morale car la création artistique est libre avant tout, et est amorale dans la démarche de création. Néanmoins, on peut avancer que l’œuvre d’art est même morale dans l’effet qu’elle produit sur les hommes. Le caractère universel du sentiment esthétique et l’approfondissement de la sensibilité de celui qui contemple l’œuvre d’art ne peut le pousser à des sentiments belliqueux ou de révolte. Ou , plutôt :  si ce type de sentiments est éveillé, il n’est jamais immoral mais reste du domaine de l’irréalisé, du fantasme ; et il peut sembler bien plus moral de fantasmer des crimes et de soulager des pulsions destructrices par la représentation que par le passage à l’acte. Mais le plus beau dans l’œuvre ne doit pas être sa moralité ou son immoralité, son action fédératrice ou sa capacité d’émouvoir, mais bien sa liberté et sa gratuité.

 

 

 

 

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