Cette fois c'est confirmé: les élèves de khâgne pourront postuler pour toutes les écoles commerciales et une grande partie des IEP.
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Cette fois c'est confirmé: les élèves de khâgne pourront postuler pour toutes les écoles commerciales et une grande partie des IEP.
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« Avec une prescience extraordinaire, Hannah Arendt analysait dès 1958 une mutation de
l'action dans son ouvrage majeur The Human Condition (1. L'action s'exerce d'abord dans le
réseau des relations humaines. L'action et la parole engendrent des histoires dont nul ne
peut se dire l'auteur et qui connaissent parfois ou souvent un dénouement tragique. De cette
expérience primordiale de l'autonomisation de l'action par rapport aux intentions des
acteurs sont probablement nés le sacré, la tragédie, la religion et la politique - autant de
dispositifs symboliques et réels susceptibles de maintenir dans des limites cette capacité
d'agir. Le fait totalement inédit qui caractérise nos sociétés fondées sur la science et la
technique est que nous sommes désormais capables de déclencher de tels processus dans et sur
l a nature elle-même. Si tel est le cas, nul ne peut se dire philosophe qui ne possède une
connaissance approfondie de, la nature et des mécanismes par lesquels l'action de l'homme la
transforme.
Notre avenir est plus incertain que jamais, mais la catégorie de « risque », seul viatique
dont dispose la technocratie pour évaluer les chemins sur lesquels elle engage la société,
est parfaitement inadaptée à la tâche. Qui dit « risque » dit aujourd'hui « précaution ». Le
péché originel du principe de précaution est d'avoir cru que ce qui justifiait l'obligation
d'inventer une nouvelle maxime de prudence était une condition épistémique - ce que l'on
sait ou ne sait pas au sujet du « risque » en question - et non pas l'énormité des enjeux.
C'est parce que nous sommes devenus capables de produire et de détruire avec une puissance
inouïe qui dépasse notre capacité d'imagination et de pensée, que nous devons concevoir une
nouvelle forme de prudence. Ce n'est pas le manque de savoir qui est la situation inédite,
mais l'incapacité de penser et d'imaginer les conséquences et les implications de
nos actions. Ce fut dès 1958 l'intuition originelle de Hannah Arendt. Si tel est le cas, nul
ne peut se dire responsable de la chose publique s'il ne fait tout ce qui est en son pouvoir
de contenir la puissance d 'agir des hommes, ce qui veut dire aussi leur capacité de
destruction, dans des limites où elles puissent encore être pensées ».
De quoi l'avenir intellectuel sera-t-il fait?
Jean-Pierre Dupuy est polytechnicien, ingénieur général et professeur émérite de
philosophie sociale et politique à l'École polytechnique (Paris), professeur à l'université
Stanford (Califomie) …
1. Trad. fr. : Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, 1961 (voir pp. 259-261).
Vous trouverez un dossier complet sur ce thème surle Webpédagogique. A partir de septembre, nous proposerons quelques fiches de lecture :
Bibliographie Imagination (annexe des 43 textes)
I Œuvres littéraires
M. De Cervantès, L’ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Seuil, Col. Points
J. Swift, Les voyages de Gulliver, Ed. Folio
Balzac, La peau de chagrin, Ed. Folio
Gérard de Nerval, Aurélia, Ed. Folio
Edgar Poe, Histoires extraordinaires, Ed. Folio
Lewis Caroll, Alice au pays des merveilles , Ed. G.F.
J.L. Borgès, Fictions Ed. Folio
Ouvrages de science-fiction : (par exemple) ceux de Philip K. Dick et Isaac Azimov
II Œuvres philosophiques
(du plus accessible au plus difficile)
1)
Alain, Préliminaires à la mythologie (Ed. Gallimard)
B. Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, Ed. Livre de Poche
Freud, Ma vie et la psychanalyse, Ed. Gallimard
Freud, Délire et rêve dans la Gradiva de Jensen, Ed. Gallimard, Col. Idées
2)
Descartes, Méditations métaphysiques, Ed. G.F.
Pascal, Pensées, Ed. . Poche
Bachelard, La psychanalyse du feu, Ed. Gallimard, Col. Idées
Bachelard, La poétique de l’espace, Ed. P.U.F.
Bachelard, L’air et les songes, Ed. J. Corti
Bachelard, La poétique de la rêverie, Ed. P.U.F.
O. Mannoni, Clefs pour l’imaginaire, ED. Du seuil
M.J. Mondzain, L’image peut-elle tuer ? Bayard
J.J. Wunenburger, L’imaginaire, Col. Que sais-je ?
3)
F. Dagognet, Philosophie de l’image, Ed. Vrin
G. Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Ed. Dunod-Bordas
G. Durand, L’imagination symbolique, Ed. P.U.F.
Louis Marin, Des pouvoirs de l’image, ED. Seuil
Sartre, L’imaginaire, Ed. Gallimard
Sartre, L’imagination, P.U.F
Cornélius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Ed. du Seuil
G. Holton, L’imagination scientifique, Gallimard
PHILOSOPHIE HK
(Hansen-Love)
Lire en priorité les titres en gras.
La plupart des ouvrages indiqués existent en G.F, Folio, ou en Classiques Hatier , ou sont accessibles sur le site http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/
Ce sont les livres que nous étudierons et auxquels je me réfèrerai toute l’année.
MANUEL : Philosophie Anthologie Terminales (Belin)
Lire en priorité cet été les DIX textes intégraux qui y figurent (indiqués comme textes pour l’oral).
Attention : il y aura un contrôle de connaissance à la rentrée portant sur le vocabulaire élémentaire de la philosophie, établi à partir des œuvres lues pendant l’été (en gras)
1) Classiques :
Platon : Ménon, Apologie de Socrate, Phédon, Criton, Gorgias, République 6 et 7.
Aristote : Ethique à Nicomaque 8 et 9, Politique, 1. Sur Aristote : Aristote et la politique, F.Wolf, (P.U.F)
Descartes : Méditations 1,2, 3, 4, et Discours de la méthode
Spinoza Ethique 1 (et Appendice).
Pascal : Pensées (« Misère de l’homme sans Dieu »)
Rousseau : Discours sur l’origine de l’inégalité, Du contrat social
Kant : Critique de la raison pure (Textes choisis, P.U.F)
Analytique du beau (Classiques Hatier). Fondement pour la métaphysique des moeurs
Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique (Bordas)
Hegel : La raison dans l’histoire (10-18 ou en Classiques Hatier)
Nietzsche : Généalogie de la morale (G.F). Crépuscule des idoles (Classiques Hatier)
Sartre L’ existentialisme est un humanisme (Folio)
2) Culture générale ; politique et monde contemporain
Pierre Manent Cours familier de politique Tel Gallimard
J. de Romilly : La Grèce antique et la découverte de la liberté (Poche)
H.Arendt : Condition de l’homme moderne (Presses-Pocket) ; La crise de la culture (Idées) Le mensonge et la violence (Presses-Pocket)
Philosophie de A à Z Hatier
Et pour toute question, vous pouvez me retrouver ici sur : http://www.hansen-love.com/
Les Hypokhâgnes sont, en théorie, "indifférenciées", mais il y a bien des Khâgnes-Ulm et des Khâgnes-Lyon : les concours des deux écoles ont en commun certaines épreuves, mais chaque école a en plus des épreuves spécifiques. La liste des diverses prépas se trouve sur le site "Annuaire des Classes Préparatoires", et le détail des épreuves sur le site des ENS.
On me demande dans quels lycées s'inscrire lorsque l'on a entre 10 et 13 de moyenne
Cette question en elle-même pose problème: car il est peu probable que vous soyez pris avec une moyenne de 10! En général on ne prend pas les élèves avec une moyenne de moins de 12, mais il peut y avoir des exceptions si les appréciations expliquent, par exemple, un accident dans une matière, ou surtout, si l’on constate un progrès très net depuis la classe de première ("élève à fort potentiel", « très motivé »..), ou encore s'il y a un progrès en philo, par exemple, où la première note n'est pas toujours significative et peut donc être négligée.
Inversement une moyenne de 14 ne garantit pas l'inscription en classes prépas. On demande des résultats très homogènes, et quand un élève a une mauvaise moyenne dans une matière , ou une appréciation suspicieuse (« peu attentif », « travail décousu », « des absences non justifiées » etc..) cela suffit à le refuser - en règle générale )
Voici les possibilités à Paris, et proche banlieue de Paris (c'est ce que je connais)
Paris:
Jules Ferry (niveau bon..) .Jules Ferry a fait une percée remarquable en 2008, voir les derniers classements.
Lycée Balzac
Lycée Lamartine
Lycée Paul Valery
Lycée Molière
Lycée Victor Hugo
Lycée privés sous contrat:
Lycée Blomet
Lycée Stanislas
Pour préparer droit ou économie en vue de Cachan
Lycée Turgot
ESAA Duperré
Proche banlieue sud:
Lycée Michelet Vanves
Lycée Descartes Antony
Je vous communique aussi ce message:
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RESUME de la Préface de la seconde édition de la Critique de la raison pure
LES CHANGEMENTS DE LA SECONDE ÉDITION
Les corrections apportées à la seconde édition de la "Critique de la raison pure" concernent seulement la formulation de certaines difficultés. Rien n'a été changé aux propositions avancées et à leur démonstration, car la " Critique de la Raison Pure" forme un système dans lequel tout se tient (chaque partie existe en vue du tout et le tout en vue de chaque partie), et tout changement produirait inévitablement des contradictions. Soucieux de poursuivre son oeuvre, qui doit notamment conduire à une métaphysique de la nature et une métaphysique des moeurs, l'auteur met ainsi un terme à son travail sur la première de ses trois Critiques.
COMMENT TROUVER LA VOIE SÛRE DE LA SCIENCE ?
§ 1. À quoi reconnaît-on que des connaissances rationnelles (mettant en oeuvre des principes inhérents à la raison, qui ne sont donc pas tirés de l'expérience) forment une véritable science ? L'auteur répond dans un premier temps de manière négative: les hésitations, les désaccords sont la preuve qu'il s'agit encore de tâtonnements et non de « la voie sûre de la science ». La réponse positive passe par l'examen de trois sciences effectives : la logique, la mathématique et la physique.
LA LOGIQUE
§ 2. La logique est apparemment un exemple positif de connaissance rationnelle. Connue depuis Aristote, elle n'a pas subi de changements notables et paraît quasiment achevée lorsqu'on la considère dans sa limitation, c'est-à-dire en tant que science des règles de toute pensée qui vise à établir le vrai( indépendamment du contenu particulier de cette pensée).
§ 3, Mais cette limitation spécifique, en vertu de laquelle la logique est une science formelle et n'a pas d'objet hors d'elle, la raison n'y ayant affaire qu'à elle-même, la met à part des autres sciences, qui visent la connaissance d'objets. En ce sens, le cas de la logique n'est pas exemplaire. La logique est certes rationnelle, mais elle n'est pas une science à proprement parler, elle est le « vestibule » de la science.
§ 4. La science véritable est une connaissance en tant qu'elle a un objet hors d'elle, avec lequel elle établit une relation, et elle est rationnelle dans la mesure où cette relation s'établit à partir de ses propres principes ou concepts, qui sont a priori, c'est-à-dire indépendants -en eux-mêmes- de ce à quoi ils s'appliquent.
LA MATHEMATIQUE ET LA LOGIQUE
§5.Ces deux connaissances, dont nul ne peut contester qu'elles sont des sciences, illustrent précisément cette caractérisation. Elles ont un objet distinct de la raison (les figures et les nombres ; les phénomènes), qu'elles déterminent de manière a priori. Elles pourraient donc apporter une réponse à la question posée.
Après une longue période de tâtonnements, la mathématique a trouvé la voie sûre d'une science grâce à une révolution de sa manière de penser qui a été le fait d'un seul homme. Celui-ci a compris qu'au lieu de vouloir reconnaître les propriétés dans la figure géométrique qui se présente, il fallait construire cette figure à partir des exigences de la pensée.
Le tâtonnement de la physique a encore été beaucoup plus long, et la révolution de la manière de penser y a été le fait de plusieurs hommes.
§ 8. L'exemple des récentes découvertes en physique (Galilée, Torrricelli, Stahl) montre que la raison doit prendre les devants et interroger l'expérience à partir de ses principes. Elle ne peut trouver dans la nature que ce qu'elle y met elle-même à partir de son propre plan.
LA METAPHYSIQUE
§ 9. À l'opposé de la mathématique et la physique, la métaphysique n'a pas encore trouvé la voie sûre de la science. Connaissance rationnelle qui veut tout saisir a priori, indépendamment de toute expérience, elle n'est encore qu'un terrain de luttes sur lequel ses partisans s'affrontent sans fin et sans succès.
§ 10. Les questions qu'elle poursuit sont de celles que l'homme doit immanquablement se poser, alors qu'elle ne semble pas pouvoir y répondre. Son échec est une mise en cause de la raison. Cette situation est-elle sans remède ?
LA REVOLUTION COPERNICIENNE
§ 11.
L'exemple de la mathématique et de la physique peut conduire à une réponse qui permettrait à la métaphysique de trouver la voie sûre d'une science. Cette réponse prend son point de départ dans une hypothèse qui renverse entièrement le présupposé fondamental d'après lequel la connaissance serait le
« reflet » ou la « copie », dans l'esprit, de ce qui existe hors de lui. Au lieu que ce soit l'esprit qui se règle sur les choses, comme on l'admet communément, ne seraient-ce pas les choses qui se règlent sur l'esprit ? Un tel renversement est analogue à celui qu'a effectué l'astronome Copernic confronté aux difficultés qui résultent de l'hypothèse selon laquelle les étoiles tourneraient autour du spectateur supposé immobile, il se demanda si ce ne serait pas plutôt le spectateur qui tournerait, les étoiles restant immobiles. D'où l'idée d'une « révolution copernicienne », qui rend possible une connaissance a priori.
LA LIMITATION DU SAVOIR
§ 12.
Ce renversement dans la conception de la connaissance a pour conséquence une limitation essentielle de celle-ci. Les concepts a priori mettent en forme des objets fournis par l'expérience, et c'est cette synthèse qui constitue la connaissance. Dès lors, hors du champ de l'expérience, il n'y a pas de connaissance possible. Cette limitation paraît ruiner la métaphysique dans sa prétention à connaître ce qui est au-de là de l'expérience (le suprasensible : l'âme, la liberté, Dieu). La connaissance n'atteint que les phénomènes (les choses telles qu'elles se manifestent dans l'expérience), les choses en soi sont inconnaissables. Mais au-delà de ce qui est connu par l'entendement, ce qui est pensé par la raison peut être mis au fondement de la pratique.
LA CRITIQUE
§ 13. La "Critique de la raison pure" a pour objet une révolution radicale de la métaphysique. Elle est la méthode (chemin), non la science elle-même, dont elle délimite cependant le système et les contours.
§ 14. Négative lorsqu'elle limite la connaissance spéculative, la Critique est positive lorsqu'elle libère, du même coup, l'usage pratique de la raison pure. La connaissance spéculative est limitée aux objets de l'expérience ; les choses en soi ne peuvent être connues, mais elles peuvent être pensées. Il est dès lors possible d'admettre que les phénomènes, objets de notre connaissance, sont entièrement déterminés et qu'une chose en soi, que nous pouvons penser mais jamais connaître, comme l'âme humaine par exemple, est libre.
§ 15. La Critique n'est préjudiciable qu'aux prétentions des écoles, qui se croyaient dépositaires de la connaissance des réalités suprasensibles ; elles devront dorénavant se limiter à la culture des preuves de l'immortalité de l'âme, de la liberté de la volonté et de l'existence de Dieu auxquelles les hommes ont toujours été sensibles. La Critique mettra fin aux querelles des métaphysiciens dès lors que les gouvernements prendront soin de préserver sa liberté.
§ 16. Sans une Critique préalable du pouvoir de la raison, la démarche de celle-ci prend la forme illégitime du dogmatisme. A partir de la Critique, une métaphysique en tant que science devient possible, selon le procédé de la démonstration rigoureuse à partir de principes a priori assurés.
VOCABULAIRE
A PRIORI/ A POSTERIORI
Ces expressions latines signifient respectivement« en partant de ce qui vient avant » et « en partant de ce qui vient après » ;elles ont alors un sens temporel. A partir de Kart, ce sens devient logique en philosophie : est a priori ce qui précède logiquement l'expérience et qui est donc indépendant de celle-ci (les catégories et concepts purs de l'entendement, les formes de la sensibilité, c'està-dire l'espace et le temps) mais constitue la condition de notre appréhension de l'expérience. Est a posteriori ce qui découle de l'expérience, en dépend et ne peut pas être établi autrement qu'à partird'elle. L'apriori est formel et pur, l'a posteriori relève de l'expérience. L'universel et le nécessaire sont la marque des concepts a priori.
CHOSE EN SOI/PHÉNOMÈNE
La chose en soi désigne le réel tel qu'il est en lui-même, indépendamment de la connaissance qu'on en a. Le phénomène désigne le réel tel qu'il est connu, tel qu'il est pour nous, c'est-à-dire tel qu'il se manifeste au sujet connaissant : à la sensibilité qui appréhende le réel dans les formes a priori de l'espace et du temps, et à l'entendement qui place les intuitions ainsi formées sous les catégories et les concepts purs. La chose en soi nous est inconnaissable ; nous pouvons seulement dire ce qu'elle n'est pas, qu'elle restreint les prétentions de la connaissance sensible et qu'elle doit être nécessairement supposée au fondement des phénomènes. Le phénomène est le réel non tel qu'il es' en soi, mais par rapport à nous et notre pouvoir de connaître ; il est objet d'expérience.
CONCEPT
Le concept est une représentation abstraite et générale, qui réunit des caractéristiques propres à une classe d'objets. Il est une forme, ou règle d'unification du divers, issue de l'entendement qui a besoin d'être appliquée à une matière pour constituer une connaissance effective ; cette matière lui est fournie par la sensibilité au moyen des intuitions. Le concept peut être pur, il appartient alors à l'entendement et s'appelle une catégorie s'il est premier (et non dérivé d'autres concepts purs) ; il peut aussi être empirique, c'est-à-dire tiré de l'expérience à partir de l'application à celle-ci de certains concepts purs.
CRITIQUE
La critique est l'examen des conditions de possibilité d'un usage légitime de notre pouvoir de connaître ; elle est la connaissance de soi de la raison. Elle doit instituer « un tribunal qui garantisse [la raison] dans ses prétentions légitimes et puisse en retour condamner toutes ses usurpations sans fondements, non pas d'une manière arbitraire, mais au nom de ses lois éternelles et immuables. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 7.) Elle est à cet égard une propédeutique (ou exercice préliminaire) à la métaphysique en tant que recherche d'une connaissance pure a priori (Critique de la raison pure, PUF, p. 563).
DOGMATISME
Le dogmatisme est la croyance en la toute-puissance de la raison, la prétention de progresser par l'usage de la raison pure sans une critique préalable du pouvoir de cette raison. En revanche, le « procédé
dogmatique » est la démarche démonstrative rigoureuse que doit adopter la science, en s'appuyant sur des principes a priori sûrs.
ENTENDEMENT
L'entendement est le pouvoir d'unifier, au moyen de règles, les données sensibles que la sensibilité fournit sous la forme des intuitions. Il fournit, quant à lui, les concepts qui sont « vides » sans les intuitions, tandis que les intuitions sont « aveugles » sans les concepts (Critique de la raison pure). L'usage des catégories et des concepts qui en dépendent est limité aux données sensibles, c'est-à-dire à l'expérience. L'entendement se distingue de la raison, qui manifeste le besoin d'une unité plus haute en s'élevant par le moyen des idées et des principes au-dessus de l'expérience, que ce soit pour élaborer l'unité de toutes les connaissances (raison théorique) ou pour dire ce qui doit être (raison pratique).
INCONDITIONNÉ
« Le principe propre de l'usage de la raison en général (dans son usage logique) est de trouver, pour la connaissance conditionnée de l'entendement, l'inconditionné qui en achèvera l'unité. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 259.)
INTUITION
L'intuition est la représentation immédiate d'un objet, qui nous le donne à connaître, et constitue la matière de nos connaissances, à laquelle le concept apporte la forme. « Des pensées sans contenu sont vides, des intuitions sans concept, aveugles. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 77.)
LOGIQUE
La logique est la science qui traite de la forme des raisonnements, indépendamment de leurs contenus ou objets. On appelle validité la conformité de ces raisonnements aux lois formelles de la pensée. Kant distingue la logique (celle qu'il nomme simplement « logique » dans la Préface de la seconde édition) et la logique transcendantale, qui établit la possibilité d'une connaissance a priori des objets.
MÉTAPHYSIQUE
La métaphysique ou « philosophie première » est définie depuis Aristote comme la connaissance des premières causes et des premiers principes. Or la Critique de la raison pure conteste radicalement la possibilité même d'une telle connaissance, c'est-à-dire d'une connaissance d'objets suprasensibles, hors du champ de toute expérience possible, parce qu'elle excède les limites de notre pouvoir de connaître que cette Critique s'efforce justement d'établir. En ce sens, la métaphysique est pour Kant une entreprise vaine. Mais cette même Critique veut rétablir en son vrai sens l'intention métaphysique : elle est alors une connaissance rationnelle pure (en cela elle se distingue de toute connaissance empirique), mais une connaissance de principes rationnels déterminés (et en cela elle s'oppose à la logique, qui est purement formelle). En tant que métaphysique de la nature, elle contient les principes purs de la connaissance théorique de toutes choses ; en tant que métaphysique des moeurs, elle contient les principes qui président à l'usage pratique de la raison et qui sont alors indépendants de toute anthropologie ou connaissance de l'homme, nécessairement établie à partir de l'expérience. En ce sens positif, la métaphysique suppose la Critique, qui seule la rend possible et qu'elle-même accomplit ou achève.
PRATIQUE
La pratique est le domaine de ce qui est possible par liberté. Ce terme désigne donc le champ des actions humaines en tant qu'elles relèvent d'une volonté qui peut être déterminée par la raison pratique sous la forme de la loi morale.
RAISON
Dans son sens large, la raison est la faculté qui fournit des principes a priori, d'une part pour la connaissance (raison théorique ou spéculative), d'autre part pour l'action (raison pratique). Au sens étroit, dans lequel elle se distingue de l'entendement, elle unifie les connaissances élaborées par l'entendement.
SCIENCE
Toute science est un système de connaissances, par opposition à un simple agrégat ; elle doit être ordonnée par des principes et liée par l'idée d'un tout (idée qui ne se précise cependant qu'en cours de progression).
SENSIBILITÉ
La sensibilité est « la capacité de recevoir (réceptivité) des représentations grâce à la manière dont nous sommes affectés par des objets. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 53.) La représentation que fournit la sensibilité, qui se rapporte de manière immédiate aux objets, contrairement aux concepts qui s'y rapportent de manière médiate, est une intuition. L'intuition est déjà en elle-même une mise en forme du « pur divers » de la sensation par la sensibilité, au moyen des formes a priori de la sensibilité, l'espace et le temps, qui constituent l'« intuition pure » lorsqu'on les considère indépendamment de tout objet empirique.
SPÉCULATION/SPÉCULATIF
La raison spéculative cherche à déterminer ce qui est, par opposition à ce qui doit être, et qui est objet de la raison pratique. En un sens plus restreint, la démarche spéculative est celle qui vise la connaissance d'objets qui sont hors de l'expérience.
FICHE REALISEE PAR OLE HANSEN-LOVE pour son Introduction à la Préface de la Critique de la raison pure Hatier 2002
Nota bene: l'ouvrage n’est plus disponible
Après le reportage d’Envoyé spécial sur les classes prépas, je crois qu’il est important de relativiser un peu les choses.
Déjà ce reportage ne montrait que des classes prépas scientifiques et économiques, qui sont différentes des prépas littéraires. L’esprit n’est pas le même, la manière de fonctionner non plus. Par exemple en hypokhâgne, le système des colles est différent, on en a un certain nombre à passer dans l’année, mais ce n’est pas systématique chaque semaine.
L’idée qui ressort de ce (très rapide) aperçu sur les classes prépas, c’est qu’il y a une pression affreuse, une concurrence abominable, qu’on ne dort pas, qu’on ne fait absolument que travailler. Mais, en tout cas pour les hypokhâgnes, ce n’est pas vrai à ce point. Il y a évidemment énormément de travail, un rythme à acquérir et à suivre, et une certaine attente de la part des profs. Mais ce n’est pas insoutenable ! Il nous reste du temps pour sortir, nous n’avons en aucun cas une terrible pression sur les épaules, et surtout, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ce sont des études passionnantes !
Pouvoir approfondir à ce point des matières que l’on aime (sinon on n’aurait pas choisi cette filière), avec des profs motivés et une ambiance générale plutôt stimulante, c’est vraiment une chance ! Et les moments de fatigue, de surcharge de travail sont largement compensés par le plaisir que l’on peut prendre dans ces cours qui peuvent être réellement passionnants.
Il ne faut pas être effrayé par les clichés que l’on entend sur les prépas (profs horribles, concurrence, plus de vie sociable, etc.) parce qu’ils ne sont pas forcément vrais, et que ça pourrait nous faire passer à côté d’une expérience vraiment intéressante et formatrice.
Le tout est de choisir un lycée qui correspond à son niveau, et si on aime ce que l’on fait et que l’on n’a pas peur de se retrousser un tout petit peu les manches, alors tout devrait bien se passer.
Claire Sarfati, Paris
La vie est-elle par elle-même respectable ?
(Sources:
« La vie comme souverain bien », Condition de l’homme moderne (1961), Calmann-Lévy
« Qu’est-ce qu’un embryon ? Panorama des positions philosophiques actuelles ». Anne Fagot-Largeault et Genéviève Delaisi de Parceval in « Qu’est-ce qu’un embryon » ? Esprit, juin 1989
« Le vivant », Anne Fagot-Largeault, in Notions de Philosophie, Volume I, sous la direction de Denis Kambouchner)
On ne saurait aborder un tel sujet sans se demander au préalable si l’on est en mesure de définir la « vie » d’une part, le « respect », de l’autre.
La première réaction lorsque l’on pose cette question, est de dire : oui, car la vie est sacrée, la vie ne nous appartient pas, nous ne pouvons en disposer à notre guise. Mais un instant de réflexion nous conduit à souligner que cette approche est biaisée. D’une part, elle tend à confondre la « vie » en général et la vie humaine. D’autre part, elle comporte une dimension religieuse implicite, le « sacré » n’étant pas une notion neutre. Pour un matérialisme strict, la vie est une structure matérielle compliquée, mais qui ne comporte aucune dimension sacrée en elle-même (voir ci-dessous le texte de Diderot). L’être vivant complexe, en effet, n’est pas différent de la cellule vivante, or celle-ci est très proche d’une horlogerie microscopique. Par ailleurs, la notion de « respect » est pertinente lorsqu’elle concerne les personnes humaines. On ne l’utilisera qu’avec précaution en dehors de ce cadre (respect de la nature, respect d’une oeuvre d’art etc..). Enfin il est possible de montrer que l’on peut opposer, non sans fondement, la logique de la vie et la philosophie du respect. La philosophie de Nietzsche est à cet égard instructive.
I Les définitions
Le « respect » est le sentiment qu’impose la valeur d’une personne, d’une idée, ou d’une règle, et qui conduit à s’abstenir de toute action ou de tout jugement ou comportement qui pourrait lui porter atteinte.
Selon Kant, la personne humaine - et seule la personne humaine – mérite le respect. Selon lui, « on doit traiter l’humanité en ma personne, comme en celle d’autrui, toujours en même temps comme une fin, et jamais seulement comme un moyen ».
La « vie » est une notion hautement problématique :
- Propriété essentielle des êtres organisés qui évoluent de la naissance à la mort
- Ensemble des phénomènes (croissance, métabolisme, reproduction) que présentent tous les organismes animaux ou végétaux, de la naissance à la mort
Ce sont les définitions du dictionnaire (Robert) mais elles ne nous disent pas ce qu’est
ce quelque chose d’immatériel ou en tout cas d’insaisissable que possèderaient tous les êtres vivants.
Ce concept de « vie » est donc une sorte d’énigme pour le savant, qui préfèrera donc écarter cette notion et ne parler que d’ « organisme vivant » ou d’ « être vivant », ou de « système vivant », réalité que l’on peut décrire en savant, en se fondant sur l’observation (cf ci-dessous texte de Claude Bernard).
Tout n’est pas simple pour autant.
Voici une question cruciale : celle du critère de démarcation entre le vivant et le non-vivant :
1) Si l’on retient les trois critères, croissance, métabolisme, reproduction : certains virus sont vivants (selon certains critères, pas selon les autres). Un virus peut ne pas respirer, ne pas avoir de métabolisme, mais se reproduire, par exemple en parasitant une cellule végétale.
Autre exemple : une molécule organique (cf : insuline) n’est pas un être vivant, une amibe est un être vivant… Mais que penser des bactéries, des cristaux, des bactéries génétiquement modifiées etc ? Aujourd’hui certains « vivants » fabriqués en laboratoire sont brevetables.
Les champignons, les lichens, les cnidaires (coraux et méduses) sont vivants. Mais sont-ils « animés », comme des animaux (ont-ils une « âme » conçue comme un principe d’autonomie ?). Le polype (« animal formé d’un tube dont une extrémité porte une bouche entourée de tentacules ») ne possède pas en lui-même le principe de son mouvement, ce qui l’éloigne du monde animal au sens ou nous l’entendons vulgairement.
2) Problème de la démarcation entre la vie et la mort.
- Une amibe (unicellulaire) ne meurt pas. Elle ne naît pas non plus, puisqu’elle se reproduit par division de soi.
- Il existe des phénomènes de vie « latente » : graines momifiées dans des tombes égyptiennes, tissus végétaux, qui peuvent être, dans certains cas, réactivés
- Il y a le cas des embryons congelés, vivants mais en attente.
- Un homme en état végétatif chronique, sous assistance respiratoire est un vivant mais il n’est plus autonome (de sérieuses divergences concernant les critères de la mort divisent les milieux scientifiques concernés par le problème de la transplantation).
Bref : Ni la mort ni la vie ne sont des entités, ni a fortiori des absolus.
Conclusion
Le respect est une notion claire et rigoureusement définie (par Kant). En revanche, la vie n’est ni une réalité (observable, indiscutable) ni une substance. C’est une notion floue, problématique.
II La logique du vivant
La philosophie du respect relève d’une perspective diamétralement opposée à la « logique du vivant ».
Ce qui anime le vivant, c’est la tendance à se perpétuer dans son être ( la formulation est de Spinoza) c’est-à-dire un effort incessant pour conserver sa vie, voire pour l’étendre, notamment par la reproduction. Or cet effort pour se perpétuer inclut, paradoxalement, une approbation partielle de la mort.
Pour un organisme, croître, c’est accepter l’élimination (des cellules mortes) ou même l’amputation, si nécessaire, comme le « savent » les animaux pris au piège qui sectionnent un membre pour tenter de survivre. L’homme, aidé de la médecine, se débarrassera de cellules cancéreuses ou d’un membre gangrené. De même, dans une société, tout le monde comprend que les « aînés » doivent laisser la place aux jeunes. C’est dans l’ordre des choses.
En un mot, la loi de la vie, c’est la prépondérance du tout sur la partie, la subordination de la partie au tout, et la suprématie de l’avenir par rapport au présent (la mère se sacrifiant pour sa progéniture chez certains animaux). La société peut atténuer et contredire cette loi, mais jusqu’à un certain point seulement.
C’est le philosophe Nietzsche, qui veut fonder sa philosophie sur la reconnaissance des valeurs vitales, qui représente le mieux ce point de vue.
Voici deux textes fameux de Nietzsche. Le premier est poétique, l’autre non.
1) Le chant d’ivresse dans Ainsi parlait Zarathoustra :
Le vigneron s’adresse à la vigne :
« Vigne, que ne me loues-tu ? Ne t’ai-je pas taillée ? Je suis cruel et tu saignes : que veut la louange que tu adresses à mon ivre cruauté ?
Tout ce qui est accompli, tout ce qui est mûr –veut mourir ! » Ainsi parles-tu/ Béni soit, béni soit le couteau du vigneron !
Mais tout ce qui n’est pas mûr veut vivre, hélas ! »
Puis Nietzsche oppose la joie, qui témoigne d’une volonté de puissance affirmative, qui témoigne d’une âme aristocratique, à la frilosité propre aux esprits faibles :
« Mais la joie ne veut ni héritiers ni enfants –la joie se veut elle-même, elle veut l’éternité ».
Explication : On taille la vigne pour la renforcer et la faire croître. La vigne va souffrir mais elle veut cette souffrance. Sachant que tout ce qui vit veut mourir, et que ce qui est mûr doit mourir : « les forts », pour Nietzsche, n’ont pas peur de la mort. Il faut donc aimer le couteau du vigneron ?
2) Ces thèmes sont développés sous une autre forme, non métaphorique, dans les fameux § 259 et 62 de Par delà le bien et le mal :
« S’abstenir réciproquement d’offense, de violence et de rapine, reconnaître la volonté d’autrui comme égale à la sienne ; cela peut donner grosso modo une bonne règle de conduite entre les individus […]. Mais qu’on essaye d’étendre l’application de ce principe, voire d’en faire un principe fondamental de la société, et il se révèlera pour ce qu’il est : la négation de la vie, un principe de dissolution et de décadence »…
Pour Nietzsche, le corps, s’il est vivant et non moribond, doit faire front contre d’autres corps ; ce que les individus dont il est composé s’abstiennent de faire entre eux, c’est-à-dire s’auto détruire , (comme dans le cas de maladies « auto-immune » ).
« Il (le corps) voudra croître et s’étendre, accaparer, conquérir la prépondérance, non pour je ne sais quelles raisons morales ou immorales, mais parce qu’il vit, et que la vie, précisément, est volonté de puissance » (§ 259)
Voici un aspect de cette analyse :
« Il y a chez l’homme comme chez toutes les autres espèces animales un excédent de ratés, de malades, de dégénérés, d’infirmes, d’êtres voués à la souffrance… »
Or, comment les religions se comportent-elles ? Elles cherchent à faire survivre coûte que coûte ces « ratés » : elles maintiennent le type de l’homme au niveau le plus bas ». Résultat : « elles ont conservé trop d’êtres qui auraient dû périr ». D’où la « détérioration de la race européenne », selon Nietzsche
Conclusion
Les analyses de Nietzsche sont effrayantes ; elles ont le mérite toutefois de rappeler quelques réalités : « la vie veut croître ; donc elle veut la mort : elle veut l’élagage des branches mortes ».
Claude Bernard ne dit pas autre chose : « La vie c’est la création. La vie c’est la mort ». (Manuscrits. Ed. Collège de France). George Bataille développe une idée voisine dans L’érotisme : l’érotisme est « approbation de la vie jusque dans la mort ».
Il n’y aura donc pas de respect de tout ce qui vit, du point de vue de la vie. Il suffit de penser à notre attitude vis-à-vis des parasites (un pou, par exemple), bactéries et virus.
III La logique du respect
1) Le respect a pour objet non pas la vie mais l’humain
La philosophie du respect, dont Kant est le plus éminent représentant, est un héritage du judéo-christianisme. La personne humaine a une valeur absolue en tant qu’objet de l’amour infini de Dieu. Ainsi le berger peut-il abandonner le troupeau pour aller à la recherche de la brebis égarée, ce qui correspond à une logique anti-holiste (« holiste » : qui préfère le tout à la partie).
Dans les autres cultures, en règle générale, on préfère le tout à la partie, au point de sacrifier si nécessaire un enfant, une jeune vierge par exemple (cf : Iphigénie) pour réconcilier la société avec ses Dieux, puis ainsi avec elle-même.
Au contraire la philosophie judéo-chrétienne ouvre la voie à l’individualisme. L’individu a une valeur absolue, le tout (le groupe) ne vaut pas forcément plus que la partie. Cette approche moderne contredit directement la thèse d’Aristote (par exemple) pour qui l’individu n’est rien s’il est séparé du corps social, tel un pied ou une main coupée du corps vivant (Politique, I).
Selon Hannah Arendt, la reconnaissance du caractère sacré de la vie humaine est paradoxalement liée à l’invention d’une vie après la mort :
« C’est seulement lorsque l’immortalité de la vie individuelle devint le dogme central de l’occident, c’est-à-dire à l’avènement du christianisme, que la vie sur terre devint aussi le souverain bien de l’homme » Condition de l’homme moderne, p 393.
Progressivement, la vie, en tant que telle, nous est apparue comme le souverain bien. Ce qui est en un sens contraire à la croyance religieuse judéo-chrétienne qui nous promet le souverain bien dans un hypothétique au-delà.
Pourtant, du point de vue chrétien, et tout particulièrement d’un point de vue kantien, ce qui sous-tend la valeur d’un homme, ce n’est pas la vie.
Alors qu’est-ce ?
C’est la liberté, qui est le propre de l’homme et qui fonde seule sa dignité (voir la fiche : « En quoi consiste ma dignité »? sur le site Sciences-po du webpédagogique)
Selon Kant, la liberté est le fondement de la moralité, laquelle témoigne d’une vocation « surnaturelle » de l’homme (l’homme n’est pas le prisonnier de sa nature animale). Pour le droit international contemporain (fidèle sur ce point à Kant), ce qui est digne de respect, c’est la personne humaine dans sa singularité, c’est-à-dire dans son caractère unique et irremplaçable.
Pour Hannah Arendt, ce qui respectable, c’est une qualité humaine qui nous est propre, mais qui n’est pas une « nature » pour autant. La valeur des hommes est indissociable de leur dépendance à la fois à l’égard de la nature et de la culture. C’est ce qu’elle appelle la « condition humaine » :
« Les conditions de l’existence humaine – la vie elle-même, natalité et mortalité, appartenance au monde, pluralité, et la Terre – peuvent jamais expliquer ce que nous sommes, pour la bonne raison qu’elles ne nous conditionnent jamais absolument » Condition de l’homme moderne (1961), p 46, Calmann-Levy.
Conclusion : pour Kant et pour H. Arendt, ce qui est respectable ce n’est pas la vie, ni la vie humaine. Mais l’idée d’humanité dont tout homme est porteur, quelque soit la qualité de sa vie, ou son statut.
2) Seuls les êtres humains méritent-ils le respect ?
Tout ce qui vient d’être dit semble conduire à cette conclusion.
On peut toutefois apporter quelques nuances :
a) Selon la thèse écologique dite « environnementaliste », la nature ne mérite évidemment pas notre respect, la vie pas davantage. En revanche, tout ce qui est la condition d’une vie de qualité sur terre, aujourd’hui et demain, mérite une protection et des égards. Cette sollicitude vise évidemment les générations futures qui ont droit à un environnement de qualité.
b) Tout ce qui appartient à la nature, et en particulier dans le règne animal, présente une parenté avec l’homme (« Nos frères inférieurs »), parenté qui justifie notre sollicitude. Kant même le reconnaît (on ne doit pas faire souffrir les animaux).
Evidemment tout ce qui est vivant ne doit pas être protégé également, car nous n’avons pas besoin des microbes etc.
Quelle hiérarchie établir ?
Il faut se soucier en priorité de ce qui est condition de possibilité de vie pour tout ce qui est :
d’abord la biosphère, puis les écosystèmes et les espèces vivantes en voie de disparition…
Tout ce qui existe de manière singulière, et dont la disparition serait irrémédiable, a de la valeur, et mérite une sorte sinon de respect, du moins de considération.
Conclusion
La vie est-elle respectable en elle-même ? Evidemment pas. En revanche méritent notre considération et protection, à des degrés divers ; tout ce qui est unique ontologiquement.
C’est le cas de toute personne humaine, mais aussi de la personne potentielle (le fœtus). Tout ce qui est singulier mérite des égards, comme tout ce qui est porteur d’une idée d’humanité (les œuvres culturelles) mais aussi tout ce qui est condition d’une vie authentiquement humaine. La nature dans son ensemble, et les animaux supérieurs, en particulier domestiques, sont ainsi partie prenante du « monde humain ».
TEXTES
Texte 1
Diderot
De la matière à la sensibilité, le développement est continu. La vie apparaît comme un prolongement de la matière.
« Voyez-vous cet œuf ? c’est avec cela qu’on renverse toutes les écoles de théologie et tous les temples de la terre. Qu’est-ce que cet œuf ? une masse insensible avant que le germe y soit
introduit ; et après que le germe y est introduit, qu’est-ce encore ? une masse insensible, car ce germe n’est lui-même qu’un fluide inerte et grossier. Comment cette masse passera-t-elle à une autre organisation, à la sensibilité, à la vie ? par la chaleur. Qui produira la chaleur ? le mouvement. Quels seront les effets successifs du mouvement ? Au lieu de me répondre, asseyez-vous, et suivons-les de l’oeil de moment en moment. D’abord c’est un point qui oscille, un filet qui s’étend et qui se colore ; de la chair qui se forme ; un bec, des bouts d’ailes, des yeux, des pattes qui paraissent ; une matière jaunâtre qui se dévide et produit des intestins ; c’est un animal. Cet animal se meut, s’agite, crie ; j’entends ses cris à travers la coque ; il se couvre de duvet ; il voit. La pesanteur de sa tête, qui oscille, porte sans cesse son bec contre la paroi intérieure de sa prison ; la voilà brisée ; il en sort, il marche, il vole, il s’irrite, il fuit, il approche, il se plaint, il souffre, il aime, il désire, il jouit ; il a toutes vos affections ; toutes vos actions, il les fait. Prétendrez-vous, avec Descartes, que c’est une une machine imitative ?(1) Mais les petits enfants se moqueront de vous, et les philosophes vous répliqueront que si c’est là une machine, vous en êtes une autre. Si vous avouez qu’entre l’animal et vous il n’y a de différence que dans l’organisation, vous montrerez du sens et de la raison, vous serez de bonne foi ; mais on en conclura contre vous qu’avec une matière inerte, disposée d’une certaine manière, imprégnée d’une autre matière inerte, de la chaleur et du mouvement on obtient de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée. Il ne vous reste qu’un de ces deux partis à prendre ; c’est d’imaginer dans la masse inerte de l’œuf un élément caché qui en attendait le développement pour manifester sa présence, ou de supposer que cet élément imperceptible s’y est insinué à travers la coque dans un instant déterminé du développement. Mais qu’est-ce que cet élément ? Occupait-il de l’espace, ou n’en occupait-il point ? Comment est-il venu, ou s’est-il échappé, sans se mouvoir ? Où était-il ? Que faisait-il là ou ailleurs ? A-t-il été créé à l’instant du besoin ? Existait-il ? Attendait-il un domicile ? Homogène, il était matériel ; hétérogène, on ne conçoit ni son inertie avant le développement, ni son énergie dans l’animal développé. Écoutez-vous, et vous aurez pitié de vous-même ; vous sentirez que, pour ne pas admettre une supposition simple qui explique tout, la sensibilité, propriété de la matière, ou produit de l’organisation, vous renoncez au sens commun, et vous précipitez dans un abîme de mystères, de contradictions et d’absurdités ».
Denis Diderot, Entretien entre d’Alembert et Diderot (1769), Éditions Bossard, 1921, pp. 52-54.
(1) Sur la théorie cartésienne des animaux-machines : Descartes, « Lettre au Marquis de Newcastle », 23 novembre 1646.
Texte 2
Kant cherche un rapport moral à l'autre qui ne soit fondé ni sur l’intérêt ni sur le sentiment : la position d'autrui comme «personne » s'opérera donc dans l'ordre absolu des valeurs :
« Or je dis: l'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré; dans toutes ces actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que dans celles qui concernent d'autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme fin. Tous les objets des inclinations n'ont qu'une valeur conditionnelle; car, si les inclinations et les besoins qui en dérivent n'existaient pas, leur objet serait sans valeur. Mais les inclinations mêmes, comme sources du besoin, ont si peu une valeur absolue qui leur donne le droit d'être désirées pour elles-mêmes, que, bien plutôt, en être pleinement affranchi doit être le souhait universel de tout être raisonnable. Ainsi la valeur de tous les objets à acquérir par notre action est toujours conditionnelle. Les êtres dont l'existence dépend, à vrai dire, non pas de notre volonté, mais de la nature, n'ont cependant, quand ce sont des êtres dépourvus de raison, qu'une valeur relative, celle de moyens, et voilà pourquoi on les nomme des choses; au contraire, les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature les désigne déjà comme des fins en soi, c'est-à-dire comme quelque chose qui ne peut pas être employé simplement comme moyen, quelque chose qui par suite limite d'autant toute faculté d'agir comme bon nous semble (et qui est un objet de respect) ».
Emmanuel KANT, Fondements de métaphysique des mœurs.
(1785), trad. V. Desbos, Librairie Delagrave, 1971, pp. 148-149.
Texte 4
Claude Bernard
Si la physiologie est une science expérimentale parmi d’autres, les phénomènes qu’elle étudie dépendent, selon Claude Bernard, d’un déterminisme strictement physico-chimique. Sans doute notre esprit imaginer la présence d’une « force vitale », la « vie » , mais celle-ci demeure, par définition, inaccessible à la science. Cette notion est « métaphysique », ce qui signifie qu’elle ne concerne pas la science.
« Les conditions qui nous sont accessibles pour faire apparaître les phénomènes de la vie sont toutes matérielles et physico-chimiques. Il n’y a d’action possible que sur et par la matière. L’univers ne montre pas d’exception à cette loi. Toute manifestation phénoménale, qu’elle siège dans les êtres vivants ou en dehors d’eux, a pour substratum obligé des conditions matérielles. Ce sont ces conditions que nous appelons les conditions déterminées du phénomène.
Nous ne pouvons connaître que les conditions matérielles et non la nature intime des phénomènes de la vie. Dès lors, nous n’avons affaire qu’à la matière, et non aux causes premières ou à la force vitale directrice qui en dérive. Ces causes nous sont inaccessibles. Croire autre chose, c’est commettre une erreur de fait et de doctrine; c’est être dupe de métaphores et prendre au réel un langage figuré. On entend dire en effet souvent que le physicien agit sur l’électricité ou sur la lumière ; que le médecin agit sur la vie, la santé, la fièvre ou la maladie : ce sont là des façons de parler. La lumière, l’électricité, la vie, la santé, la maladie, la fièvre, sont des êtres abstraits qu’un agent quelconque ne saurait atteindre ; mais il y a des conditions matérielles qui font apparaître les phénomènes que l’on rapporte à l’électricité : la chaleur, la lumière, la santé, la maladie; nous pouvons agir sur elles et modifier par là ces différents états.
La conception que nous nous formons du but de toute science expérimentale et de ses moyens d’action est donc générale ; elle appartient à la physique et à la chimie et s’applique à la physiologie. Elle revient à dire, en d’autres termes, qu’un phénomène vital a, comme tout autre phénomène, un déterminisme rigoureux, et que jamais ce déterminisme ne saurait être autre chose qu’un déterminisme physico-chimique. La force vitale, la vie, appartiennent au monde métaphysique ; leur expression est une nécessité de l’esprit : nous ne pouvons nous en servir que subjectivement. Notre esprit saisit l’unité et le lien, l’harmonie des phénomènes, et il la considère comme l’expression d’une force ; mais grande serait l’erreur de croire que cette force métaphysique est active. Il en est d’ailleurs de même de ce que nous appelons les forces physiques ; ce serait une pure illusion que de vouloir rien provoquer par elles. Ce sont là des conceptions métaphysiques nécessaires, mais qui ne sortent point du domaine où elles sont nées, et ne viennent point réagir sur les phénomènes qui ont donné à l’esprit l’occasion de les créer ».
Claude Bernard, Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux (1878), Librairie Vrin, 1966, pp. 52-54.