Oui, on pourrait le croire...
Mais en même temps la guerre peut présenter certains bénéfices, même pour les plus "avancés" et "éclairés" d'entre nous, si l'on en croit Freud:
Pour Freud, les guerres ne sont pas seulement le produit de circonstances malheureuses, elles ne procèdent pas exclusivement de décisions politiques incompréhensibles et irresponsables. Elles ont des causes bien plus profondes, qui sont sociales et psychiques.
Voici quelques extraits des principaux textes de Freud sur le sujet :
« Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort » (1915) in Essais de psychanalyse, Payot, 1981.
«Les peuples civilisés se connaissent et se comprennent si peu que l'un peut se retourner contre l'autre, plein de haine et d'horreur. Bien plus, une des grandes nations civilisées est si généralement détestée qu'on peut être tenté de l'exclure, en tant que « barbare", de la communauté civilisée, bien qu'elle ait prouvé par les contributions les plus grandioses son aptitude à en faire partie. Nous vivons dans l'espoir qu'une version impartiale de l'histoire apportera la preuve que cette nation justement, celle dans la langue de laquelle nous écrivons, pour la victoire de laquelle combattent ceux qui nous sont chers, est celle qui a le moins violé les lois de la morale humaine; mais qui a le droit en pareil temps de se poser en juge de sa propre cause? » Considérations, (pp 13-14)
« Pourquoi, à vrai dire, les individus-peuples se méprisent-ils, se haïssent-ils, s'abhorrent-ils les uns les autres, même en temps de paix, et pourquoi chaque nation traite-t-elle ainsi les autres? Cela certes est une énigme. Je ne sais pas répondre à cette question. Dans ce cas, tout se passe comme si, dès lors qu'on réunit une multitude, voire même des millions d'hommes, toutes les acquisitions morales des individus s'effaçaient et qu'il ne restât plus que les attitudes psychiques les plus primitives, les plus anciennes et les plus grossières. Seuls des développements ultérieurs pourront peut-être apporter quelques modifications à ce regrettable état de choses. Mais un peu plus de sincérité et de franchise de tous côtés dans les relations des hommes entre eux et dans les rapports entre les hommes et ceux qui les gouvernent, pourrait également aplanir les chemins de cette transformation ». Considérations…, (p 25)
Pourquoi la guerre ?
Cher Monsieur Einstein,
[…]
"J’ai scrupule à abuser de votre intérêt, lequel se porte sur la prévention des guerres et non sur nos théories. J'aimerais cependant m'attarder encore un instant sur notre pulsion de destruction, dont la faveur n'est nullement à la hauteur de l'importance. Au prix de quelque effort de spéculation, nous sommes en effet parvenus à concevoir que cette pulsion est à l'oeuvre en tout être vivant, et tend donc à provoquer sa décomposition et à ramener la vie à l'état de la matière inerte. Elle méritait en toute rigueur le nom de pulsion de mort, tandis que les pulsions érotiques représentent les aspirations à la vie. La pulsion de mort devient pulsion de destruction en se tournant, au moyen d'organes spécifiques, vers l'extérieur, contre les objets. L'être vivant préserve pour ainsi dire sa propre vie en détruisant celle d'autrui. Mais une partie de la pulsion de mort reste active à l'intérieur de l'être vivant, et nous avons tenté de déduire toute une série de phénomènes normaux et pathologiques de cette intériorisation de la pulsion de destruction. Nous avons même commis l'hérésie d'expliquer la naissance de notre conscience morale par un tel retournement de l'agression vers l'intérieur. Il n'est sûrement pas anodin, vous le remarquez, que ce processus s'accomplisse , à trop grande échelle; c'est carrément malsain, alors que le retournement de ces forces pulsionnelles vers la destruction du monde extérieur soulage l'être vivant et a nécessairement un effet bénéfique[...]
"De ce qui précède, retenons simplement pour nos buts immédiats qu'il est vain de vouloir supprimer les penchants agressifs des hommes. On dit qu'il est, en des contrées heureuses de la terre où la nature fournit à profusion tout ce dont l'homme a besoin, des peuplades dont la vie s'écoule dans la douceur, et chez lesquelles la contrainte et l'agression sont inconnues. J'ai peine à y croire, j'aimerais fort en savoir plus sur ces bienheureux. Les bolcheviks eux aussi espèrent pouvoir faire disparaître l'agression humaine en garantissant la satisfaction des biens matériels et en établissant par ailleurs l'égalité entre les membres de la communauté. Je tiens cela pour une illusion. Pour le moment ils ont pris toutes les précautions pour s'armer et la haine contre tous ceux qui sont à l'extérieur n'est pas leur moindre expédient pour maintenir la cohésion de leurs partisans. Du reste, il ne s'agit pas, comme vous le remarquez vous-même, d'éliminer totalement le penchant humain à l'agression; on peut tenter de le détourner suffisamment pour qu'il n'ait pas à trouver son expression dans la guerre ».
Pourquoi la guerre ? (1933), Résultats, idées, problèmes, P.U.F, 1938.