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9 août 2023 3 09 /08 /août /2023 20:07

Discours sur le bonheur,

Madame du Châtelet (1706-1749)

 

« Il est certain que l’amour de l’étude est bien moins nécessaire au bonheur des hommes qu'à celui des femmes. Les hommes ont une infinité de ressources pour être heureux, qui manquent entièrement aux femmes. Ils ont bien d’autres moyens d’arriver à la gloire, et il est sûr que l’ambition de rendre ses talents utiles à son pays et de servir ses concitoyens, soit  par son habilité dans l’art de la guerre, ou par ses talents pour le gouvernement, ou les négociations, est fort au-dessus de celle qu’on peut se proposer pour l’étude ; mais les femmes sont exclues, par leur état, de toute espèce de gloire, et quand, par hasard, il s’en trouve quelqu’une qui est née avec une âme assez élevée, il ne lui reste que l’étude pour la consoler de toutes les exclusions et de toutes les dépendances auxquelles elle se trouve condamnée par état.

(…)

J’ai dit que l’amour de l’étude était la passion la plus nécessaire à notre bonheur ; c’est une ressource sûre contre les malheurs, et c’est une source de plaisir inépuisable, et Cicéron a bien raison de le dire. Les plaisirs des sens  et ceux du cœur sont, sans doute, au-dessus de ceux de l’étude ; il n’est pas nécessaire d’étudier pour être heureux ; mais il l’est peut-être de se sentir en soi cette ressource et cet appui. On peut aimer l’étude, et passer des années entières, peut-être sa vie, sans étudier ; et heureux qui la passe ainsi : car ce n’est peut-être qu’à des plaisirs plus vifs qu’il sacrifie un plaisir qu’il est toujours sûr de trouver, et qu’il rendra assez vif pour le dédommager de la perte des autres »

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21 avril 2023 5 21 /04 /avril /2023 11:30
LA VIOLENCE  (thème HEC 2023-2024)

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5 juin 2021 6 05 /06 /juin /2021 13:21
Si vous réussissez ce test, vous êtes prêts pour le bac de philosophie
 

 

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22 novembre 2019 5 22 /11 /novembre /2019 14:21

Marcel Proust, À la Recherche du Temps perdu, Le Côté de Guermantes, 1922.

 

[Swann, qui souffre d'une grave maladie, annonce à la duchesse de Guermantes, son amie, qu'il va bientôt mourir, au moment où cette dernière se rend à un dîner mondain.] 

 

« Hé bien, en un mot la raison qui vous empêchera de venir en Italie ? questionna la duchesse en se levant pour prendre congé de nous.

- Mais, ma chère amie, c'est que je serai mort depuis plusieurs mois. D'après les médecins que j'ai consultés, à la fin de l'année le mal que j'ai, et qui peut du reste m'emporter tout de suite, ne me laissera pas en tous les cas plus de trois ou quatre mois à vivre, et encore c'est un grand maximum, répondit Swann en souriant, tandis que le valet de pied ouvrait la porte vitrée du vestibule pour laisser passer la duchesse.   

-  Qu'est-ce que vous me dites là ? » s'écria la duchesse en s'arrêtant une seconde dans sa marche vers la voiture et en levant ses beaux yeux bleus et mélancoliques, mais pleins d'incertitude. Placée pour la première fois de sa vie entre deux devoirs aussi différents que monter dans sa voiture pour aller dîner en ville, et témoigner de la pitié à un homme qui va mourir, elle ne voyait rien dans le code des convenances qui indiquât la jurisprudence à  suivre et, ne sachant auquel donner la préférence, elle crut devoir faire semblant de ne pas croire que la seconde alternative eût à se poser, de façon à obéir à la première qui demandait en ce moment moins d'efforts, et pensa que la meilleure manière de résoudre le conflit était de le nier. « Vous voulez plaisanter ?  dit-elle à Swann.   

-  Ce serait une plaisanterie d'un goût charmant, répondit ironiquement Swann. Je ne sais pas pourquoi je vous dis cela, je ne vous avais pas parlé de ma maladie jusqu'ici. Mais comme vous me l'avez demandé et que maintenant je peux mourir d'un jour à l'autre... Mais surtout je ne veux pas que vous vous retardiez, vous dînez en ville », ajouta-t-il parce qu'il savait que, pour les autres, leurs propres obligations mondaines priment la mort d'un ami, et qu'il se mettait à leur place, grâce à sa politesse. Mais celle de la duchesse lui permettait aussi d'apercevoir confusément que le dîner où elle allait devait moins compter pour Swann que sa propre mort. Aussi, tout en continuant son chemin vers la voiture, baissa-t-elle les épaules en disant : « Ne vous occupez pas de ce dîner. Il n'a aucune importance ! » Mais ces mots mirent de mauvaise humeur le duc qui s'écria : « Voyons, Oriane, ne restez pas à bavarder comme cela et à échanger vos jérémiades avec Swann, vous savez bien pourtant que Mme de Saint-­Euverte tient à ce qu'on se mette à table à huit heures tapant. Il faut savoir ce que vous voulez, voilà bien cinq minutes que vos chevaux attendent. Je vous demande pardon, Charles, dit-il en se tournant vers Swann, mais il est huit heures moins dix. Oriane est toujours en retard, il nous faut plus de cinq minutes pour aller chez la mère Saint-Euverte. » 

Mme de Guermantes s'avança décidément vers la voiture et redit un dernier adieu à Swann. « Vous savez, nous reparlerons de cela, je ne crois pas un mot de ce que vous dites, mais il faut en parler ensemble. On vous aura bêtement effrayé, venez déjeuner, le jour que vous voudrez (pour Mme de Guermantes tout se résolvait toujours en déjeuners), vous me direz votre jour et votre heure », et relevant sa jupe rouge elle posa son pied sur le marchepied. Elle allait entrer en voiture, quand, voyant ce pied, le duc s'écria d'une voix   terrible : « Oriane, qu'est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez gardé vos souliers noirs ! Avec une toilette rouge ! Remontez vite mettre vos souliers rouges, ou bien, dit-il au valet de pied, dites tout de suite à la femme de chambre de Mme la duchesse de descendre des souliers rouges. »

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27 juillet 2019 6 27 /07 /juillet /2019 16:53

ODE   A   L’HOMME

 » Il est bien des merveilles en ce monde, il n’en est pas de plus grande que l’homme.

 

Il est l’être qui sait traverser la mer grise, à l’heure où souffle le vent du Sud et ses orages, et qui va son chemin au milieu des abîmes que lui ouvrent les flots soulevés. Il est l’être qui tourmente la déesse auguste entre toutes, la Terre,

 

la Terre éternelle et infatigable, avec ses charrues qui vont chaque année la sillonnant sans répit, celui qui la fait labourer par les produits de ses cavales.

Les oiseaux étourdis, il les enserre et il les prend,

tout comme le gibier des champs et les poissons peuplant les mers, dans les mailles de ses filets,

l’homme à l’esprit ingénieux. Par ses engins il se rend maître

de l’animal sauvage qui va courant les monts, et, le moment venu, il mettra sous le joug et le cheval à l’épaisse crinière et l’infatigable taureau des montagnes.

 

Parole, pensée vite comme le vent, aspirations d’où naissent les cités, tout cela il se l’est enseigné à lui-même, aussi bien qu’il a su, en se faisant un gîte,

se dérober aux traits du gel ou de la pluie, cruels à ceux qui n’ont d’autres toits que le ciel ?

Bien armé contre tout, il ne se voit désarmé contre rien de ce que peut lui offrir l’avenir. Contre la mort seule,

il n’aura jamais de charme permettant de lui échapper, bien qu’il ait déjà su contre les maladies les plus opiniâtres imaginer plus d’un remède.

 

Mais, ainsi maître d’un savoir dont les ingénieuses ressources dépassent toute espérance, il peut prendre ensuite la route du mal comme du bien.

Qu’il fasse donc dans ce savoir une part aux lois de son pays et à la justice des dieux, à laquelle il a juré foi !

Il montera alors très haut au-dessus de sa cité, tandis qu’il s’exclut de cette cité le jour où il laisse le crime le contaminer par bravade.

Ah ! Qu’il n’ait plus de place alors à mon foyer ni parmi mes amis, si c’est là comme il se comporte ! »

                                                                                    SOPHOCLE (549-406 av.JC) dans « ANTIGONE »(442)

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25 juillet 2019 4 25 /07 /juillet /2019 15:01

« Si tu vois un homme livré à son ventre ramper par terre, ce n'est plus un homme que tu vois, c'est une plante. Si tu vois quelqu'un, aveuglé comme par Calypso, dans les vains  mirages de la fantaisie, et  asservi aux sens dans l'entraînement de séductions qui le  détruisent, ce n'est pas un homme que tu vois,  c'est une bête. Si tu vois un philosophe qui discerne toutes choses selon la droite raison, vénère-le : Ce n'est pas un animal terrestre, c’est un être  céleste »

 

Pic la Mirandole, De  la dignité de l'homme

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27 juin 2019 4 27 /06 /juin /2019 16:50

 

 

« C’est en marchant que la voie est tracée ; c’est en nommant que les choses sont délimitées ainsi. Comment dire oui à une chose? On dit oui à une chose qui est. Comment dire non à une chose? On dit non à une chose qui n’est pas. Comment juger ce qui est possible ? On considère comme possible une chose qui est possible. Comment juger ce qui n’est pas possible ? On considère comme impossible une chose qui n’est pas possible. Toute chose a sa vérité ; toute chose a sa possibilité. Il n’est rien qui n’ait sa vérité ; il n’est rien qui n’ait sa possibilité. » (chapitre II, la réduction ontologique)

 

«  Vouloir démontrer en partant de l’idée (en elle -même) que les idées (dans les choses)ne sont point l’idée (en elle-même) vaut moins que de vouloir démontrer en partant de la non-idée que les idées (dans les choses) ne sont pas l’idée (en elle-même).Vouloir démontrer en partant de cheval (en général) qu’(un) cheval blanc n’est pas (un) cheval (en général ) vaut moins que de vouloir démontrer en partant du non-cheval qu’ (un) cheval (blanc ) n’est pas un cheval (en général). En vérité l’‘univers n’est qu’une idée; tous les êtres ne sont qu’un cheval ». Zuangzi

La réduction ontologique, p;50

 

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2 juin 2019 7 02 /06 /juin /2019 15:20
"Ne pas accepter sans réflexion" Augustin

Dans le livre 10 de son ouvrage De la trinité (10.120.14), il pose la question :

« Car qui douterait qu'il vit, se rappelle, veut, pense, sait et juge ? Car même s'il doute, il vit ; s'il doute, il se rappelle pourquoi il doute ; s'il doute, il comprend qu'il doute ; s'il doute, il veut être certain ; s'il doute, il sait qu'il ne sait pas ; s'il doute, il juge qu'il ne devrait pas accepter sans réflexion[193]. »
 

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17 septembre 2018 1 17 /09 /septembre /2018 09:48

Lucrèce : le veau que la mère reconnait entre tous

 

    « Souvent, au seuil d'un temple magnifiquement décoré, au pied d'un autel où brûle l'encens, un jeune veau tombe immolé et de sa poitrine jaillit une source chaude de sang ; sa mère cependant, restée seule, parcourt les vastes bois cherchant à reconnaître sur le sol l'empreinte de ses sabots fendus ; elle jette des regards en tous lieux, elle espère y découvrir le petit qu'elle a perdu ; elle emplit de sa plainte le bocage feuillu, à l'orée duquel elle s'arrête, puis à tout instant revient visiter l'étable, son cœur de mère percé de regrets. 

        Ni les tendres pousses des saules, ni les herbes que vivifie la rosée, ni les fleuves coulant à pleins bords, ne sont capables d'attacher son esprit, ni de détourner le souci qui l'occupe ; les autres veaux qu'elle voit dans les gras pâturages n'ont pas le pouvoir de la distraire et d'alléger sa peine : tant il est vrai qu'elle recherche un bien qui lui est propre et qu'elle connaît entre tous. Les chevreaux aussi, dont la voix tremble, savent reconnaître leurs mères cornues ; les agneaux bondissants distinguent le bêlement des brebis : ainsi le veut la nature, chacun accourt à la mamelle qui lui donne son lait ».

 

Lucrèce, De rerum natura (De la nature des choses), II, 352.

 

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17 septembre 2018 1 17 /09 /septembre /2018 09:46

Et à ce moment-là Muray se lance dans une évocation extraordinairement poétique, il faut bien le dire, des vaches :

 

« Les vaches, les tendres vaches traînant au doux mufle tremblant, avec leur bonne odeur de boue et de lenteur, leurs mugissements mélancoliques et la rondeur de leurs énormes flancs et leur élégance gargantuesque, sont donc mis en opposition avec un art indéfendable ; il est expressément conseillé de préférer celui-ci à celles-là. Et même les merveilleuses vaches que l’on voit entassées comme des masses de nuages roses et blancs dans les admirables esquisses d’Eugène Boudin ou parfois elles ne sont plus que des soupirs de brume sombre, des taches vagues flottant entre le ciel et l’herbe, toutes ces vaches en série et si méconnues et dont je n’ai jamais compris qu’elles ne soient pas traitées avec le même respect que les nymphéas de Monet ou ces cathédrales de Rouen, ne sont probablement elles aussi, que des vulgarités aux yeux du Festiviste et des obstacles à renverser sur le chemin du pays des merveilles moderne. Le paysan regardait passer les vaches, il se doit maintenant de manger la vache enragée de l’art contemporain. »

Télérama cité dans Répliques 1 mai 210.

 

 

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