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17 septembre 2018 1 17 /09 /septembre /2018 09:48

Lucrèce : le veau que la mère reconnait entre tous

 

    « Souvent, au seuil d'un temple magnifiquement décoré, au pied d'un autel où brûle l'encens, un jeune veau tombe immolé et de sa poitrine jaillit une source chaude de sang ; sa mère cependant, restée seule, parcourt les vastes bois cherchant à reconnaître sur le sol l'empreinte de ses sabots fendus ; elle jette des regards en tous lieux, elle espère y découvrir le petit qu'elle a perdu ; elle emplit de sa plainte le bocage feuillu, à l'orée duquel elle s'arrête, puis à tout instant revient visiter l'étable, son cœur de mère percé de regrets. 

        Ni les tendres pousses des saules, ni les herbes que vivifie la rosée, ni les fleuves coulant à pleins bords, ne sont capables d'attacher son esprit, ni de détourner le souci qui l'occupe ; les autres veaux qu'elle voit dans les gras pâturages n'ont pas le pouvoir de la distraire et d'alléger sa peine : tant il est vrai qu'elle recherche un bien qui lui est propre et qu'elle connaît entre tous. Les chevreaux aussi, dont la voix tremble, savent reconnaître leurs mères cornues ; les agneaux bondissants distinguent le bêlement des brebis : ainsi le veut la nature, chacun accourt à la mamelle qui lui donne son lait ».

 

Lucrèce, De rerum natura (De la nature des choses), II, 352.

 

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commentaires

G
La maman est grosse de chagrin et ne sait comment le faire sortir. Comment en effet ?<br /> La tristesse est une source qui déborde et se calme peu à peu. On se découvre en train de manger, de parler. La machine repart. On est inconsolable, avec un autre projet, un autre "autre" comme nouveau point d'Archimède.
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