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28 janvier 2020 2 28 /01 /janvier /2020 10:27

Badinter sur la violence hier soir (18ième minute), à propos des manifestants qui mettent le tête de Macron au bout d'une pique : "Rien n'excuse ce degré de violence" 
"Il y a des évidences dans une démocratie : la première c'est le refus de la violence physique" "Vouloir détruire physiquement l'adversaire" "Ceux qui s'adonnent à cela sont déjà en dehors de la démocratie' "Vous ne pouvez faire disparaître l'instinct de mort, la pulsion de mort. Mais vous pouvez établir des barrières" Sur France 5 

https://www.youtube.com/watch?v=V7Z9aGxncaw&fbclid=IwAR1s0iuPjX2otFsow8bPhW7kmV6agze_mGoWueypFmgIBoG0bq3UK6kwzDg

 

 

 

 
 
 
 

 

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9 novembre 2019 6 09 /11 /novembre /2019 14:27

Le monde 9 Novembre 2019. Reconquérir la démocratie contre les oligarchies qui al détournent 
Tribune.
 Chili, Equateur, Liban, Irak, Algérie, Haïti… sur tous les continents, des peuples se révoltent. La dispersion est trop grande, les situations trop disparates – a fortiori si l’on y ajoute le mouvement des « gilets jaunes » en France – pour qu’on puisse parler d’unité ou d’imitation. Le point de départ de ces mouvements semble même très particulier, ponctuel, local, et l’on peine à y repérer le grand lyrisme de la Révolution. Précisément : toutes ces raisons incitent, pour les analyser, à réactiver un concept forgé par Michel Foucault à la fin des années 1970, celui de « crises de gouvernementalité ». Le néologisme de « gouvernementalité » visait à rendre compte des modalités multiples du pouvoir ou de la « conduite des conduites » des individus ou des populations, au-delà du seul gouvernement de l’Etat.

Chaque fois, une décision économique visiblement mineure apparaît comme un abus de trop, comme un signe de mépris du peuple et d’injustice

Une crise de gouvernementalité intervient lorsqu’une part importante des « gouvernés » met en question un acte ou une mesure d’un pouvoir jugés abusifs. Elle peut s’étendre, de proche en proche, à tout un système. Les points d’ancrage de ce type de crise se sont déplacés avec le temps, maiscertains aspects se répètent. Ainsi, aux XVe et XVIe siècles, la corruption de l’Eglise et de ses représentants provoquait des indignations populaires, tournant parfois en « guerres des pauvres ». Du Moyen Age au XVIIIe siècle, des révoltes visaient les taxes ou impôts réclamés par des princes.

Aujourd’hui, ce sont d’abord les chefs d’Etat et de gouvernement dont on dénonce la corruption ou la collusion avec une oligarchie, ces quelque pour-cent les plus riches de la population, qui semblent dicter les réformes fiscales, économiques ou la refonte du code du travail. Et c’est encore et toujours une taxe ou une augmentation de prix affectant le quotidien de la population – ticket de métro au Chili, prix de l’essence en Equateur ou en France, – qui mettent le feu aux poudres. Eclate alors ce que Foucault entendait par « crises de gouvernementalité » : un « nous ne voulons plus être gouvernés ainsi », pas comme ça, pas par eux, pas pour eux…

Néolibéralisme autoritaire

Chaque fois, une décision économique apparemment mineure est perçue comme un abus de trop, un signe de mépris du peuple et d’injustice, alors qu’en parallèle les mêmes gouvernements ont généralement réduit les contributions fiscales des plus riches, privatisé, favorisé les inégalités… La combinaison de réformes socialement brutales et de l’état d’urgence contre les révoltes qui en résultent caractérise aujourd’hui ce qu’on peut appeler le néolibéralisme autoritaire, qui est le visage du néolibéralisme en temps de crise. Mais la nouvelle apportée par les mouvements actuels est que les refrains néolibéraux ne passent plus, et que le recours à la répression est inopérant.

Cependant, ces remarques ne valent que pour certains de ces mouvements.D’autres ne peuvent être rangés sous la rubrique d’une crise de l’Etat néolibéral : en Haïti, au Liban, en Algérie, les manifestants visent essentiellement la confiscation du pouvoir par des gouvernants vus comme des « clans » ou des « mafias ». Les cas de l’Algérie ou de l’Egypte, où la contestation vise la captation des Etats par l’armée, montrent que, comme en Amérique latine, la corruption et l’autoritarisme sont loin d’être l’apanage des néolibéraux.

Populismes de gauche

L’observateur de gauche de cette situation doit se garder de tout simplisme et de toute projection fantasmatique d’une révolution mondiale. Ces révoltes ne se présentent pas comme la source d’une alternative déterminée, ou d’une nouvelle légalité. Une seule chose les réunit toutes : le désir d’une démocratie digne de ce nom. Mais, à ce titre, des régimes qui ont pu se présenter comme des alternatives au néolibéralisme, des « populismes de gauche » plus ou moins autoritaires, sont aussi le théâtre de « révoltes des gouvernés ». Celles-ci sont dirigées cette fois contre la monopolisation du pouvoir politique, les violations des droits de l’homme et des règles du pluralisme, ou l’accaparement de ressources nationalisées au profit de groupes gravitant autour du pouvoir.

Les cas de la Bolivie et du Venezuela doivent sûrement être distingués. C’est moins le bilan général d’Evo Morales, plutôt reconnu comme un progrès social, qui est aujourd’hui contesté par les Boliviens, que sa volonté anticonstitutionnelle de briguer un quatrième mandat et, surtout, les conditions douteuses de sa réélection. Quant au Venezuela de Maduro, plongé dans un marasme économique profond, il traverse une des plus graves crises politiques et sociales de son histoire.

Or, de même qu’à la fin des années 1970, Foucault traitait aussi de l’expérience des dissidences dans les dictatures dites « socialistes », aujourd’hui, les contestations multiples du néolibéralisme autoritaire ne sauraient se doubler d’une complaisance aveugle envers les vices et parfois les catastrophes d’un autoritarisme de gauche.

Celui-ci est également en cause dans les mouvements actuels qui s’en prennent partout à la corruption de la démocratieau sens littéral comme en un sens plus abstrait : la démocratie paraît « corrompue » lorsque la politique menée porte partout la marque des intérêts de groupes économiquement ou politiquement dominants, dont le gouvernement exécute les volontés au détriment du « public ».

La démocratie doit toujours être reconquise contre les oligarchies qui la détournent d’elle-même. A l’appel à une démocratie fidèle à son principe se mêle toujours une forte aspiration à la justice sociale. S’y ajoute aujourd’hui une dernière dimension, manifestée par un mouvement transnational comme Extinction Rebellion : le « nous ne voulons plus être gouvernés ainsi » se dirige ici contre le fait que les gouvernements en place ne font nullement de l’écologie une réelle priorité, et acheminent ainsi l’humanité vers une catastrophe scientifiquement annoncée. C’est le dernier étage de la fusée : l’écologie devrait être l’un des axes centraux de cette démocratie sociale qui se mettrait à l’écoute des révoltes mondiales, et dont le mot d’ordre d’un « Global Green New Deal » pourrait constituer un mot d’ordre fédérateur pour les peuples.

 

 

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9 octobre 2019 3 09 /10 /octobre /2019 10:15
Les quatre revendications d' Extinction rebellion

Le mouvement porte quatre revendications : la reconnaissance de la gravité et de l’urgence des crises écologiques, la neutralité carbone en 2025, l’arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres, et la création d’une assemblée citoyenne chargée de décider des mesures à mettre en place pour atteindre ces objectifs et garante d’une transition juste et équitable.

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9 octobre 2019 3 09 /10 /octobre /2019 10:06
A propos de Extinction rebellion  (pour info)

Pour répondre à ceux d'entre vous qui se posent des questions....sur la légitimité de ce mouvement et ses modes d'action Ce texte est  extrait d'uncommuniqué de  XR France 

 

 

Pourquoi bloquer une capitale ? 


Par quel moyen faire advenir le changement massif et radical imposé par la crise environnementale en cours, inséparable d'une crise sociale ? Cette question est au fondement d'Extinction Rebellion. Plusieurs décennies de militantisme traditionnel ont échoué à faire advenir ce changement, et il faut en tirer les leçons. Demandons-nous ce qui fait que ce changement n'advient pas. Voici quelques pistes :

1- les peuples ne sont pas informés par les médias ni les gouvernements des avertissements des scientifiques ; pire, certaines instances, entreprises, lobbies, etc., au pouvoir d'influence extrême, mènent un combat actif pour maintenir le statu quo et empêcher une transition qui leur serait dommageable à court terme ;

2- les gens sont trop accaparés par leurs problèmes quotidiens - notamment pécuniaires, dans le cadre de sociétés de compétition - pour penser et prendre au sérieux un futur abstrait et hypothétique, même catastrophique ;

3- le système actuel rend difficile d'amorcer cette transformation réelle sans déclencher certains bouleversements économiques déstabilisants pour une population non prévenue ;

4- les pays mènent entre eux une guerre économique, ce qui fait qu'un État ne peut pas amorcer une telle politique sans risquer de se faire écraser par les autres, économiquement, voire militairement.

Ces quatre facteurs nous attachent à un train qui fonce dans le mur. Si nous voulons sauver les vivants au sein du système-terre actuel, et in fine la possibilité d'une survie pacifique pour l'humanité, il faut réussir à déverrouiller un par un chacun de ces points. C'est ce que propose la stratégie globale de notre mouvement.

La disruption économique provoquée par un blocage non-violent des capitales répond directement aux deux premiers points. D'abord elle oblige les médias à parler des mouvements écologistes plus qu'ils ne s'y sont jamais intéressés, puisqu'il devient impossible de les ignorer. Ensuite (et indirectement), elle cherche à remplacer la désinformation par un débat public. Aujourd'hui, la crise écologique est une idée lointaine et vague pour une grande part de la population, qui peut continuer à vivre en y pensant de temps en temps sans vraiment prendre parti. Mais après plusieurs jours de blocages, une paralysie de l'économie, et un battage médiatique constant, chacun devra prendre position au sein du débat. Réalisantl'obscurantisme des politiques actuelles de croissance, de compétition, de domination sur la nature et l'humain, les citoyen·nes seront plus à même de soutenir massivement le mouvement climat et de défense du vivant.

C'est par la création d'une assemblée citoyenne mondiale tirée au sort (work in progress!), et la multiplication de ces assemblées, garantes d'une transition juste et équitable, à l'échelle locale, qu'Extinction Rebellion propose de désamorcer la tension des troisième et quatrième points. Car ce ne sont pas les peuples qui sont en guerre, mais leurs dirigeants - parfois même contre une partie de leur peuple. En réparant la démocratie, en donnant les informations apportées par la science aux peuples, et en leur rendant le pouvoir par le biais d'assemblées citoyennes véritablement décisionnaires, nous aurions une chance d'être à la hauteur du défi que l'humanité s'est jeté à elle-même !


Ces réflexions stratégiques sont inspirées par le travail de Roger Hallam, cofondateur d'XR-UK. Dans cette vidéo, il explique le parcours et la réflexion stratégique qui ont conduit aux blocages monstres d'avril dernier à Londres.

Rejoignez RIO

Sans brûler un gramme de kérosène ! Cette semaine à Paris :

Le 5 octobre - « DERNIÈRE OCCUPATION AVANT LA FIN DU MONDE » : une action de convergence des luttes en avant-première de la rébellion internationale. Les rebelles occuperons et bloquerons un espace emblématique de l'économie. L'objectif est de s'en saisir, de se le réapproprier, pour y faire vivre une culture de la résistance, via des débats, conférences, performances... L'événement sur Facebook; un article de Reporterre.

Le 6 octobre - CEREMONIE D'OUVERTURE, 17h à 21h, Parc de la Villette. Pour lancer cette semaine rebelle, une rencontre festive entre les différents groupes d'Extinction Rébellion et le grand public ! Tou·te·s les concitoyen·nes seront les bienvenu·es et accueilli·es par des hôtes pour vivre ce moment haut en couleurs de partage et de gratitude. La cérémonie sera ponctuée d'activités ludiques pour les enfants, de musique et d'arts vivants. L'événement sur Facebook

A partir du 7 octobre - « OCCUPATION POUR LA SUITE DU MONDE »: blocage et occupation d'un point névralgique de la capitale avec au programme : des assemblées citoyennes, des ateliers permaculture, une action « 
EAU SECOURS » de sensibilisation à la surpêche, des animations pour enfants, des concerts, des conférences, de la cuisine collective… L'événement Facebook. Il est trop tard pour s'inscrire à cette action, mais nous faisons en sorte que quiconque puisse nous rejoindre sur place : suivez-nous sur les réseaux sociaux - ou tendez l'oreille ! 


Du 7 Oct au 13 Oct - « LE PLASTIQUE NOUS INTOXIQUE »: des actions dans les supermarchés pour dénoncer de façon concrète et démonstrative ce gâchis de matières premières qui aboutit à une pollution aussi désastreuse qu’inutile. Nous montrerons qu’il est possible de substituer des alternatives durables aux emballages plastiques. L'événement Facebook ; le formulaire d'inscription. 

Le 10 octobre - « DEMAIN TOUS MIGRANTS ! » : action de désobéissance civile sur la Seine, inédite dans son mode d'action, qui aura pour but d'alerter sur les catastrophes à venir provoquées par le réchauffement climatique. Hausse du niveau des océans, sècheresses à répétition, canicules, multiplication des cyclones… ces phénomènes provoqueront d'ici la fin du siècle le déplacement de plusieurs centaines de millions d'habitant.es forcé.esde fuir un climat devenu invivable. L'événement Facebook ; le formulaire d'inscription.

Le 11 octobre - « TOURNEZ MANEGE » : venez rencontrer les cyclistes d'Extinctions Rebellion ! Face au rythme effréné de nos modes de vie et de consommation, il est grand temps de ralentir. Nous sommes en excès de vitesse perpétuel sur la route de la surexploitation des ressources, et nous accélérons toujours plus. C’est pourquoi nous avons décidé de freiner symboliquement cette course à la croissance en remplaçant le trafic motorisé par une vague immense et joyeuse de vélos. RDV le vendredi à 14h30 : Station de métro Boissière, devant la brasserie "Le KELBER".

12 octobre - « ARCHIPEL DES NOUVEAUX MONDES ». Les rebelles investiront tout un quartier de Paris avec un blocage central et des espaces de découvertes tout autour liés à nos quatre revendications. Cette action mettra à l'honneur les groupes locaux XR qui proposeront de multiples animations très mobiles tout au long de la journée. Événement Facebook ; Formulaire d'inscription. 


Ce programme est à retrouver sur notre site extinctionrebellion.fr. Découvrez aussi 'ICI RIO', la gazette quotidienne de la rébellion : récits des actions, poèmes, philosophie ou recette de cuisine - à se procurer sur place ou online !


Nous soutenir 


Dès son lancement, il a été établi qu’XR France n’engagerait aucun permanent, afin d’éviter une logique de professionnalisation du mouvement et de favoriser l'horizontalité dans la prise de décision. Ainsi tou·tes nos rebelles sont bénévoles. 
Achat et location de matériel, frais de structures (dont nos serveurs), frais judiciaires… Malgré le DIY, les solutions de récup exploitées au maximum et l’énergie incroyable qui irrigue le mouvement, la rébellion implique quelques moyens ! 

Pour nous aider, faites un don, ponctuel ou régulier, en passant par la plateforme sécurisée HelloAsso : à Extinction Rebellion France ou pour l’organisation de la RIO en octobre.
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27 juillet 2019 6 27 /07 /juillet /2019 16:53

ODE   A   L’HOMME

 » Il est bien des merveilles en ce monde, il n’en est pas de plus grande que l’homme.

 

Il est l’être qui sait traverser la mer grise, à l’heure où souffle le vent du Sud et ses orages, et qui va son chemin au milieu des abîmes que lui ouvrent les flots soulevés. Il est l’être qui tourmente la déesse auguste entre toutes, la Terre,

 

la Terre éternelle et infatigable, avec ses charrues qui vont chaque année la sillonnant sans répit, celui qui la fait labourer par les produits de ses cavales.

Les oiseaux étourdis, il les enserre et il les prend,

tout comme le gibier des champs et les poissons peuplant les mers, dans les mailles de ses filets,

l’homme à l’esprit ingénieux. Par ses engins il se rend maître

de l’animal sauvage qui va courant les monts, et, le moment venu, il mettra sous le joug et le cheval à l’épaisse crinière et l’infatigable taureau des montagnes.

 

Parole, pensée vite comme le vent, aspirations d’où naissent les cités, tout cela il se l’est enseigné à lui-même, aussi bien qu’il a su, en se faisant un gîte,

se dérober aux traits du gel ou de la pluie, cruels à ceux qui n’ont d’autres toits que le ciel ?

Bien armé contre tout, il ne se voit désarmé contre rien de ce que peut lui offrir l’avenir. Contre la mort seule,

il n’aura jamais de charme permettant de lui échapper, bien qu’il ait déjà su contre les maladies les plus opiniâtres imaginer plus d’un remède.

 

Mais, ainsi maître d’un savoir dont les ingénieuses ressources dépassent toute espérance, il peut prendre ensuite la route du mal comme du bien.

Qu’il fasse donc dans ce savoir une part aux lois de son pays et à la justice des dieux, à laquelle il a juré foi !

Il montera alors très haut au-dessus de sa cité, tandis qu’il s’exclut de cette cité le jour où il laisse le crime le contaminer par bravade.

Ah ! Qu’il n’ait plus de place alors à mon foyer ni parmi mes amis, si c’est là comme il se comporte ! »

                                                                                    SOPHOCLE (549-406 av.JC) dans « ANTIGONE »(442)

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24 juillet 2019 3 24 /07 /juillet /2019 16:51

« Ne vivant plus qu'à l' intérieur, nos contemporains, tassés dans les villes, ne se servent ni de pelles,  de rames, pis, jamais n’en virent. Indifférents au climat, sauf pendant leurs vacances, où ils retrouvent, de façon arcadienne et pataude, le monde, ils polluent, naïfs, ce qu’ils  ne connaissent pas, qui rarement les blesse et jamais ne les concerne.(…) Ceux  qui aujourd'hui, se partagent le pouvoir,  ont oublié une nature dont on  pourrait dire qu'elle se venge mais qui, plutôt, se rappelle à nous (…). Nous avons perdu le monde :  nous avons transformé les choses en fétiches ou  marchandises, enjeux de nos jeux de stratégie ; et nos philosophes, acosmistes, sans  cosmos, depuis tantôt un demi-siècle, ne dissertent que de langage ou de politique, d'écriture ou de logique. Au moment même où  physiquement nous agissons pour  la première fois sur la Terre globale, et qu'elle réagit sans doute sur l'humanité globale, tragiquement nous la négligeons »

Michel Serres

Le contrat naturel, 1992.

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18 mai 2019 6 18 /05 /mai /2019 14:03
Grève mondiale du 24 mai : désobéir pour le climat

 

 

 

 

Désobéir  pour l’avenir
Le soulèvement  de la jeunesse  est juste et irrépressible

 

 

   « Tu n’arriveras à rien en criant ». La jeune suédoise Greta Thunberg  tape sur les nerfs de  tous les négationnistes du  climat. Il est vrai que depuis plusieurs mois, avec son air buté et son incroyable aplomb, elle occupe le terrain. Son idée de grève hebdomadaire a rencontré un succès inattendu. En Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni,  en Suisse, au Canada, en Australie, des dizaines de milliers de jeunes sèchent l’école et se rassemblent chaque vendredi. De  très jeunes filles - parfois - mènent l’action. Quant à Greta, elle a été classée en décembre 2018 par le magazine américain Time parmi les vingt-cinq adolescents « les plus influents de la planète ». Imperturbable, exaspérante, la « petite peste » - comme on la nomme sur les sites climato-sceptiques - ne se prive pas d’invectiver les parterres entiers de personnalités : « Notre biosphère est sacrifiée pour que des personnes riches dans des pays comme le mien puissent vivre dans le luxe ». A Katowice, où elle fut invitée  en décembre denier  à l’occasion de  la COP 24, les décideurs du monde entier l’ont laissée proférer ses imprécations et se sont même vus intimer l’ordre de « laisser les énergies fossiles dans la terre ».  Dans le même temps, tous les « esprits forts » que comptent les sociétés « avancées » ont  décidé que ce monôme aux proportions inédites avait assez duré. Une fois la petite remise à sa place - zéro de conduite et au piquet - le très gros chahut  devrait aisément prendre  fin.      

  Cependant, étrangement, rien ne se passe comme prévu. A l’heure actuelle, le mouvement fait tâche d’huile. Des scientifiques et d’innombrables personnalités, pourtant adultes et vaccinées, le soutiennent. En France, ce sont les enseignants eux-mêmes (« Enseignants Pour La Planète ») qui, toutes générations confondues, rejoignent désormais les grévistes. Aucun soulèvement (hormis peut-être en 68) n’a rassemblé ainsi des milliers, voire des centaines de milliers  de jeunes dans le monde entier, autour d’une même cause, par delà les appartenances et les clivages religieux ou politiques.  Par sa spontanéité et par son ampleur, le mouvement, qui casse tous les codes, stupéfie autant qu’il irrite : comment des enfants pourraient-ils  prétendre changer le monde, alors qu’ils ignorent tout des réalités et des contraintes gestionnaires qui dictent les choix des responsables politiques  et des  acteurs économiques?

   Les jeunes marcheurs  demandent  que nos sociétés  engagent une démarche de restauration écologique à la mesure des dégâts causés. Ils entendent obliger leurs gouvernements respectifs à atteindre le  fameux « zéro émissions nettes de gaz à effet de serre » d’ici 2025.  Pour atteindre cet objectif, Ils affirment qu’il faudrait amorcer immédiatement une descente énergétique et l’abandon des combustibles fossiles. Lucides, ils ne cachent pas que l’ambition affichée nécessiterait une mobilisation civile et solidaire d’une ampleur et d’une visée comparables à celles déployées en temps de guerre ! Etant donné, déplorent-ils, que « les politiques ne font rien », il faut donc  dégager les responsables et faire en sorte que les citoyens du monde entier reprennent la main : « Nous ne pouvons pas sauver la Terre en jouant selon les règles. Il est temps de se rebeller pour sauver l’avenir » écrit Greta Thunberg.

  L’entreprise paraîtra d’autant plus chimérique que les jeunes militants, mais aussi les associations (ANV- Cop 21, Alternatiba, Extinction Rébellion, Greenpeace  etc..) qui les soutiennent,  se veulent, pour la plupart, non-violents ! Il faut savoir cependant que la désobéissance civile n’exclut ni la lutte ni le conflit ni les affrontements. Les activistes  prônent des actions vigoureuses de contestation radicale ou/et symbolique du système (bloquages, boycotts, grèves, voire sabotages). Le récent mouvement Extinction Rebellion, par exemple, parfaitement au clair  sur la question, mise plutôt sur la  guerre des nerfs  qui viendra à bout - à terme - de l’adversaire sans l’attaquer ni le détruire physiquement.  Pas besoin d’armes létales ni de robots tueurs pour inverser le rapport de forces. « Ce n’est ni en esclave ni en maître qu’il faut agir, mais en révolté » :  la rage  libère des flots d’ énergie qui, trop longtemps comprimés, deviennent furieux. Irrésistible, la puissance exprimée est en mesure de déstabiliser le pouvoir qui, même pour celui qui l’exerce, impose toujours à terme une logique d’ordre  et de respect des règles.

 

  La préservation d’un monde commun, simplement humain, même si c’est au prix d’une désintégration du modèle dominant (quoiqu’en pensent les « utopistes »,  ceux qui croient que le monde sera réparé sans toucher au système ) reste l’ambition première en même temps que la condition de possibilité de tout projet politique, quel qu’il soit.  Mais si la révolte citoyenne en cours est bien politique, elle comporte aussi une dimension éthique. Les jeunes insubordonnés  sont moins  motivés  par « la crainte irrationnelle de l’avenir » (comme on le prétend en général) que par l’indignation contre la logique cynique et criminelle d’un système qui sacrifie les chances de survie des communautés les plus fragiles pour conserver à n’importe quel prix le mode de vie des sociétés les mieux loties :

 

«  On me dit : Bois et mange, toi ! Réjouis-toi d'avoir de quoi.

Mais comment puis-je boire et manger

Quand j’arrache  à l’affamé  ce que je mange,

Quand mon verre d’eau manque à l’assoiffé ?  » (Bertolt Brecht)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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2 avril 2019 2 02 /04 /avril /2019 20:52

https://lundi.am/Lettre-de-chercheur-es-aux-jeunes-et-moins-jeunes-qui-se-sont-mobilise-es-les

 

 

 
Lettre de chercheur.es aux jeunes et moins-jeunes, qui se sont mobilisé.es les 14, 15 et 16 mars

« Notre mode de vie actuel est-il compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ? »

 
 
 

S’il fallait reconnaître un mérite à la catastrophe annoncée que constitue le réchauffement climatique, c’est celui de rendre inévitablement politiquela question de notre environnement et de nos modes de vie. Alors que la tradition universitaire française et probablement mondiale voudrait que seules les sciences socialesse mêlent aux débats de société, de plus en plus de chercheurs en sciences dites « dures » rentrent dans la mêlée. 
Nous publions ici une tribune émanant de plusieurs chercheurs participant à un Atelier d’écologique politique, communauté pluridisciplinaire de scientifiques travaillant ou réfléchissant aux multiples aspects liés aux bouleversements écologiques. Dans l’objectif de tisser des liens entre des connaissances dispersées et de réfléchir à la façon de les partager avec l’ensemble de la société, afin d’oeuvrer avec elle aux moyens de réorienter notre trajectoire en changeant en profondeur les modes de fonctionnement socio-économiques actuels.

Astronomes, physiciens, archéologues, historiens et chercheurs en sciences cognitives nous l’annoncent sans détour : le rêve d’une humanité d’immortels « servis et soignés par des robots, buvant des cognac dans des voitures autonomes climatisées en se remémorant avec délice leur dernier voyage en navette spatiale » ne se réalisera pas. 
Ils proposent à contrario, de tout reprendre à zéro et de « commencer une nouvelle ère en refusant les technologies qui nous apportent plus d’enfermement que de liberté, en imaginant de nouvelles manières de produire, de nouvelles manières de prendre les décisions qui nous concernent, et de nouvelles manières de communiquer, de voyager, de nous soigner, de mourir, de faire la fête, de travailler et d’apprendre ».

Ces journées de forte mobilisation montrent que la lutte contre le réchauffement climatique et la catastrophe écologique en cours est devenue une préoccupation majeure pour beaucoup d’entre nous. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Il y a quelque temps, un autre événement nous avait réjoui.es : il s’agissait du démarrage du mouvement Extinction Rebellion, né en Angleterre et qui s’est lancé il y a quelques jours en France. Pourquoi ce mouvement nous apparaît intéressant ? Parce que leur première revendication, avant même de parler de dioxyde de carbone, est “une communication honnête sur le sujet”. La demande de vérité de ce mouvement nous semble très importante, et nous montre deux choses. La première, c’est que, pour l’instant, ce devoir de vérité n’est pas rempli par le gouvernement, et disons-le, il n’est en fait pas rempli par grand monde, y compris parfois dans les milieux scientifiques. La deuxième, c’est de prendre acte du fait qu’avoir une bonne évaluation de la situation actuelle est un préambule nécessaire avant toute revendication concrète. Analyser la situation nécessite de faire appel à de très nombreuses disciplines, et c’est précisément un des objectifs de notre atelier d’écologie politique que de réunir, au sein d’un même collectif, des spécialistes de disciplines aussi diverses que l’agronomie, l’histoire, la physique, la sociologie, la biologie, l’économie, l’astrophysique ou la climatologie, et de réfléchir ensemble à la catastrophe écologique en cours. Alors, pour participer à ce devoir de vérité nous, membres d’Atecopol, étions les 14 et 15 mars avec les étudiant.es de nos établissements d’enseignement supérieur pour discuter et débattre de la situation. Nous avons le 15 au matin mobilisé notre communauté, celle des chercheur.es et des enseignant.es du supérieur, afin de discuter du positionnement de notre profession face au réchauffement climatique. Et nous étions le 15 après-midi au côté de la jeunesse qui nous interpelle tous.

Le constat

ll y a quelques analyses que nous souhaiterions vous livrer. La première consiste en la réponse à une question très simple, que nombreux.ses parmi vous se sont certainement déjà posée : notre mode de vie actuel est-il compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ? Ou en d’autres termes peut-on arriver à vivre comme nous le faisons actuellement en nous passant d’énergies fossiles ? La question est simple mais y répondre est compliqué. Pour le faire, il faut passer un temps considérable à lire des rapports du GIEC, lire des articles scientifiques, se documenter sur les énergies renouvelables et réfléchir. Au final, la réponse est relativement simple : c’est non. Ce qui rend les choses très difficiles est l’intermittence des énergies renouvelables, et le fait qu’elles soient extrêmement diluées, et donc nécessitent la couverture d’espaces considérables avec des grosses infrastructures très consommatrices en matériaux pour récupérer de l’énergie, avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer en terme de déchets miniers, perte de biodiversité et artificialisation du monde. Il existe néanmoins quelques possibilités. La première, qui n’est d’ailleurs pas si éloignée de la situation actuelle, est que nous exploitions outrageusement le reste du monde.

Il existe effectivement une solution technologiquement possible qui serait qu’une frange ultra- minoritaire de la planète puisse continuer à vivre comme nous aujourd’hui, à condition d’exploiter les travailleurs d’autres pays ou de son propre pays, et de refuser l’accès à ce mode de vie à d’autres, car il ne serait pas compatible avec l’avenir à long terme de la planète. Un Occident qui continuerait son mode de vie et maintiendrait donc l’ensemble du reste du monde dans la pauvreté serait techniquement possible, mais nous serons probablement tous d’accord pour dire que cela ne serait éthiquement pas soutenable. La seconde serait l’utilisation ultra-massive du nucléaire, dans des proportions telles qu’elle n’est envisagée sérieusement par aucun pays, fait de toute façon face au rejet de la majorité des citoyens, et ne pourrait tout au mieux constituer qu’une solution transitoire, en raison de la finitude des réserves d’uranium. La troisième est d’accepter l’intermittence et le fait que nous ne disposerions pas d’énergie à volonté tous les jours, et qu’à certains moments de la journée ou de l’année, on n’en aurait pas ou peu.

Mais finalement, en l’état actuel de nos connaissances, il n’existe pas de solutions technologiques qui permettent à toute la planète d’avoir notre niveau de confort actuel sans mettre en péril le climat et le vivant. Et les gens qui vous disent le contraire se trompent par ignorance, ont fait des erreurs de calcul, ou mentent par intérêt. Les scientifiques et les ingénieurs pourraient être utiles à mettre en place un certain nombre de choses souhaitées par les citoyens et utiles sur le long terme à l’humanité, comme une agriculture résiliente ou un bon système de soins. Mais ce n’est pas la voie qui est très majoritairement suivie. On assiste plutôt à l’heure actuelle à une philosophie très différente en matière d’ingénierie et de recherche scientifique, qui ont toutes deux complètement intégrées une illusoire et dangereuse idée de croissance et de progrès technologiques infinis. La recherche technologique se développe donc actuellement en se basant sur le postulat que demain, l’énergie sera encore très largement abondante, peu chère, et nous permettra de mener à bien des projets pharaoniques. Pourtant, qui peut sérieusement croire que, alors que nous devrions développer les moyens de nous déplacer les plus écologiques possibles, le développement d’un véhicule autonome truffé de capteurs et d’électronique soit une priorité ? Qui rêve encore de conquérir Mars alors que nous ne sommes pas capables de prendre soin de notre planète ? Qui pense encore que, alors qu’il n’a jamais été aussi nécessaire de reprendre en main le destin de l’humanité, nous devrions laisser la gestion de tous nos gestes quotidiens et des objets qui nous entourent à des intelligences artificielles ou à des algorithmes ? Et enfin, qui souhaite encore, alors que les humains ont plus que jamais besoin de retrouver l’humilité nécessaire à la prise de conscience de la finitude de notre planète, de nos ressources et de nos vies, nous vendre un rêve de toute-puissance et d’immortalité ?

Les gens qui nous vendent ce rêve s’imaginent sans doute que leur futur sera celui d’humains immortels, servis et soignés par des robots, buvant des cognac dans des voitures autonomes climatisées tout en se remémorant avec délice leur dernier voyage en navette spatiale. Cette science-fiction pourrait éventuellement devenir réalité mais, même si c’était le cas, nous savons très bien qu’elle ne pourrait être accessible qu’à une ultra-minorité tandis que tout le reste de l’humanité vivrait dans la misère, pour rendre ce rêve possible pour quelques-uns. Et c’est pourtant actuellement précisément ce projet politique, qui consiste en fait à vouloir sauvegarder le mode de vie d’une frange réduite de la population en exploitant le reste du monde qui est à l’œuvre, que ce soit au niveau national comme au niveau mondial. Mais il est désormais de notre devoir de refuser à la fois cette science-fiction et le projet politique associé. Notre rêve pourrait être un vrai rêve populaire, réaliste et humble : que l’immense majorité des habitantes et habitants de Notre Terre puissent dans les siècles à venir continuer à se nourrir, se soigner, à rire et à se divertir, sans avoir à quitter leur terre d’attache, et sans que notre Planète ne sombre dans le chaos. Et les navettes spatiales, les robots assistants et les véhicules autonomes ne participent pas à ce rêve ; au contraire, ils l’en éloignent.

Nous faisons partie de la minorité favorisée

Le problème, dans tout cela, c’est que, dans notre pays, beaucoup parmi nous sommes déjà presque des milliardaires immortels buvant du cognac dans un véhicule climatisé en rêvant de voyages en navette spatiale. Nous pouvons communiquer instantanément avec des gens à l’autre bout du monde, atteindre l’Australie en moins d’une journée, manger de la viande et des denrées provenant d’autres continents presque autant que bon nous semble, et avons une espérance de vie que jamais l’humanité n’a atteinte. La classe moyenne française peut -mais pour combien de temps encore, vu la dynamique de déclassement en cours- vivre dans de vastes maisons bien chauffées et dotées d’une piscine individuelle. Sa voiture est bien entendu dotée de nombreux gadgets électroniques et d’un GPS qui, rappelons-le, nécessite d’envoyer des satellites pour trouver sa route. Lorsqu’elle reçoit ses amis le weekend, elle est censée leur servir une belle portion de saumon d’élevage et de crevettes de Madagascar, dont l’un contribue à une surpêche mortifère dans les océans, et l’autre à la destruction de la mangrove à l’autre bout du monde. Comme le dit Edgar Morin : “Le mot bien-être s’est dégradé en s’identifiant au confort matériel et à la facilité technique que produit notre civilisation. C’est le bien-être des fauteuils profonds, des télécommandes, des vacances polynésiennes, et de l’argent toujours disponible”.

Alors, si nous ne pouvons décemment pas conserver sur le long terme l’ensemble de tout cela, une question complexe reste en suspens : que souhaitons nous conserver de tout le luxe que la civilisation du pétrole nous a donné à connaître, à apprécier et qu’elle a même parfois rendu indispensable pour notre simple vie quotidienne ou notre métier ? Puisque nous partageons avec Extinction Rebellion cette envie de parler vrai, nous plaidons pour que, tous ensemble, nous ayons une discussion honnête et franche sur ce que nous souhaitons vraiment pour nous et pour le reste de l’humanité présente et future, à la lumière de ce qu’il est vraiment possible de faire. Souhaitons-nous maximiser notre bien-être présent sans trop nous soucier du long terme et de celui de nos descendants ? Quel degré d’inégalité à l’échelle d’un pays ou du monde sommes-nous capables de tolérer ? Que souhaitons-nous garder ? Notre espérance de vie ? Nos capacités à voyager loin et rapidement ? La société numérique ? L’alimentation carnée ? De vastes lieux d’habitation chauffés ? Les denrées exotiques ? Des piscines individuelles ? Vous le voyez, ces questions sont complexes car elles bousculent le confort qui nous semble avoir été acquis après des décennies de progrès. Elles sont en tout cas bien éloignées des questions faussement naïves auxquelles on nous propose de répondre dans le Grand Débat.

Nous ne prendrons qu’un seul exemple, qui nous tient particulièrement à cœur au sein de l’Atelier : celui des voyages en avion. Dans nos métiers de chercheuses et chercheurs, nous sommes incités très fortement à voyager en avion et certains parmi nous, comme beaucoup de françaises et de français, le prennent également pour nos vacances. Certains parmi nous ont volontairement arrêté les voyages en avion, mais ils sont très loin d’être majoritaires. Pourtant, actuellement, il n’existe aucune voie raisonnable qui permettrait de diminuer de manière significative la contribution de l’aviation au réchauffement climatique, et il n’y en aura aucune à moyen terme, les ingénieurs vous le confirmeront. Nous allons vous donner un chiffre : pour permettre à chaque Français.e de faire un voyage long-courrier par an en avion, il faudrait consacrer 16 départements français à la culture de l’agro-carburant ! Oui 16 ! Bien entendu, on parle là de monocultures et de techniques agricoles hyper-intensives qui ne peuvent qu’à long terme épuiser la terre et détruire la biodiversité. Nous ne pouvons pas nous permettre cela. Ou bien peut-être pourrions-nous, pour obtenir cet agro-carburant, perpétuer la catastrophe écologique et humaine en cours au Brésil, en déforestant l’Amazonie et expulsant les populations autochtones ? Pourquoi faire ? Pour prendre l’avion et aller constater de nos propres yeux les conséquences désastreuses de notre exploitation du monde ? Où pour aller dans des îlots de pseudo-authenticité maintenus artificiellement par des agences de voyages ou des autochtones pour continuer à vendre du tourisme à quelques privilégiés ? Est-ce cela que nous voulons ? Quant aux électro-carburants, moins gourmands en espace, ils nécessiteraient malgré tout, à l’échelle européenne, d’investir 1500 milliards d’euros, de couvrir l’équivalent de 2 fois la République Tchèque (ou 4 départements français pour la seule consommation française) de panneaux solaires et d’éoliennes uniquement pour l’aviation, le tout pour obtenir un carburant qui serait au mieux quatre fois plus cher que du kérosène et ne permettrait, dans le bien improbable meilleur des cas, de réduire la contribution des avions au réchauffement climatique que d’un facteur deux[S. Schemme et al, Fuel 205 198–221 (2017)]. Autant vous dire que les avions ne sont pas près de s’arrêter de voler au kérosène, alors que c’est maintenant qu’il faut diminuer nos émissions. Prendre l’avion est donc un luxe incompatible avec la sauvegarde de la planète sur le long terme, et il est de notre devoir de vous le dire ! Et toute politique basée sur nos connaissances scientifiques devrait arriver à la conclusion qu’il faut suivre trois voies en parallèle en ce qui concerne l’aviation : réduire, réduire et réduire. Et se poser la question de la nécessité vitale ou pas de maintenir cette technologie. Quelle est la vision politique actuelle autour de l’avion ? à l’échelle mondiale, 1500 nouveaux aéroports sont en projet...

Mais un point difficile, et il faut bien le reconnaître, est que, actuellement, très peu de gens sont prêts à arrêter de prendre l’avion, que ce soit chez les jeunes comme chez les moins jeunes. Pour beaucoup, le mot “voyage” est devenu synonyme de “prendre l’avion pour aller sur un autre continent”. De même, nous n’imaginons plus la vie sans internet, alors que cette technologie n’est présente dans notre quotidien que depuis 20 ans. Sans parler des smartphones, qui ne sont pourtant là que depuis 10 ans, et dont certains parmi vous disent pourtant “je n’imagine pas la vie sans”. Le luxe technologique a colonisé notre imaginaire, et nous sommes devenus incapables d’imaginer une autre vie. C’est dire la puissance qu’ont les forces qui nous entraînent vers une seule et même manière de voir les choses.

Deux propositions... pour commencer

Comment sommes-nous arrivés là ? La société dans laquelle nous vivons nous incite à faire toutes ces dépenses luxueuses à travers la publicité : cette dernière cherche à envahir nos vies jusqu’aux pissotières des bars, et cherche à communiquer avec les smartphones pour proposer des publicités personnalisées, alors que nous cherchons simplement à nous promener paisiblement dans la rue. Alors, plus que jamais, à l’aube de la catastrophe écologique, refuser ce que la société de surconsommation attend de nous devient un impératif. Il nous faut plus que jamais réfléchir à ce qui relève du luxe, et ce qui relève du besoin. Nous devons faire en sorte que le luxe, réservé à une minorité, disparaisse, mais que toute la population puisse satisfaire ses besoins essentiels. Nous devons donc en premier lieu supprimer toute la machinerie publicitaire qui nous fait passer le luxe pour des besoins fondamentaux. L’interdiction totale de la publicité est donc la première mesure que nous proposons pour la transition écologique, car nous ne voyons pas un seul, nous disons bien pas un seul, point positif pour notre société à son existence. Notez bien que nous disons publicité, et pas information. Les informations utiles aux consommateurs peuvent et doivent rester présentes dans les endroits où l’on y accède volontairement. La publicité, qui consiste à imposer une incitation perverse non désirée à surconsommer, doit tout simplement disparaître de nos vies.

Par ailleurs, plus que jamais, la société doit devenir égalitaire car, dans un monde où les ressources et l’énergie vont mécaniquement être amenées à se raréfier, les inégalités vont devenir de plus en plus difficiles à être éthiquement supportables pour les franges les plus aisées, et physiquement supportables pour les franges les plus pauvres. On nous répondra que les inégalités sociales sont intrinsèques aux sociétés humaines. Ceci est un mensonge, bien pratique pour justifier la mainmise de la richesse part quelques-uns. Il existe de nombreux exemples de sociétés humaines ayant vécu, parfois pendant des millénaires, dans des sociétés égalitaires, sans pouvoir, sans rapport de domination, et au sein desquelles les ressources étaient partagées. L’accumulation de richesse était dévalorisée socialement, et l’entraide était la norme. Les inégalités ne sont pas intrinsèques à la nature humaine, elles sont le résultat d’une culture que nous avons le devoir de remettre en question !
Alors, comment pourrait-on mettre en place un vrai régime égalitaire, qui réponde aux besoins de tous, et empêche l’accumulation de luxe qui gaspille nos précieuses ressources et le futur de notre planète ? Dans certains projets politiques, on parle souvent de limitation des salaires ou de taxation des successions. Ces mesures sont intéressantes mais insuffisantes, car des moyens ont toujours été trouvés pour contourner les politiques de répartition et accumuler de la richesse ; il suffit de regarder les statistiques de répartition des richesses pour s’en persuader. Il nous faut proposer un projet politique qui fasse tout simplement perdre son sens à l’accumulation de richesses. Ce que nous proposons ici est différent : il s’agit du contrôle social de la nature de la production. Le système capitaliste repose sur la propriété privée et la liberté d’entreprendre. Nous ne remettons ici nullement en cause la liberté d’entreprendre, mais nous remettons en cause vigoureusement la liberté d’entreprendre, de produire, et de vendre n’importe quoi. Ce qui doit être mis en vente et proposé à l’achat au citoyen doit répondre à un certain nombre de principes et doit être évalué par des assemblées dédiées. Le premier de ces principes est que ce produit doit impérativement prendre soin de la planète, des humains et des autres êtres vivants, tant dans ses matériaux, son mode de production, que dans sa finalité. Il ne s’agit pas juste de répondre à quelques normes, nous voyons bien que cela ne fonctionne pas : il s’agit de passer à un mode de production par autorisation des citoyens, en considérant tous les aspects que l’introduction d’un nouveau produit a sur l’ensemble de la société et sur les sociétés à venir. Le second principe est que tout produit ou service vendu au grand public doit impérativement pouvoir être acheté par le plus grand monde. Ce faisant, l’accumulation de richesses perdra tout son sens, puisque la richesse ne servira plus.

L’an 01

Alors, à l’heure où nous devons imaginer un nouveau futur, un autre rapport à la technologie, une nouvelle évaluation de nos besoins, nous pouvons nous tourner vers nos prédécesseurs, ceux qui avaient refusé de sacrifier leurs rêves et leur environnement au nom du progrès économique, vers tous ceux qui avaient déjà anticipé, depuis deux cents ans, le pétrin dans lequel nous nous trouvons maintenant ! Et ce, alors même qu’il n’était même pas question de réchauffement climatique.

Commençons donc cette nouvelle ère de manière rafraichissante, en (re)-regardant le film l’an 01, ou en lisant la B.D. Ce film commence par une décision partagée par toute la population d’arrêter la production industrielle et la consommation de biens inutiles, et par une réflexion sur ce qu’il est indispensable de continuer à produire pour le bonheur de tous. Le mot d’ordre de ce film est “on arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste”. Jamais ces trois mots d’ordre n’auront été autant d’actualité : “On arrête tout”, car un grand nombre de choses qui nous entourent doivent être arrêtées, c’est indispensable. “On réfléchit”, car la situation dans laquelle nous nous trouvons est d’une complexité inouïe, et qu’il n’y a pas de réponse simple à une situation complexe ; “ et c’est pas triste”, car ce que nous allons chercher à mettre en place, c’est une nouvelle manière d’être heureux et d’être bien ensemble, sans pour autant détruire le vivant. A aucun moment nous ne devons laisser la joie nous quitter, car nous pouvons facilement nous débarrasser de beaucoup de choses sans que notre joie nous quitte, au contraire : aller nous baigner dans les lacs et les rivières plutôt que dans la piscine d’un.e pote, louer une maison à la campagne avec 30 ami.es plutôt que d’aller à Bali, se retrouver dans un parc ou un bar plutôt que de zoner sur facebook, dormir avec un gros pull Casimir orange plutôt qu’en T-Shirt, aller bivouaquer en montagne plutôt que d’y faire du ski, raconter des conneries plutôt que de faire des selfies, manger des poires plutôt que des ananas, brasser de la bière dans son salon plutôt que de bosser pour Airbus, rouler à 70 dans une vieille 4L pourrie en chantant plutôt qu’à 140 dans un SUV et son autoradio bluetooth... le Nouveau Monde que nous allons mettre en place sera tout sauf triste. Ce sont les ennemis du vivant qui veulent faire croire que sobriété rime avec tristesse car pour eux, le bonheur nécessite un yacht. Nous serons heureux, et nous n’aurons pas de yacht... et personne n’en aura, car nous aurons décidé de ne plus en produire.

Alors, comme dans l’An 01, nous décidons nous aussi de commencer une nouvelle ère en refusant les technologies qui nous apportent plus d’enfermement que de liberté, en imaginant de nouvelles manières de produire, de nouvelles manières de prendre les décisions qui nous concernent, et de nouvelles manières de communiquer, de voyager, de nous soigner, de mourir, de faire la fête, de travailler et d’apprendre. Car le système politique et économique actuel, nous le voyons tous les jours, est structurellement incapable de prendre en compte le long terme, et il n’est plus capable de se réformer : il se contente de se protéger et de défendre ses serviteurs, tout en priant qu’une révolution n’ait pas lieu, s’emmurant avec son trésor, un fusil à la main. Il ne s’agit pas d’un problème de personnes. Nous pouvons certes être en désaccord avec M. Macron, mais il n’est que la représentation émergeant naturellement de nos règles et de notre système. Alors, si nous devons mettre fin à quelque chose, c’est plus à notre système actuel qu’à la présidence de Macron.

Ce qu’il adviendra de l’humanité dans les années et les siècles qui viennent n’est pas encore écrit : la réponse dépend de nous, aujourd’hui, car nous vivons un moment unique dans l’histoire. Les commentateur.rices ne peuvent pas dire mieux en disant que nous sommes la première génération à subir les effets du changement climatique, et la dernière à pouvoir le limiter à des niveaux encore tolérables pour le bien-être de nos descendants. Alors peut-être que le 15 mars 2019, l’an 01 a commencé. Le jour où la jeunesse s’est révoltée ! Alors, que le nouvel élan qui souffle aujourd’hui ne s’arrête jamais, et longue vie au mouvement du 15 mars !

Signataires :
Frédéric Boone, astronome adjoint, Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP), UMR CNRS – UT3.
Guillaume Carbou, maître de conférences en sciences de la communication, Laboratoire Sciences, Philosophie, Humanités (SPH), Université de Bordeaux ; associé au Laboratoire d’études et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales (LéRASS), UT3.
Julian Carrey, professeur en physique, Laboratoire de Physique et Chimie des Nano- Objets (LPCNO), UMR CNRS – INSA – UT3.
Jean-Michel Hupé, CR CNRS en sciences cognitives, Centre de Recherche Cerveau et Cognition (CerCo), UMR CNRS – UT3.
Vanessa Léa, CR CNRS en archéologie, laboratoire TRACES, UMR CNRS – Université Toulouse Jean-Jaurès & Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement (écoLab), UMR CNRS – INP – UT3.
Sébastien Rozeaux, maître de conférences en histoire contemporaine, laboratoire France, Amérique, Espagne – sociétés, pouvoirs, acteurs (FRAMESPA), UMR CNRS – UT2.

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30 mars 2019 6 30 /03 /mars /2019 14:19

"Et c’est mon corps vivant qui, confronté à la mort de la planète, pleure. En voyageant en Chine et à Taiwan, il est évident que les deux géants idéologiques que le XXe siècle a construits, le capitalisme et le communisme, ont déjà muté en un seul monstre : le productivisme nécropolitique, c’est-à-dire un seul mode de production et de reproduction dont l’objectif est la destruction sans fin ni forme. Je pleure parce que je comprends qu’aucune de ces deux idéologies n’a réussi à inventer quelque chose qui ne nous a pas fait hériter de sa ruine. L’air de Hongkong est irrespirable et sur ses plages, un nageur téméraire ne peut trouver que des déchets. Les espèces animales terrestres mourront au cours des cinquante prochaines années à cause de la sécheresse. Les animaux marins succomberont à l’ingestion de plastique et de carburant" Paul B. Preciado , Libération "La planète meurt, mon corps pleure" Libération 31 mars 2019

 

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16 mars 2019 6 16 /03 /mars /2019 11:02

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   ET POURTANT ELLE BRÛLE …

 

  Une bonne indication des enjeux  du mouvement  pour la justice climatique (« La marche su siècle »)   est l’ampleur des résistances qu’il rencontre. Les motifs de ce rejet sont si nombreux et si profonds qu’on serait tenté de croire la bataille perdue avant même être engagée. Nombre de savants, on le sait, se disent désespérés. Pourtant, en voyant la jeune Greta Thunberg, 16 ans, apostropher les grands de ce monde, on se dit qu’il ne devrait pas être si difficile de choisir son camp. Comment ne pas voir  qu’il y a, d’un côté, le parti des récalcitrants, arc-boutés sur les dogmes  du monde d’avant (la « Sainte trinité » : croissance-emploi-profit). De l’autre,  celui d’une jeunesse qui refuse simplement  d’être partie prenante de son propre anéantissement.

  « Je ne veux pas de votre espoir. Je veux que vous paniquiez ». L’angle choisi par la jeune suédoise surprend. Il s’explique pourtant : l’approche rationnelle est restée à ce jour inopérante. La jeunesse se trouve dans une situation comparable à celle de Galilée voulant convaincre ses accusateurs de la validité de l’héliocentrisme :  notre religion aujourd’hui ne peut laisser prospérer en son sein aucune hérésie, il en va de sa crédibilité comme  de sa survie. La nouveau clergé  est productiviste.  Ses arguments sont puissants, à première vue imparables : « Sans croissance pas de progrès, notamment pour les plus pauvres ». « Il est impossible de changer de système en quelques mois ». « On ne peut pas se passer du pétrole, du nucléaire et du charbon, encore moins renoncer à l’automobile, à la viande, au trafic aérien ». Et puis, pour finir l’argument qui tue : « Pourquoi restreindre notre empreinte carbone quand les autres acteurs de par le monde continuent de dévaster la planète et de déterrer pétrole, gaz et métaux rares,  sans limite et sans vergogne? ». Ou, dans sa version la plus triviale :  « A quoi bon se priver de coton-tiges quand les décisions qui comptent sont prises par Donald Trump, Vladimir Poutine, l’Arabie saoudite etc, soutenus par les lobbies industriels et financiers du monde entier ?  »

  Devant ce type d’objections,  les données  scientifiques  qui  permettent  d’affirmer que les risques d’effondrement sont réels, que la « sixième extinction » est déjà entamée, que le changement climatique est en cours, et bientôt irréversible… restent  sans effet. L’explication  est connue : nous ne croyons pas ce que nous savons, nous ne voulons pas savoir ce que nous refusons de croire. Les intérêts en jeu sont bien trop considérables. Personne n’envisage de changer son mode de vie, même précaire, pour un résultat plus qu’incertain -  la prospective n’est pas une science exacte. Et, pour tout arranger, le monde scientifique est divisé, les futurologues ne sont pas tous alarmistes. Les transhumanistes notamment,  nous promettent que l’avenir nous apportera de divines surprises, comme par exemple la possibilité d’un devenir cyborg nous permettant de survivre par n’importe quelle température, ou bien en immersion partielle - comme les crapauds. Les abeilles et les vers de terre seront bientôt remplacés par des robots et nos bébés eux-mêmes, bientôt miniaturisés, et programmés vegan, peupleront une planète reverdie et climatisée ! Une possible migration vers Mars nous ouvrira de nouveaux horizons enchanteurs. Le génie technicien de l’homme est tel qu’il n ‘y a vraiment pas lieu de s’affoler.

 

   Tandis que les climatologues, savants, les philosophes, s’époumonent en vain, c’est un un cri de détresse qui se fait entendre ces jours-ci sur la planète tout entière, une sourde plainte, une supplication.  Ces nouveaux acteurs tentent d’atteindre notre part d’humanité sensible tout en  sollicitant  ce qui nous reste d’intelligence non suicidaire. Après tout, les plus riches d’entre nous, et même les climato-sceptiques, pourraient un jour être affectés par les bouleversements en cours. Sinon eux, peut-être leurs enfants.  Anéantis, liquidés, « disruptés »,  « collapsés »  ; sans laisser de trace ni de descendance. Même au vu de notre propre intérêt de nantis, n’est-il pas temps d’anticiper?

Laurence Hansen-Löve

Membre du collectif « Enseignants pour la planète ».

Professeur de philosophie. Dernier ouvrage paru : Simplement humains. Mieux vaux préserver l’humanité que l’améliorer, Editions de l’Aube, 20219.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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