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18 novembre 2006 6 18 /11 /novembre /2006 23:03

 
    
Le désir n’accède à la conscience de soi qu’en se réfléchissant en une autre conscience. Une telle lutte pour la reconnaissance  peut prendre la forme d’ une lutte à mort, à l’occasion de laquelle  les adversaires se prouvent mutuellement qu’ils placent leur liberté au-dessus de la vie simple, de la vie purement biologique.
    
    
     "D’abord la conscience de soi est être-pour-soi simple égal à soi-même excluant de soi tout ce qui est autre (…) Mais l’autre est aussi une conscience de soi. Un individu surgit face à face avec un autre individu. Surgissant ainsi immédiatement, ils sont l’un pour l’autre à la manière des objets quelconques ; ils sont des figures indépendantes et parce que l’objet étant s’est ici déterminé comme vie, ils sont des consciences enfoncées dans l’être de la vie, des consciences qui n’ont pas encore accompli l’une pour l’autre le mouvement de l’abstraction absolue, mouvement qui consiste à extirper hors de soi tout être immédiat, et à être seulement le pur être négatif de la conscience égale-à-soi-même. En d’autres termes ces consciences ne se sont pas encore présentées réciproquement chacune comme pur être-pour-soi, c’est-à-dire comme conscience de soi. Chacune est bien certaine de soi-même, mais non de l’autre ; et ainsi sa propre certitude de soi n’a encore aucune vérité ; car sa vérité consisterait seulement en ce que son propre être-pour-soi se serait présenté à elle comme objet indépendant, ou ce qui est la même chose, en ce que l’objet se serait présenté comme cette pure certitude de soi-même. Mais selon le concept de la reconnaissance, cela n’est possible que si l’autre objet accomplit en soi-même pour le premier, comme le premier pour l’autre, cette pure abstraction de l’être-pour-soi, chacun l’accomplissant

par sa propre opération et à nouveau par l’opération de l’autre.
     Se présenter soi-même comme pure abstraction de la conscience de soi consiste à se montrer comme pure négation de sa manière d’être objective, ou consiste à montrer qu’on n’est attaché à aucun être- là déterminé, pas plus qu’à la singularité universelle de l’être-là en général, à montrer qu’on n’est pas attaché à la vie. Cette présentation est la double opération : opération de l’autre et opération par soi-même. En tant qu’elle est opération de l’autre, chacun tend à la mort de l’autre. Mais en cela est aussi présente la seconde opération, l’opération sur soi et par soi ; car la première opération implique le risque de sa propre vie. Le comportement des deux consciences de soi est donc déterminé de telle sorte qu’elles se prouvent elles-mêmes et l’une à l’autre au moyen de la lutte pour la vie et la mort"
     G.W.F. Hegel,La phénoménologie de l’esprit (1807), trad J. Hyppolite,éd. Aubier Montaigne, 1941, T.I, pp.158-159

  
 
  
Jean Hyppolite nous propose ici un commentaire du texte de Hegel.
    


    
    " L’objet individuel du désir, ce fruit que je vais cueillir, n’est pas un objet posé dans son indépendance, on peut aussi bien dire qu’en tant qu’objet du désir, il est et il n’est pas ; il est mais bientôt il ne sera plus : sa vérité est d’être consommé, nié, pour que la conscience de soi à travers cette négation de l’autre se rassemble avec elle-même. De là le caractère ambigu de l’objet du désir, ou mieux encore la dualité de ce terme visé par le désir. « Désormais la conscience, comme conscience de soi a un double objet, l’un immédiat, l’objet de la certitude sensible et de la perception, mais qui pour elle, est marqué du caractère du négatif (c’est-à-dire que cet objet n’est que phénomène, son essence étant sa disparition) et le second elle-même précisément, objet qui est l’essence vraie, et qui, initialement, est présent seulement dans son opposition au premier objet. » Le terme du désir n’est donc pas, comme on pourrait le croire superficiellement, l’objet sensible –il n’est qu’un moyen- mais l’unité du Moi avec lui-même. La conscience de soi est désir ; mais ce qu’elle désire, sans le savoir encore explicitement, c’est elle-même, c’est son propre désir et c’est pourquoi elle ne pourra s’atteindre elle-même qu’en trouvant un autre désir, une autre conscience de soi".
     J. Hyppolite Genèse et structure de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel, 1946 Éd. Aubier, p. 154.
    
 

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commentaires

T
Au contraire, c'est très clair, même lumineux; mais ça reste difficile si on ne connaît pas un peu Hegel auparavant
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L
entièremetnd'accord!
T
Le problème d'Hegel, c'est qu'il faut souvent un commentateur pour le comprendre! le commentaire d'Alexandre Kojève vaut également le détour...Néanmoins la "dialectique du maître et de l'esclave" est capitale et peut servir pour beaucoup de dissertations...
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L
oui, je me demandais justement si ce texte de Hegel n'aurait pas besoin d'être expliqué.. le commentaire de Kojeve n'est pas clair?