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3 novembre 2006 5 03 /11 /novembre /2006 16:32

Festival de khâgne


"Le dispositif s'est implanté depuis la rentrée 2002 en toute discrétion. Huit classes préparatoires aux  grandes écoles proposent une option « études cinématographiques et attirent un nombre croissant d'étudiants, en partie séduits par cette irruption du concret au milieu d'un enseignement d'ordinaire plus aride.
Pour les optionnaires, l'année d'hypokhâgne s'articule autour de trois pôles, à raison de quatre
heures hebdomadaires un apprentissage théorique (analyse de séquence, histoire et écolo
mie du cinéma), des exercices pratiques élémentaires (tournage,montage) et des séances en salles en présence de critiques et professionnels. Les choses se corsent un peu en khâgne : l'option devient une dominante - toujours quatre heures par semaine, mais dotées d'un coefficient plus important que les autres matières - avec un programme imposé. Cette année Fritz Lang aux États-Unis et le cinéma autobiographique.
Un jeudi d'octobre, au quatrième étage du très chic lycée de Sèvres, exercice-type pour 16 khâgneux, 19 ans de moyenne d'âge. Ils ont deux heures, répartis en groupes, pour mettre en scène et tourner en caméra mini De un scénario sélectionné par leur prof. En l'occurrence, un
extrait du Bal des vampires. Pas mal de matériel  à leur disposition - quatre caméras DV, deux bornes de montage. des pieds et des chariots. une perche son et surtout, un intervenant réalisateur. « Le  but  n'est pas d'en faire l'inventaire des techniques, précise Laurent Dumas, mais qu'ils sachent utiliser la technique  au service de  leur idée.  Pas non plus, d'ailleurs, d'en faire des réalisateurs.
Autour de la table, chacun y va de son interprétation de la scène et de ses envies de vampire et de sang, avant de se lancer, devant ou derrière la caméra.
« Vous voulez quoi comme style de jeu, réaliste ou expressionniste ? »,demande l'un des désignés acteurs, à moitié sérieux. Plus loin, un groupe peaufine ses mouvements de caméra sur chariot dans les couloirs. D'autres se sont lancés dans un ambitieux travail d'éclairage, qui plonge la salle de classe en pleine obscurité. Quitte à complètement occulter le reste, à commencer par les placement et déplacements d'acteurs - pas le temps, on verra plus tard.
Il perce quelque chose d'assez salutaire dans ces cours de cinéma: réussir à intégrer aufonctionnement d'une institution qui vise l'efficacité les temps mort; d'un tournage et les méandre hasardeux de la technique. - "Le principal, c'est de savoir ce que l'on a voulu faire, le résultat, ce sera forcément pas terrible", glisse une étudiante. Elle a en partie  raison . L'évaluation  des séquences pratiques dépend surtout de la justification à l'oral, par l'élève, a posteriori de sa démarche. En classe prépa, pratique du cinéma tee s'improvise pas (encore). _
A quelques mètres, assis en rangs serrés  hypo » décortiquent sur un écran télé une séquence de "J'ai  le droit de vivre de Lang (1937). Le cours est consacré aux rnouvements de caméra. Jusqu'à Noël, les étudiants «font leurs gammes ».selon l'expression de leur professeur Renaud Ferreira, responsable des deux niveaux à Sèvres. Et ingurgitent le maximum de films possibles Sèvres, les classes se rendent cinq fois par an au Forum des Images -,partenaire du lycée depuis l'ouverture de l'option. Et, avantage non négligeable, ont accès libre à n'importe quelle séance du Forum, qui va même jusqu'à organiser, vers la fin de l'année scolaire, une projection des courts tournés par ceux de première année. Fin de journée, les élèves mettent en pratique les travellings et les zooms observés chez Lang et Welles. De nouveau, minitournages improvisés, dans les toilettes, à l'air libre, dans l'escalier, en forme d'exutoire, avant un dérushage pointilleux en groupe, avec les enseignants.
Sempiternelle inquiétude entourant les projets d'éducation à l'image en ces temps délicats et les financements ? C'est le point fragile du dispositif, qui coûte aux établissements plusieurs milliers d'euros par an. Le modèle économique est « à géométrie variable », expression officielle pour dire qu'en gros, chacun fait comme il peut. Une circulaire de 200 a coupé les fonds débloqués jusque là par le ministère de la Culture, sans avancer de véritable explication. Christine JuppéLeblond, inspectrice générale à l'origine de cette option, regrette d'autant plus ce désengagement de la rue deValois que « ce par tenaiat avec les classes préparatoires est une suite logique du partenariat avec les options cinéma au niveau du
lycée ». Et que la formation a d'ores et déjà fait ses preuves, avec deux reçus à l'ENS Lyon depuis 2002. Des établissements parviennent à bénéficier de subventions publiques, auprès de leur Direction régionale d'action culturelle (Drac) ou de la Direction des affaires culturelles (Dac) de leur rectorat. Mais tous doivent engager partie de leurs fonds propres pour que l'option se maintienne".
Ludovic Lamant
1. Le Forum, en travaux, a transféré ses projections pour scolaires au Centre Wallonie Bruxelles. en attendant la réouverture en mars-avril 2007.

Article paru dans les Cahiers du cinéma de novembre 2006
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