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24 mars 2007 6 24 /03 /mars /2007 12:30

(à titre d'illustration de la méthode de dissertation)


Quel rôle joue l'expérience dans la connaissance humaine ?

Introduction

 La connaissance, autrement dit  l'ensemble des représentations et des savoirs  qui nous permettent     d'expliquer le réel et de le maîtriser, semble procéder principalement de l'expérience. L'expérience, conçue comme  une relation directe  avec les faits ou les données sensibles, semble être le point de départ de la plupart de nos connaissances ; on remarque également qu'un  savoir ne peut être tenu pour valide que s'il est confirmé par l'expérience, s'il permet d'anticiper l'avenir et d'agir en conséquence. L'expérience constituerait donc à la fois l'origine,  le fondement et le garant de toutes nos connaissances. La vie quotidienne et le sens commun confirment ce point de vue : avoir de l'expérience signifie être qualifié, être compétent, et l'on préfèrera  toujours un  médecin, un avocat, un ingénieur expérimenté à un jeune diplômé sans formation concrète. Pourtant, comment pourrait-on admettre que l'expérience est la seule base de la connaissance ? Il est clair que, parmi  nos certitudes, nombreuses sont celles qui ne procèdent pas de l'expérience. Est-ce l'expérience qui m'apprend que deux et deux font quatre, que tout phénomène a une cause,  ou que les lois de la nature sont constantes ? Et  que penser des certitudes d'ordre logique ou encore philosophiques , comme celles qui furent  énoncées par Descartes ou encore Spinoza par exemple ?  On dira qu'une certitude n'est pas une connaissance. Mais que penser des connaissances mathématiques, physiques, astronomiques etc... qui doivent autant au raisonnement qu'à l'expérience ? Ces remarques conduisent à relativiser considérablement le rôle que joue l'expérience dans la connaissance humaine. Contrairement à la " connaissance " instinctive animale, la connaissance humaine est largement  abstraite, théorique, donc relativement  indépendante de l'expérience.


 I Elle est la base de toute connaissance
1) Tout commence  par l'expérience
Tant dans la vie de l'individu qu'en ce qui concerne l'espèce humaine
Chronologiquement : le bébé apprend à découvrir le monde en l'explorant. Il intègre donc des données sensibles (sensations) et des données psychologiques ( sentiments, émotions affects) qu'il  s'habitue à synthétiser (perception) et qu'il s'approprie. Ainsi il acquiert ses premières connaissances, qui portent sur son environnement immédiat, il apprend ensuite à élaborer des idées, par l'entremise du langage, et parallèlement il se " construit ".
Il en va de même pour la préhistoire de l'humanité , qui est au départ une suite de découvertes et de conquêtes procédant de l'enrichissement et de la multiplication des expériences et des expérimentations (chasse, adaptation à l'environnement, découverte du feu etc..).
 Tant chronologiquement que logiquement, tout commence par l'expérience. Notre intelligence se développe grâce à notre rapport sans cesse étendu et approfondi à notre environnement.
2) Réciproquement, ce qui ne procède d'aucune expérience ne mérite pas le nom de connaissance.
 C'est le cas des convictions religieuses, ou encore des théories d'ordre métaphysique, dont Kant a montré qu'elles ne sont pas des connaissances à proprement parler. Car ce dont il n'y a aucune expérience  possible, il n'y a pas de connaissance : c'est le cas de l'âme, de Dieu, du monde en tant que tout.
3)  Les connaissances théoriques ne sont jamais suffisantes.
Sauf dans le cas de disciplines purement formelles qui ne nous renseignent que sur les opérations de l'esprit et non sur le réel (logique et mathématiques pures). Pour toutes les autres connaissances, l'expérience doit valider les théories.  L'invention d'un nouveau vaccin doit être validée par des tests, le talent du chirurgien doit être établi par sa pratique, les pronostiques du médecin, les prévisions  du météorologue, de l'astrologue ou du généticien doivent être confirmés par les faits.
 Conclusion
L'expérience joue un rôle fondamental dans la connaissance humaine, soit qu'elle la fonde soit qu'elle la corrobore. Mais ce rôle est-il suffisant ?

 II Mais l'expérience  ne se suffit pas à elle-même
1) Une collection de sensations ne constitue  pas une connaissance
Car un empilement de données n'est pas une connaissance, pas plus qu'une poussière d'impressions ne nous apprend véritablement ce qu'est  le réel. Les sensations doivent être ordonnées et interprétées pour devenir significatives. Notre cerveau est comme un logiciel de montage qui met progressivement le monde en ordre, de même que le langage est un filet ou une grille que nous jetons sur le monde et qui nous permet d'identifier, de classer et  donner un sens aux données de l'expérience. Nos sensations (intuitions) sont ordonnées selon les formes de notre sensibilité, c'est à dire l'espace et le temps (avant toute expérience nous savons que les choses sont nécessairement inscrites dans l'espace et dans le temps).
2) La connaissance ne peut provenir que de l'entendement.
Sans doute toute connaissance provient-elle de l'expérience, mais elle ne s'y réduit pas : les impressions sensibles " mettent en mouvement notre faculté intellectuelle, afin qu'elle compare, lie ou sépare ces représentations, et travaille ainsi la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une connaissance des objets "  C R Pure pp 31-32 .La connaissance est quelque chose d'actif, comme l'avait déjà établi Descartes : comment j'identifie un morceau de cire ? Il faut que j'en forme un idée (je le conçois) que je juge (ceci est de la cire) et que je raisonne (malgré les apparences, c'est toujours la  même cire) (Méditations 2).
3) Les lois de la nature en tant qu'universelles et nécessaires ne découlent pas de l'expérience.
Dans ce que nous appelons l'expérience au sens usuel du terme, il y a quelque chose qui ne provient pas de l'expérience (données sensibles immédiates). Cf " Jugements synthétiques a priori " : jugements qui nous apprennent quelque chose du réel, (quelque chose qui n'est pas " analytiquement "  dans le concept de l'objet), mais que pourtant nous découvrons en pensant, en réfléchissant. C'est le cas des lois mathématiques qui s'appliquent à la nature (ex : lois du choc des corps) ou encore de principes a priori tels que " toute chose a une cause ".
 Conclusion.
 Il y a toute une part de la connaissance qui est a priori cf maths et logique). Ce qui ne signifie  pas que tout raisonnement a priori constitue par lui-même une connaissance.
III La connaissance est une dialectique toujours inachevée entre expérience et théorie
1) De l'expérience immédiate à l'expérience construite
L'expérience immédiate, c'est celle qui nous montre que la pierre tombe plus vite que la plume, que le sol est immobile sous nos pieds, que le soleil se lève chaque matin, que la sommes des angles d'un triangle est égal à deux droits, que l'or est jaune, que la matière ne peut disparaître, que les enfants ressemblent à leurs parents... Toutes ces évidences immédiates sont  (plus ou moins) réfutées par la science qui remplace l'expérience immédiate par des dispositifs expérimentaux et qui imagine des théories permettant d'anticiper des faits non observés dans la nature comme la fission nucléaire par exemple ou les géométries courbes (non euclidiennes)
 2) L'expérience est le point de départ et le point d'arrivée de la connaissance  (Einstein)
 On peut être empiriste comme Einstein et soutenir que les théories scientifiques sont des " fictions " qui permettent d'inventer des modèles ou paradigmes (cf théorie de la relativité), lesquels  qui ne doivent rien à l'expérience. " Les théories scientifiques sont des créations libres de l'esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminées par le monde extérieur " (L'évolution des idées en physique " pp 34-35).C'est l'imagination créative du savant qui lui permet de substituer une théorie à une autre, et ce type de " rupture épistémologique " peut ne rien devoir à l'expérience, en tout cas immédiate (cf  l'énergie nucléaire, les accélérateurs de particules, l'astro-physique etc..)
3)Les théories scientifiques sont  provisoires et falsifiables.
 Elles sont provisoires, car ce sont des " fictions " toujours susceptibles d'être remaniées. Mais elles sont falsifiables, car elles doivent être testées pour être validées. Donc elles courent toujours le risque d'être invalidées par l'expérience. C'est l'expérience qui tranche en dernier ressort (La logique de la découverte scientifique, pp 29-30). Les théories non falsifiables, comme l'explique Karl Popper  (psychanalyse, marxisme), ne sont pas en toute rigueur, des " connaissances ". En tout cas, ce ne sont pas des connaissances scientifiques.

Conclusion : L'expérience joue un rôle en général décisif mais  non exclusif.

CONCLUSION
 La connaissance joue un rôle fondamental. Mais variable selon les disciplines. Ce rôle n'est pas toujours prépondérant (cf maths et logique).. Pour connaître il faut des idées abstraites.  Mais inversement,  pas de connaissance sans expérience . " Des concepts sans intuitions sont vides, des intuitions sans concepts sont aveugles " Kant















 

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commentaires

J
Merci beaucoup
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M
Merci beaucoup ça m'a vraiment aidé.
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