24 janvier 2007
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Tout comme ses maîtres stoïciens, Marc-Aurèle estime que pour vivre heureux il vaut mieux changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde. La seule question qui importe est la suivante: quelle est la vocation de l'être humain ? En d'autres termes: qu'est-ce qui peut donner sens et valeur à l'existence humaine ?
I - "Au petit jour, lorsqu'il t'en coûte de t'éveiller, aie cette pensée à ta disposition : c'est pour faire œuvre d'homme que je m'éveille. Serai-je donc encore de méchante humeur, si je vais faire ce pour quoi je suis né, ce en vue de quoi j'ai été mis dans le monde ? Ou bien, ai-je été formé pour rester couché et me tenir au chaud sous mes couvertures ?
- Mais c'est plus agréable !
- Es-tu donc né pour te donner de l'agrément ? Et, somme toute, es-tu fait pour la passivité ou pour l'activité ? Ne vois-tu pas que les arbustes, les moineaux, les fourmis, les araignées, les abeilles remplissent leur tâche respective et contribuent pour leur part à l'ordre du monde ? Et toi, après cela, tu ne veux pas faire ce qui convient à l'homme ? Tu ne cours point à la tâche qui est conforme à la nature ?
- Mais il faut aussi se reposer.
- Il le faut, j'en conviens. La nature cependant a mis des bornes à ce besoin, comme elle en a mis au manger et au boire. Mais toi pourtant, ne dépasses-tu pas ces bornes, et ne vas-tu pas au delà du nécessaire ? Dans tes actions, il n'en est plus ainsi, mais tu restes en deçà du possible. C'est qu'en effet, tu ne t'aimes point toi-même, puisque tu aimerais alors, et ta nature et sa volonté. Les autres, qui aiment leur métier, s'épuisent aux travaux qu'il exige, oubliant bains et repas. Toi, estimes-tu moins ta nature que le ciseleur la ciselure, le danseur la danse, l'avare l'argent, et le vaniteux la gloriole ? Ceux-ci, lorsqu'ils sont en goût pour ce qui les intéresse, ne veulent ni manger ni dormir avant d'avoir avancé l'ouvrage auquel ils s'adonnent. Pour toi, les actions utiles au bien commun te paraissent-elles d'un moindre prix, et dignes d'un moindre zèle ? "
Marc Aurèle(121-180 ap JC)
Pensées pour moi-même
Traduction Mario Meunier
Garnier -Flammarion 1964
I - "Au petit jour, lorsqu'il t'en coûte de t'éveiller, aie cette pensée à ta disposition : c'est pour faire œuvre d'homme que je m'éveille. Serai-je donc encore de méchante humeur, si je vais faire ce pour quoi je suis né, ce en vue de quoi j'ai été mis dans le monde ? Ou bien, ai-je été formé pour rester couché et me tenir au chaud sous mes couvertures ?
- Mais c'est plus agréable !
- Es-tu donc né pour te donner de l'agrément ? Et, somme toute, es-tu fait pour la passivité ou pour l'activité ? Ne vois-tu pas que les arbustes, les moineaux, les fourmis, les araignées, les abeilles remplissent leur tâche respective et contribuent pour leur part à l'ordre du monde ? Et toi, après cela, tu ne veux pas faire ce qui convient à l'homme ? Tu ne cours point à la tâche qui est conforme à la nature ?
- Mais il faut aussi se reposer.
- Il le faut, j'en conviens. La nature cependant a mis des bornes à ce besoin, comme elle en a mis au manger et au boire. Mais toi pourtant, ne dépasses-tu pas ces bornes, et ne vas-tu pas au delà du nécessaire ? Dans tes actions, il n'en est plus ainsi, mais tu restes en deçà du possible. C'est qu'en effet, tu ne t'aimes point toi-même, puisque tu aimerais alors, et ta nature et sa volonté. Les autres, qui aiment leur métier, s'épuisent aux travaux qu'il exige, oubliant bains et repas. Toi, estimes-tu moins ta nature que le ciseleur la ciselure, le danseur la danse, l'avare l'argent, et le vaniteux la gloriole ? Ceux-ci, lorsqu'ils sont en goût pour ce qui les intéresse, ne veulent ni manger ni dormir avant d'avoir avancé l'ouvrage auquel ils s'adonnent. Pour toi, les actions utiles au bien commun te paraissent-elles d'un moindre prix, et dignes d'un moindre zèle ? "
Marc Aurèle(121-180 ap JC)
Pensées pour moi-même
Traduction Mario Meunier
Garnier -Flammarion 1964