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5 janvier 2007 5 05 /01 /janvier /2007 18:39

En un certain sens, le lieu du pouvoir est vide dans une démocratie. La société est alors renvoyée à elle-même, dans sa douloureuse indétermination:

"La révolution démocratique moderne, nous la reconnaissons mieux à cette mutation : point de pouvoir lié à un corps. Le pouvoir apparaît comme un lieu vide et ceux qui l'exercent comme de simples mortels qui ne l'occupent que temporairement ou ne sauraient s'y installer que par la force ou par la ruse ; point de loi qui puisse se fixer, dont les énoncés ne soient contestables, les fondements susceptibles d'être remis en question {...}, Ce qui advient avec la démocratie, c'est l'image de la société comme telle, société purement humaine, mais simultanément société sui generis, dont la nature propre requiert une connaissance objective ; c'est, du fait de la destruction du foyer monarchique de légitimité et de la destruction de l'architecture des corps, l'image d'un espace en droit homogène, offert au point de survol du savoir et du pouvoir ; c'est l'image de l'État, omniscient, tout-puissant, d'un État à la fois anonyme et, selon le mot de Tocqueville, tutélaire ; c'est encore, du fait que l'inégalité s'exerce dans les frontières de l'égalité des conditions, l'image d'une masse détentrice du jugement dernier sur le bien et le mal, le vrai et le faux, le normal et l'anormal, l'image de l'opinion souveraine ; enfin, ce qui émerge c'est l'image du peuple, dont j'observais qu'elle demeure indéterminée, mais dont il faut non moins reconnaître qu'elle est susceptible de se déterminer, de s'actualiser fantasmatiquement comme image du Peuple-Un.
Dans cette perspective, le totalitarisme ne se laisse-t-il pas concevoir comme une réponse aux questions que véhicule la démocratie, comme une tentative de résoudre ses paradoxes ?" Claude Lefort
 L'invention démocratique, pp 180-183, le Livre de poche
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