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3 novembre 2015 2 03 /11 /novembre /2015 16:05

L ’Europe et l’abdication de la démocratie

La crise de la démocratie que nous connaissons actuellement n’est pas une crise politique traditionnelle. Selon les partisans du non au référendum du 29 mai 2005, l’Europe est porteuse d’une vision du monde peu compatible avec la souveraineté populaire. Les « élites » estiment en effet savoir ce qu’est le bien commun, y compris à l’encontre de leurs propres concitoyens. Tout se passe comme si la légitimité désormais ne procédait plus du peuple. C’est ce qu’explique dans le texte suivant André Bellon, ancien président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale:

« Ce n’est en effet pas un hasard si le changement de paradigme démocratique s’est cristallisé sur le traité constitutionnel. Le projet européen a épousé une idéologie de la mondialisation avant tout porteuse de contraintes, d’obligations, de fatalité… Issue de l'idée généreuse d’un peuple mondial, elle supprime, de fait, tout peuple en tant qu’acteur politique, soumettant la politique à des décisions d’essence supérieure, à des acteurs peu apparents. La construction européenne a tenté de faire épouser au citoyen une cause qui ne les concernait pas. C'est ce que résume Alain Touraine lorsqu’il déclare avec brutalité : « En France, le mot « libéralisme » était imprononçable, alors on n'en a trouvé un autre, « Europe » ».

[…]

Les « pères fondateurs » de l’Europe, tout particulièrement Jean Monnet, ne cachaient pas leur réticence à l’égard de la souveraineté populaire, leur conception technocratique et économiquement libérale de la politique. Traumatisés par la seconde guerre mondiale, puis par la guerre froide, peu de responsables ont su faire l’analyse des risques que leur projet européen faisait peser sur la démocratie. Pierre Mendès France fut de ceux-la. Prenant, le 18 janvier 1957, position à l’Assemblée nationale contre le traité de Rome, il déclarait : « le projet du marché commun tel qu’il nous est présenté est basé sur le libéralisme classique du XXe siècle selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, elle recourt soit à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on n’en tient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique au sens le plus large du mot, nationale et internationale. »

Le traité établissant une constitution pour l'Europe n’est somme toute que l’aboutissement ultime de cette logique, la dernière pièce qui rend le puzzle bien visible ».

André Bellon, Derrière les élections, quelle démocratie ? Le Monde diplomatique, N° 92, avril-mai 2007.

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