Quand le sport fait de la religion
(et vice versa ?)
Serge Provost
Professeur de philosophie
Les Dieux du stade
Leni Riefenstahl tourna Les Dieux du stade (Olympia), en 1936, un film documentaire célèbre sur les Olympiens. Ce titre est désormais devenu une expression usuelle dès lors qu’il s’agit de décrire les acteurs d’un événement sportif d’envergure. Non sans hauteur, on qualifie cette formule langagière de cliché ultra kitch faisant partie de la famille des insupportables poncifs dont nous sommes quotidiennement accablés.
Or, soyez-en sûrs, elle reviendra, et en boucle svp !, lors de la couverture médiatique des Jeux olympiques de Londres, cet été 2012. Parce que l’empreinte existe, immémoriale, dans la psyché humaine, individuelle et collective ?
Dans l’intitulé de son film, tant et tant incriminé, Mme Riefenstahl conjoignait, elle, les deux termes : sport et religion. Abus de langage permis en des temps non politiquement corrects, aujourd’hui moralement inaudibles ?
«Film propagandiste !», conspuent encore les victimes, descendants inclus, persécutés dans leur chair, leur religion, leur mémoire et leur peuple (élu ou non). Motifs ? Association caricaturale de la grandeur antique (romaine !) au national-socialisme ; film de commande provenant d’un certain Adolf H, pour «ses» Jeux olympiques et «son» IIIe Reich de mille ans; apologie d’une esthétique de la beauté corporelle raciste et virtuellement aryenne. À vous de juger. Voir cet extrait : http://www.youtube.com/watch?v=NjoSkp1EBRM&feature=related.
Le stade humain des Dieux sportifs
Avant de pousser plus avant, ici même, la nécessaire réflexion sur le sport et la religion - voire leurs possibles rapports - osons une drôlette et tonique question nietzschéenne: si les «dieux du stade» furent, sont et seront, par la plèbe, au pinacle des Dieux élevés, n’est-ce pas parce que nos divinités originelles, en des temps inconnus, encore viles et imparfaites perfections en devenir, s’adonnaient, elles aussi, s’acharnaient même, à tous les excès sportifs possibles et imaginables ? Quid.
Conclusion provisoire, areligieuse et asportive
Nous aurons l’occasion d’y revenir plus longuement, mais, en terminant, permettez deux autres interrogations: si nous ne croyons plus en Dieu et aux Dieux, pourquoi nous avisons-nous à prendre nos sportifs pour lui ou pour eux ? Et si nous ne croyons plus en l’Homme, pourquoi demandons-nous au néant... de faire du sport à notre place ?