En hommage à Bernard Maris
Le monde est-il devenu meilleur après Marx?
Marx, Ô Marx, pourquoi m’as-tu abandonné?
« Aucun signe n’indique, cent cinquante ans après Le Capital, que l’humanité se soit humanisée. Les supplices collectifs ont disparu, mais les ont remplacés des carnages auprès desquels les St-Barthélemy sont des rixes d’amateurs. Il n’est pas sûr que les hommes soient plus courtois envers les femmes que les troubadours. Sans doute ne se repaissent-ils plus d'exécutions et de tortures publiques. Sans doute respectent-ils plus les enfants. L’intérêt, sinon la protection, apportés aux enfants est une grande nouveauté dans l’histoire humaine. Peut-être les hommes respecteront-ils un jour les animaux, et atteindront-t-il ce moment rêvé par Léonard de Vinci où la souffrance d’une bête leur sera intolérable. Le refus du racisme, du sexisme, de l’eau phobie, la possibilité pour les couples homosexuels d’adopter des enfants, sont indéniablement des progrès et on peut – pourquoi pas ? – les relier au « développement des forces productives ». Sans doute, les techniques modernes de communication ont incité à lire, à écrire, à parler, à converser, et même si on ne peut reprocher à tout un chacun de ne pas être Stendhal, les hommes lisent et parlent mieux, et même si cela n’est pas une garantie de connaissance et de compréhension, et sûrement pas de bonheur, c’est certainement une preuve d’humanisation. Et, en même temps, l’épuration ethnique a fait sa réapparition en Europe deux générations à peine après le nazisme, et les massacres du Rwanda ont démontré que le génocide n’était ni une particularité européenne, ni une particularité de pays développés. Le terrorisme par le suicide, nouvelle méthode de meurtres aveugles où le tueur accepte de ne pas voir ses victimes, relègue les bourreaux de Caserio et des anarchistes au musée des pétards et des mirlitons. »
Edition Les Echappés, page 119 -120, 2010