Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 janvier 2007 3 03 /01 /janvier /2007 11:36


L'État  résulte d' un pacte passé entre les individus - lassés de la violence naturelle - en faveur d'un  pouvoir ( le "Léviathan") auquel ils transfèrent l'ensemble de leurs droits et de leurs biens :

Le seul moyen d'établir pareille puissance commune, capable de défendre les humains contre les invasions des étrangers et les préjudices commis aux uns par les autres et, ainsi, les protéger de telle sorte que, par leur industrie propre et les fruits de la terre, ils puissent se suffire à eux-mêmes et vivre satisfaits, est de rassembler toute leur puissance et toute leur force sur un homme ou sur une assemblée d'hommes qui peut, à la majorité des voix, ramener toutes leurs volontés à une seule volonté ; ce qui revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée d'hommes, pour porter leur personne ; et chacun fait sienne et reconnaît être lui-même l'auteur de toute action accomplie ou causée par celui qui porte leur personne, et relevant de ces choses qui concernent la paix commune et la sécurité ; par là même, tous et chacun d'eux soumettent leurs volontés à sa volonté, et leurs jugements à son jugement. C'est plus que le consentement ou la concorde ; il s'agit d'une unité réelle de tous en une seule et même personne, faite par convention de chacun avec chacun, de telle manière que c'est comme si chaque individu devait dire à tout individu : j'autorise cet homme ou cette assemblée d'hommes, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses actions de la même manière. Cela fait, la multitude ainsi unie en une personne une, est appelée un ÉTAT, en latin CIVITAS. Telle est la génération de ce grand LÉVIATHAN, ou plutôt (pour parler avec plus de déférence) de ce dieu mortel, auquel nous devons, sous le dieu immortel, notre paix et notre défense. En effet, en vertu du pouvoir conféré par chaque individu dans l'État, il dispose de tant de puissance et de force assemblées en lui que, par la terreur qu'elles inspirent, il peut conformer la volonté de tous en vue de la paix à l'intérieur et de l'entraide face aux ennemis de l'étranger. En lui réside l'essence de l'État qui est (pour le définir) une personne une dont les actions ont pour auteur, à la suite de conventions mutuelles passées entre eux-mêmes, chacun des membres d'une grande multitude, afin que celui qui est cette personne puisse utiliser la force et les moyens de tous comme il l'estimera convenir à leur paix et à leur défense commune.
  Celui qui est dépositaire de cette personne est appelé SOUVERAIN et l'on dit qu'il a la puissance souveraine ; en dehors de lui, tout un chacun est son SUJET.

Thomas Hobbes, Léviathan (1651), chap. 17,  trad. G. Mairet, Éd.Gallimard, coll. " Folio essais ", 2000, pp. 287-289.


Texte 6
Locke

Partager cet article
Repost0

commentaires

C
Dans son chapitre XVIII, c'est entre le sixièmement et le septièmement que j'ai trouvé l'extrait susmentionné ... qui passe inaperçu (en première lecture).Juste avant, Hobbes défend :- l'immunité du détenteur de la puissance souveraine car "chaque sujet étant l'auteur des actions du souverain, il puni[rai]t un autre pour des actions qu'il a lui-même commises" ;- que le souverain, pour assurer la paix, doit détenir tous les moyens de paix et de défense, notamment : empêcher les dissensions intérieures. De là vient:- que censurer et dicter l'opinion est une "attribution de la souveraineté" car l'opinion des hommes dicte leurs actions; d'où:- que bien gouverner les opinions c'est bien gouverner les actions humaines "en vue de la paix et de la concorde" ;Puis vient cette phrase que j'hésite à éclairer :"Et, bien qu'en matière de théorie on ne doive rien considérer que la vérité, néanmoins cela ne s'oppose pas à ce que la paix en soit la règle. En effet une théorie s'opposant à la paix ne peut pas plus être vraie que la paix et la concorde ne peuvent être contraires à la loi de nature."Juste après Hobbes souligne :- quà cause de la négligence des gouvernants et professeurs, des doctrines fausses finissent par imprégner le peuple, ce sont "des vérités contraires qui peuvent être choquantes" ;- que la vérité nouvelle apparue soudainement réveille la guerre car : il y a des citoyens qui ont été gouvernés avc "légèreté", ce qui fait d'eux des guerriers en puissance (guerre civile).... pour moi la phrase citée dans mon premier message reste sibylline.
Répondre
L
<br /> <br /> Hobbes répond à une objection implicite: la vérité ( l'observation des faits) semble établir que la guerre est la règle entre les hommes, et non pas la paix.<br />  Pourtant un gouvernement légitime doit poursuivre comme objectif la paix et non la guerre.<br /> Alors, cela contredit-il la "vérité"? Réponse de Hobbes: non, car la " nature" ne peut pas vouloir la guerre. La guerre n'est pas conforme à la loi de la nature, selon Hobbes.<br />  (ceci est évident. Ce n'est pas la nature qui est la source des guerres, mais l'imagination des hommes qui, à l'état de nature, attaquent les autres hommes car ils ont peur pour leur vie.<br /> Les animaux, en revanche, ignorent la guerre).<br /> <br />  Notez  qu'il ne faut donc pas tomber dans le contresens commun: pour Hobbes, la nature , c'est la guerre..<br /> <br /> <br /> Je viens de retrouver le livre, et aussi le passage qui répond à notre question. IL s'agit du premier et second pargraphe du chpitre 17 . Il explique que l'état de guerre est le résultat des<br /> passions des hommes là où il n'y a pas d'Etat. Mais que  les lois de la nature ( justice, équité, clémence etc..) sont par elles-mêmes contraires aux passions naturelles.<br />  Donc finalement  la nature est bonne pour Hobbes, comme pour ROusseau, même si la vie en groupe sans Etat suscite les passions dites "naturelles"<br /> <br /> <br /> <br />
C
"L'État  résulte d'<br /> un pacte passé entre les individus - lassés de la<br /> violence naturelle - en faveur d'un pouvoir ( le<br /> "Léviathan") auquel ils transfèrent l'ensemble de leurs<br /> droits et de leurs biens"...jusqu'où sacrifier ses libertés ?Je lis chap. XVIII du Lév. (p.297 chez folio essais) :"une théorie s'opposant à la paix ne peut pas plus être vraie que la paix et la concorde ne peuvent être contraires à la loi de nature".Voilà une phrase que j'ai du mal à comprendre malgré le fait que tout ce qui la précède et la suit soit très-clair.En fait ... pourriez-vous m'aider à disséquer cette sentence un peu hermétique ? :)
Répondre
L
<br /> Si on remet cela dans le bon sens, cela donne :<br /> La paix et la concorde ne peuvent pas être contraires à la loi de la nature .<br /> Une théorie s'opposant à la paix  non plus.<br /> <br />  Donc cela signifie que la nature veut la concorde..<br /> Et là cela surprend de la part du Hobbes de Léviathan. Je n'ai pas le texte dans cette traduction . Il faut regarder ce qu'il dit juste avant et juste après à ce propos<br /> <br /> <br />