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4 juin 2009 4 04 /06 /juin /2009 13:31

Je lis ce matin ceci " la seule chose certaine, c'est la disparition de la gauche" 
 Le constat est suivi d'une explication. Vous pouvez lire l'entretien avec jean-Luc Nancy ici:"Le sens de l'hstoire a été suspendu"

Et en voici un long extrait :

 

Qu'est-ce qui s'est arrêté?

L'histoire représentée comme émancipation de l'humanité. Le sens de l'histoire a été suspendu, et cette suspension n'est pas .provisoire. Je ne dis pas qu'une histoire ne va pas reprendre, autrement. Mais être de gauche, c'était vivre dans le sentiment de participer à une histoire qui progressait, bon an mal an, vers la possibilité d'une plus grande justice sociale, d'une société plus juste, plus heureuse, plus pacifique. On était dans une bulle démocratie, humaniste, paradoxalement héritée de la guerre froide et qui n'a pas résisté à sa fin[…]

Ces dernières décennies n'auraient été  qu'un long processus de déception?

 De déception ou de mutation... 68 avait t marqué une première inflexion. Au lieu d'aspirer à des lendemains qui chantent, les manifestants ont dit: «On arrête tout; on s'interroge surie présent.» La société a cessé de se projeter vers l'avenir, changement dont le «no future» des punks a donné la version sombre et tragique. Ma jeunesse a été marquée par l'idée de futurisme, sous toutes ses formes, du commissariat au plan, pour l'économie et la société, jusqu'à la science-fiction pour la littérature. Mais déjà on s'interrogeait sur la vie du militant qui sacrifie tout son présent, amoureux, sexuel, artistique, sensible, au service d'un projet à venir. Voilà ce qui s'est perdu: le Progrès, épine dorsale de l'humanisme, dont on retrouve la trace déjà chez Pascal, lorsqu'il dit que l'humanité est une succession d'hommes qui montent sur les épaules les uns des autres pour voir plus loin. Mais ce doit être moins une déception qu'une leçon : l'humanité ne se donne à elle-même ni son image ni son but. L'homme n'est pas son propre but et il n'y a pas de but: il y a de l'existence, au présent, il y a du «sens» maintenant,

Le progressisme serait donc fondé sur un malentendu?

«Démocratie», «socialisme», «communisme» comportent, chacun de façon différente, une formidable équivoque: tout en désignant des formes d'organisation, un «commun» où l'émancipation pourra s'épanouir, ils dissimulent l'opacité de l'homme» et de ce «commun» qu'ils sont supposés faim advenir. Les mots dont nous parlons ont une coloration «politique», mais ils portent plus: ils portent, irrésolue, la question de l'homme. Aujourd'hui comme hier, la politique est nécessaire, à toutes les échelles, contre les asservissements, les dominations, les tutelles et les injustices. Mais l'enjeu est aussi de savoir pour quoi et comment quel «homme» doit être émancipé -aussi bien, peut-être, de lui-même. Cet enjeu n'est pas politique, il est philosophique, métaphysique. On a rétréci la raison, il faut la rouvrir, lui redonner de l'ampleur, du souffle, de l'esprit. Adieu à l'engagement politique, alors? Non, mais à notre grande illusion (ou religion) qui a été de croire que tout était politique. Maintenant, on s'aperçoit que la machine démocratique, tout en fonctionnant à peu près, n'est pas par elle-même porteuse de l'émancipation. Tout passe par la politique, mais rien ne peut s'y accomplir. la politique est toujours «pour demain» (maintenir des équilibres, ouvrir des possibilités de négociation), mais c'est en dehors de la politique que les choses s'accomplissent, dans l'art, dans la pensée, dans l'amitié, l'amour, dans tout ce par quoi l'homme sent et ressent. A l'instant où je vous parle, il fait beau et je vois la flèche de la cathédrale de Strasbourg par la fenêtre, ici et maintenant C'est là, ça fait du sens, c'est accompli et ce n'est pas politique ni religieux.

(Entretien avec Eric Aeschimann)

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commentaires

F
Mon commentaire n'a une fois de plus rien à voir avec l'article ci dessus, et je m'en excuse d'avance ;J'aimerais connaitre votre avis sur mon point de vue ; à savoir qu'au delà de la chute du mur de Berlin, que l'on cite comme l'évènement consacrant le libéralisme sur le plan mondial avec l'effondrement de son seul opposant, le communisme, personellement, je dirais que c'est plus la 2e guerre mondiale, et l'avènement de la superpuissance américaine, qui est à l'origine de la libéralisation progressive du monde ( je dirais qu'il s'agit plus ici de libéralisme économique, mais tout est lié ).En effet, chacun connait les accords passés entre les Etats Unis et l' Angleterre, par exemple, pour libéraliser le marché anglais ( en vue de faciliter la venue de produits US ), en échange de l'aide de Washington. Politique poursuivie ensuite avec plusieurs pays ( plan Marshall ) même si moins flagrante. De plus, la diffusion du mode de vie américain, si elle a dans un 1er temps "contaminé" l'europe occidentale, est venue détruire de l'intérieur les démocraties populaires, et faire chuter progressivement l'URSS.De fait mon avis serait le suivant : la 2e guerre mondiale ouvre la voie à une libéralisation du monde, qui sera confirmée avec la chute du mur de Berlin ( qui n'est donc qu'une étape inéluctable ). Or, même si depuis le fondamentalisme religieux s'élève à la place des anciens totalitarismes face au libéralisme, celui ci est finalement le grand vainqueur de la guerre.Votre avis ( pitié de ne traitez pas de fou ) ?
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L
<br /> Il me semble que vous voyez trop les choses sous un angle économique.<br />  Je crois que notre vision du monde a changé, bien au delà de la prépondérance du modèle américain.<br />  Voyez tout ce qui a été dit ici sur le  progrès (la religion du)  et la fin de tant et tant d'illusions....<br /> Qui peut croire encore à la bonté de l'homme et à son aptitude à renoncer à la propriété privée, à mettre tout en commun, à auto-gérer la société,  présupposés de base de toute perspective<br /> communiste ou socialiste?<br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> A priori, l'auteur constate que le progrès, flambeau de la gauche, s'est éteint, s'est arrêté. Que penser du théme du Progrès alors ? Au delà d'une croyance, d'une ferme conviction que l'on peut avoir en un progrès linéaire, l'auteur nous dépeint un morne paysage, que l'envie de changement n'anime plus. Il rejoint l'idée, déjà établie par d'autres, que les « intellectuels », cette catégorie de penseurs qui aiment à « se mêler de ce qui ne les regardent pas », ont disparu. L'engagement n'est plus de mise. Pourtant, ironie des mots, il penche pour un certain existentialisme (« il n'y a pas de but: il y a de l'existence ») développé par un Sartre engagé. Cet engagement, d'ailleurs remis en cause pour son Compagnonnage dans le cadre de l'affrontement idéologique durant la Guerre Froide, résidait dans le simple fait de parler ce qui se passer, ni plus ni moins. <br /> Alors, l'adoucissement des conflits au sein des pôles politiques, le brouillage de certaines valeurs originellement de « gauche » doit être reconnu de nos jours. Peut-être le découpage arbitraire; et pourtant vague; d'une droite et d'une gauche politique tendrait à être remplacé par un autre clivage. D'ailleurs, comme il le dit, la politique ne semble plus être à même d'incarner le cadre de référence où les débats ont lieu (« c'est en dehors de la politique que les choses s'accomplissent »). La politique ne serait qu'un point de passage. Fatalisme, ou triste réalité ? Serait-il souhaitable d'établir un « retour » au politique ? <br /> L'auteur termine ses réponses sur ses mots : ce n'est pas politique ni religieux. Dés lors, peut-on faire suivre la mort de Dieu, tant décriée par le Zarathoustra de Nietzsche, une mort de la politique ( comme art, technique science... ) ?
Répondre
L
<br /> Mort de la politique, sûrement pas...<br />  D'une certaine forme de politique, oui, et du clivage traditionnel gauche/ droite, probablement!<br />  Les intellectuels n'ont pas disparu... mais l'intellectuel de gauche dogmatique  et donneur de leçon ( cf Sartre "tout anti-communiste est un chien")  est peut-être moins adulé. Il<br /> reste cependant actif -cf Badiou)<br /> <br /> <br />