Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 juillet 2017 1 24 /07 /juillet /2017 13:41

   Commandée à des fins de propagande politique par le Gouvernement des Neuf, le cycle des fresques du Palazzo Publico de Sienne, réalisé en 1339,   offre  une représentation d’une cité médiévale écartelée entre bon ( « L’allégorie du bon gouvernement « ) et mauvais gouvernement. ( « L’ Allégorie du mauvais gouvernement »). Le propos de l’auteur de ce chef d’oeuvre n’ était  pas de promouvoir un quelconque idéal démocratique - Sienne était dirigée par une oligarchie de marchands de 1287 à1355.  L’artiste  interroge dans le langage pictural qui est le sien, et en s’inspirant des codes éthico-politiques de son temps, les  normes de justice propres à apporter la  paix et la prospérité au peuple de Sienne, dans une unité véritable, et pour un temps indéfini. 
  La fresque comporte  trois  volets : « Allégorie et effets du mauvais gouvernement », « Allégorie du bon gouvernement », et « Effets du bon gouvernement à la ville et à  la campagne ». Tandis que la fresque consacrée au mauvais gouvernement évoque les dévastations de la guerre et la désolation qui procède de la tyrannie - conçue comme désordre moral et corruption généralisée- l’allégorie du bon gouvernement, illuminée par les figures radieuses de la  justice et la sagesse, nous enseigne que  les deux fondements du bon gouvernement sont la concorde et l’ équité. Les citoyens sont représentés tenant une corde dont une extrémité est retenue par une figure féminine intitulée « concordia", qui est elle-même munie également d’un rabot : autant d’indications qui suggèrent que pour jouir des bienfaits de la paix nous devons atténuer ce qui nous oppose aux autres citoyens et non accuser nos différences.  
  Le troisième volet (« Effet du bon gouvernement à la ville et à la campagne ») représente la cité fortifiée et en contrebas, le paysage rural. Le peintre  donne une image  délicate et enchantée de  la solidarité organique et de la mutuelle intégration des deux composantes d’une communauté heureuse : ville et campagne, nature et culture, univers urbain et ruralité  offrent un sentiment de continuité et même d’osmose.  L’image est celle d’une  communauté au travail,  civilisant  la nature sans la violenter, intégrant  chaque individu  dans un  tissu collectif au rythme des cycles de la vie et de l’action collective. L’ampleur panoramique de la fresque produit le sentiment enchanteur  de ce que devrait être l’ordre social heureux, à la fois  intégrateur et respectueux des individus, jouissant des bénéfices  d’un  équilibre stable parce qu’harmonieux.
   Humaniste avant l’heure, écologique, républicain et laïc,  l’artiste-philosophe nous offre une somme figurative qui rassemble tous les traits  d’une vision de la politique  irriguée par l’exigence éthique et le désir  de justice.  On pourrait dire, que d’ une  certaine manière, cette représentation poétique et joyeuse  de  sagesse politique et de politique vertueuse  est l’exacte antithèse de la représentation dominante de la politique qui est la nôtre  aujourd’hui : profondément pessimiste, désenchantée,  héritée de Machiavel  et de Hobbes,  et confortée par  tant de guerres, de destructions et de calamités au XX siècle. 
    Un tel  idéal de société heureuse  est-il caduc pour autant? L’utopie du réel de Lorenzetti est au contraire plus éloquente et instructive que jamais.  N'est-ce pas pour avoir avoir oublié que le fondement de tout bon gouvernement reste aujourd’hui, non moins  qu’au temps de Lorenzetti, la concorde et l’ équité, le respect de la nature et la quête de justice,  que certaines de nos  démocraties post-morales  se disloquent   sous l’effet conjugué du cynisme politicien,  de l’anomie,  et du relativisme  banalisé,  mutant désormais en  nihilisme éthique?

Partager cet article
Repost0

commentaires

S
Un bon gouvernement, et plus généralement un homme ou une femme politique compétent(e) doit avoir le courage de voir le réel et aussi la volonté de ne pas le dissimuler ou le minimiser.<br /> Ainsi lorsqu'en pleine campagne présidentielle a été commis (par un musulman radicalisé) le meurtre antisémite de Sarah Halimi et que TOUTE la classe politique a choisi de le passer sous silence, elle s'est définitivement rendue indigne de sa fonction. En tout état de cause ceux qui ont cherché à nier ou minimiser un tel crime ne valent pas mieux que le FN.<br /> Les principes d'équité évoqués plus haut perdent tout leur sens dès lors qu'ils ne s'accordent plus à la réalité. Celle-ci finira par rattraper ceux qui croyaient pouvoir l'ignorer.
Répondre
L
D'accord, Sylvain..
J
La question ne serait elle pas de se demander ; Comment se fait-il que le cynisme politicien et tout ce qu'il peut entrainer comme comportements malsains ,finissent ils toujours par l'emporter sur les nobles idéaux que les hommes politiques prétendent vouloir incarner le plus humblement et honnêtement possible ? Le pouvoir ,l"argent ,la gloire , la notoriété etc ... , sont parmi les substituts compensateurs artificiels procurant à l'Homme les émotions et sensations lui permettant de se sentir puissant et supérieur . <br /> Un bon gouvernement nécessiterait des personnes n'éprouvant pas ce besoin d'avoir recours à de tels substituts ,capables donc de résister à certaines tentations . Et il faudrait également faire en sorte que ces tentations n'existent pas, en supprimant certaines pratiques ,certains usages traditionnels .
Répondre