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24 janvier 2016 7 24 /01 /janvier /2016 16:23

( A propos de Daech, Kamel Daoud écrit: « tout converge vers un suicide de masse »)

 

« Il est nécessaire de naviguer, il n’est pas nécessaire de vivre »

 

 

Sur le penchant suicidaire de certains peuples, voire sur le défaut de fabrication de Homo sapiens lui-même, je voudrais rappeler ici quelques textes clés, tout d’abord celui de Freud concernant « la perturbation du rapport à la mort » chez les peuples civilisés :

 

« Le citoyen du monde civilisé, dont nous avons parlé plus haut, peut se trouver désemparé dans un monde qui lui devenu étranger – sa grande patrie en ruine, les biens communs dévastés, les concitoyens divisés et avilis ! » ( p.15)

 

« La tendance à exclure la mort des comptes de la vie a pour conséquence bien d’autres renoncements et exclusions… La vie s’appauvrit, elle perd de son intérêt, dès l’ instant où dans les jeux de la vie il n’est plus possible de risquer la mise suprême, c’est-à-dire la vie elle-même. Elle est aussi insipide, aussi vide qu'un flirt américain dans lequel il est établi d’emblée qu’il ne se passera rien, à la différence d’une relation amoureuse continentale dont les graves conséquences doivent toujours être présentes à l’esprit des deux partenaires ».

 

« Il est évident que la guerre balaie nécessairement cette manière conventionnelle de traiter la mort. La mort ne se laisse plus dénier

; on est forcé de croire en elle ».

« La vie certes est redevenue intéressante, elle a retrouvé tout son contenu »(pp 28-29)

 

La devise de la Hanse (Corporation du nord de l’Europe XIVe siècle) était: « Il est nécessaire de naviguer, il n’est pas nécessaire de vivre » (p. 28)

 

« Ne devons-nous pas convenir qu’avec notre attitude civilisée à l’égard de la mort nous avons, une fois encore, vécu psychologiquement au-dessus de nos moyens et ne devons-nous pas faire demi-tour et confesser la vérité ? » (p 40).

 

« Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort »,

Freud, 1915, Editions Payot, Essais de psychanalyse.

 

Arthur Kessler

La pulsion de l’autodestruction, L’Herne, 1995

 

( « L’évolution a commis innombrables erreurs »)..

« Il n’est pas du tout invraisemblable que l’Homo sapiens, lui aussi, soit la victime d’une minuscule erreur de construction – peut-être dans les circuits de son système nerveux – qui le rend enclin à la folie et le pousse à s’autodétruire » .

 

« La confusion populaire entre le traitement prédateur et le comportement belliqueux tend à masquer le fait que la loi de la jungle permet la prédation sur d’autres espèces, mais interdit la guerre à l’intérieur de sa propre espèce ; et que l’Homo sapiens est le seul contrevenant à cette loi (excepté quelques phénomènes apparentés, et controversés chez les rats et les fourmis). p.14

 

 

 

Hans Magnus Enzensberger

Le perdant radical. Essai sur les hommes de la terreur, 2006

« L’humanité ne semble jamais avoir envisagé que sa propre existence devait être considérée comme son bien le plus cher. Toutes les religions premières accordaient de la valeur aux sacrifices humains ; plus tard, ce sont les martyrs qu’on vénérait. (Selon la maxime implacable de Blaise Pascal, il ne faut « croire que les témoins qui sont prêts à se faire égorger »). Dans la plupart des cultures, c’est par leur mépris de la mort que les héros s’assuraient la gloire et l’honneur.

Manifestement l'instinct de conservation n'est donc pas chose aussi assurée. Il suffit de songer ici à la prédilection remarquable, constante à travers les cultures et les époques, qu’a notre espèce pour le suicide.

Or que se passe-t-il lorsque le perdant radical surmonte son isolement, lorsqu’il s’allie à ses semblables, trouvant refuge dans un cercle de perdants, dont il n’attend pas seulement qu’ils comprennent, mais aussi qu’ils lui témoignent son respect – un collectif de gens qui lui ressemblent, qui l’ accueillent chaleureusement, qui ont besoin de lui ?

C'est alors que se décuple l’énergie destructrice dont il est porteur, lui faisant perdre ses derniers scrupules ; un mélange de pulsion de mort et de mégalomanie s’opère, et à son impuissance vient se substituer un sentiment de toute-puissance aux conséquences catastrophiques. » Gallimard 2006 pages 24.

 

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