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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 21:18
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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 13:01

 «    « Notre affection doit élire  un homme bon et le tenir toujours sous nos yeux  afin que nous vivions comme s’il nous regardait  et que nous agissions en toute chose comme s'il nous voyait »

 Ce précepte, mon cher Lucilius, c'est Epicure qui l'a énoncé ; il nous a donné un gardien et un pédagogue, et ce n'est pas sans raison : on supprime une grande partie des fautes s'il se trouve un témoin auprès de ceux qui vont les commettre. Que l'âme ait quelqu'un qu'elle respecte, dont l'autorité lui serve à rendre plus sacré jusqu'à sa vie secrète. Heureux celui dont non seulement la présence mais encore la pensée nous amende ! Heureux celui qui peut respecter quelqu'un de telle sorte qu'il se mette en ordre et s'arrange à son seul souvenir ! Qui peut respecter quelqu'un de la sorte se rendra vite respectable.

 Choisis donc Caton ; s'il te semble trop rigide, choisis Lélius  (1, personnage à l'âme plus détendue. Choisis celui dont te plaît la vie comme le langage, et jusqu'à la physionomie qui reflète son âme ; montre-le-toi toujours soit comme gardien soit comme exemple. Nous avons besoin, je le répète, de quelqu'un auquel nos moeurs s'ajustent elles-mêmes : tu ne corrigeras ce qui est tordu qu'à la règle. ».  Sénèque, Lettres à Lucilius

  Note 1 Caton et Lélius sont de célèbres sages romains  loués pour leur sagesse pleine de modération

 

 

 

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25 septembre 2010 6 25 /09 /septembre /2010 10:47

Voici le compte rendu d'un livre que j'ai  rédigé il y a un an, mais qui vous a peut-être échappé:

 

Kant et le chimpanzé

Essai sur l’être humain, la morale et l’art

Georges Chapouthier, Belin, 2009-10-18

 

 Que de chemin parcouru ! Pendant des décennies, nous avons  enseigné à nos élèves qu’un abîme séparait l’homme des autres bêtes. Descartes avait établi, d’une manière qui  nous semblait irréfutable, que « seul l’homme pense » car il est le seul à posséder un langage articulé. Kant nous avait ensuite expliqué que l’être pensant est le seul qui est capable de surmonter sa propre nature et de se donner à lui-même la loi qu’il doit suivre. L’autonomie du sujet moral est, selon Kant, le fondement de sa dignité. En nous réclamant de Hegel, Sartre ou Lévi-Strauss, nous avons également enseigné que la culture – cette aptitude à inventer les formes symboliques sur lesquelles repose notre existence sociale -  était un mur infranchissable qui protégeait l’humanité de toute contamination par ses origines animales.

 Cette page est désormais tournée. Nous devons assumer, pour reprendre la célèbre admonestation freudienne, une quatrième « blessure narcissique » (après celle que nous ont infligés Copernic, Darwin et Freud). Ce nouveau coup porté est le fait d’une conjuration qui réunit éthologues et philosophes (Elisabeth de Fontenay, par exemple, pour son ouvrage Le silence des bêtes, 1998). A la fois biologiste et philosophe, Georges Chapouthier, dans un petit essai destabilisant, montre que nous sommes encore beaucoup plus proches des primates que ne le pensaient Darwin et Freud. La démonstration est implacable : l’homme est un animal, l’animal possède (lui aussi) une culture, la « différence » de l’homme, qui n’est pas seulement un animal, doit être pensée essentiellement en termes de « responsabilité ».
 « L’homme est d’abord un animal. Tous les résultats de la biologie démontrent que les mécanismes génétiques, biochimiques, ou physiologiques qui gouvernent nos corps sont voisins de ceux qui gouvernent  les corps des autres êtres vivants, et particulièrement de ceux qui nous ressemblent le plus, mammifères et notamment les singes » (p 29).  Non seulement hommes et chimpanzés partagent près de 99 % de leurs gènes, mais encore, sur le plan de la pensée, le modèle des « structures en mosaïque » nous oblige à admettre qu’il existe une continuité entre l’intelligence animale et celle de l’homme. La mémoire, la conscience, le langage existent en effet chez les animaux supérieurs, quoique sous des formes rudimentaires. Elles s’emboîtent et se superposent dans le cas de l’intelligence humaine. Il existe donc une hiérarchie de consciences, ainsi qu’une grande diversité d’aptitudes mnésiques et linguistiques, de telle sorte que ni la conscience ni la mémoire ni le langage ne peuvent être plus tenus pour les propres de l’homme. 

 Si l’être humain possède une aptitude extrêmement développée à la pensée symbolique, les éthologues nous apprennent toutefois que les comportements « culturels » ne sont pas davantage une particularité de  l’homme. Les animaux, contrairement aux idées reçues, sont parfois très inventifs en ce qui concerne les « médiations de l’action » (outils et « protolangages »). Dans un long chapitre, Georges Chapouthier nous raconte  par exemple comment certains oiseaux fabriquent des tampons avec lesquels ils colorient leur plumage, à la manière dont un homme se pare en vue d’une fête, tandis que certains animaux sont capables d’utiliser des symboles arbitraires et abstraits qui témoigne de l’ébauche d’une « pensée symbolique ». On sait aujourd’hui que le perroquet est capable de « tâches conceptuelles », à cet égard il est aussi intelligent que les grands singes ou les dauphins (Irène Pepperberg). En outre, on admet aussi que la « théorie de l’esprit », (aptitude à deviner ce que l’autre pense) n’est pas l’apanage de l’homme, et que les animaux sont capables de tricher (la tricherie est une variante du mensonge) comme ces femelles chimpanzés qui copulent en cachette et en silence pour ne pas éveiller les soupçons de leur « conjoint ».

 Plus surprenant sont les observations concernant le « sens moral » des animaux («  l’altruisme n’est pas réservé à notre espèce »).Contrairement à ce que soutenait Lévi-Strauss, l’interdit de l’inceste que l’on trouve chez  l’essentiel des primates, n’est « en rien une règle spécifique de l’espèce humaine » (p. 55). De façon générale, les animaux n’ignorent pas la contradiction entre intérêts individuels et intérêts collectifs » et peuvent adopter des stratégies d’ « ordre moral », tels que des comportements de réconciliation, ou encore d’apaisement, qui s’apparentent à ce que nous nommons le « pardon ».

Enfin l’auteur consacre des pages étonnantes  aux « choix éthiques » des animaux, nous conduisant à considérer que nos activités esthétiques comportent une base biologique et naturelle. Les animaux aussi dansent, chantent, et honorent à leur manière l’exubérance vitale et la profusion des formes et des qualités sensibles. Or, l’esthétique, comme l’avait bien vu Kant, quoique dans une perspective opposée, constitue un chemin vers la morale (« Le beau est le symbole du bien »).

 Si ni le goût pour la beauté, ni le sens moral ne sont l’apanage de l’homme, les animaux, on veut bien le reconnaître, ne sont pas des « philosophes moraux » (Franz de Waal. Le bon singe ; les bases naturelles de la morale). Le dernier chapitre de l’ouvrage (« Epilogue ») montre que si l’être humain constitue une synthèse réussie entre la nature (base de notre altruisme tout relatif) et la culture (qui dicte l’essentiel de nos comportements esthétiques et sociaux), il est aussi le seul agent du mal/ Le « mal » évoqué ici n’est pas seulement relatif (comme l’agressivité naturelle de l’animal) mais absolu. Ses ressorts ne sont pas seulement politiques (dans le cas du génocide) mais aussi métaphysiques. Dans un passage consacré aux « fleurs empoisonnées de la culture », l’auteur évoque la cruauté gratuite de certaines pratiques à l’égard des animaux qui témoignent des penchants à la fois inhumains et à proprement parler « contre-nature » de l’ « animal savant » (l’homme).

 S’ils ne sont pas doués de ce puissant cerveau qui nous a permis de mettre au point, entre autres, la bombe atomique, les animaux ont pourtant droit sinon à notre respect, en tout cas à notre sollicitude. « Seule une éthique fondée dans l’ampleur de l’être » (Hans Jonas) peut nous amener aujourd’hui à tourner la page kantienne de notre suffisance devenue irresponsable et même suicidaire.

 

Laurence Hansen-Love

 

 

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8 septembre 2010 3 08 /09 /septembre /2010 16:52

C'est le débat du Monde d'aujourdhui.
A mon avis il ne va pas remplacer mais compléter.
En ce qui concerne la philosophie:

 Hatier prépare la version numérique de Philo de A à Z.

 Par ailleurs, moi-même je suis passée au numérique. 

 J'écris désormais mes livres directement mes livres sur Internet; Pour de slivres de cet ordre (utilitaires) les avantages sont innombrables (rapidité, accès facile etc..)
 J'aimerais avoir votre avis sur le sujet;..

lewebpédagogique, Boutique http://lewebpedagogique.com/boutique/

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15 juillet 2010 4 15 /07 /juillet /2010 12:47

Vous lirez l'excellentemise au point de mes deux collègues, F. Pépin et Nicolas Franck, ainsi que la réponse aujourd'hui de Emmanuel Davidenkoff dans Libé

 (je suis presque entièrement d'accord avec l'analyse de mes deux collègues.

Je pense que la dissertation est un exercice intelligent et original, qui ne doit pas être remis en cause, et qui peut très bien être noté avec un maximum d'impartialité,  comme je l 'avais dit à l'Etudiant et ici même)

 Juste une remarque: pour ma part, je n'ai pas constaté une dégradation des conditions de correction. Il est vrai que les délais sont de plus en plus courts. Mais j'ai eu au moins pendant vingt ans environ 200 copies, et maintenant nous en avons en général une centaine, à corriger en 10-12 jours, ce qui fait une dizaine par jours, c' est tout de même modéré!)

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2 juillet 2010 5 02 /07 /juillet /2010 08:19

Bibliographie ETE Terminales 2010

 

Premiers ouvrages de philosophie (pour les plus motivés) :

Apologie de Socrate Platon G.F.
Lettre à Ménécée Epicure Classiques Hatier

Manuel Epictète Classiques Hatier

 

 On encore, initiation  (au choix) :

La philo en dix leçons  Laurence Hansen-Love (en vente sur Internet http://lewebpedagogique.com/bac/la-philo-en-10-lecons/  )

La philosophie expliquée à ma fille Roger-Pol  Droit  Seuil

Qu’est-ce que comprendre un philosophe ?   F. Alquié Editions La table ronde

 

 Oeuvres diverses,   introduisant à la philosophie, suivant les grands  thèmes du programme, et en fonction de  vos propres intérêts :

 

LE SUJET :

Sigmund Freud, Introduction à la  psychanalyse, Payot

  (Sur Freud) : Sigmund Freud Editions Découvertes, Gallimard.

 Ou : Freud par lui-même Folio

Sartre La nausée Folio

Sartre Huis clos Folio

Shakespeare  Othello, Macbeth Poche

Stendhal De l’amour    Flammarion

Proust Un amour de Swan Folio

Dostoïevski Les frères Karamazov   Poche

Camus L’étranger Gallimard

Balzac   Mémoire de deux jeunes filles rangées  Gallimard

 

LA CULTURE

Sartre Les mots Gallimard

Lucien Malson Les enfants sauvages,  10/18

Lévi-Strauss Race et histoire,  Editions Gonthier, Médiations.

Freud L’avenir d’une illusion, P.U.F.

Freud Malaise dans la culture, P.U.F.

Russell Eloge de l’oisiveté  Editions Allia

Balzac Le chef d’oeuvre inconnu G.F. n° 365

Kandinsky Du spirituel en art  Gallimard

Freud Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci    Gallimard

 

 

LA RAISON ET LE REEL

Russell Science et religion Folio

Albert Jacquart  Eloge de la différence et Moi et les autres Points Poche

Ionesco La leçon  Gallimard

JP Maury Comment la terre devint ronde  Gallimard-Découverte

Jean Tardieu La comédie du langage : un mot pour un autre Folio

 

LA POLITIQUE

  Georges Orwell  1984, Penguin Books  et La ferme des animaux Gallimard

Huxley Le meilleur des mondes Pocket

 

LA MORALE

Primo Levi  Si c’est un homme  Pocket

Sophocle    Antigone      Flammarion

Georges Steiner Dans le château de barbe bleue Gallimard Poche

Sartre Les mains sales, Gallimard,  et Les mouches, Breal

Sartre L’existentialisme est un humanisme   Nagel Gallimard

Balzac La peau de chagrin Poche

Dostoïevski Crime et châtiment Poche

 

 

 

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23 juin 2010 3 23 /06 /juin /2010 19:29

 

 

Vaut-il mieux changer nos désirs plutôt que l’ordre du monde ?

 

 

 

 

 

 La notion de « désir »  renvoie  explicitement  à un premier volet  du programme (« le sujet ») ; mais  l’interrogation est ici  d’ordre moral, puisqu’il s’agit de savoir dans quelle mesure   nous avons le pouvoir,  ou encore la capacité, de contribuer à notre propre bonheur. Vaut-il mieux  tenter de transformer  l’ « ordre du monde », ou bien devons-nous au contraire nous efforcer d’infléchir nos désirs   afin de les rendre compatibles avec la réalité ? Cette problématique, qui met donc en jeu les notions de « liberté » de  « devoir » et de « bonheur », est plus  « éthique » que morale. L’ « éthique » est la partie de la philosophie  qui examine    les conditions d’une « vie bonne », c’est-à-dire accomplie et heureuse, tandis que la « morale » est centrée  sur  la question du devoir (« Que dois-je faire dès lors que  j’ai le souci de bien faire ? »).

  Comment doit-on se comporter  pour être heureux ? Le  bon sens répondra que  le bonheur ne dépend pas de notre  volonté mais de circonstances telles que la naissance, les aptitudes, les talents, la condition physique et l’environnement naturel et social. Et l’étymologie du mot « bonheur » conforte ce point de vue,  puisque le « bonheur », au départ,  c’est   beaucoup  de  « chance » (« bonheur » est dérivé  du latin augurium, augure, chance). Mais la philosophie, dès ses origines, nous tient un tout autre langage, et il est possible de montrer  que, aussi  paradoxal que cela  puisse paraître, ce point  de vue ne manque pas  de fondement. La formule :  « mieux vaut changer mes désirs que l’ordre du monde », inspirée de la doctrine stoïcienne, est empruntée  au Discours de la méthode (3 ième partie). Elle constitue la troisième maxime d’une « morale provisoire » que Descartes adopte en attendant d’avoir découvert la vérité, car il faut bien vivre  (« je ne laissasse pas de vivre ») pendant que l’intelligence est absorbée par des spéculations complexes qui peuvent occuper l’esprit pendant plusieurs années.

  Le problème que se pose Descartes, dans le cadre qu’une « morale »   qu’il avoue  incertaine  - puisqu’une éthique  pleinement rationnelle impliquerait un système philosophique achevé  - est de savoir comment être aussi heureux que possible dans des conditions qu’il n’a pas choisies et qu’il n’entend pas non plus bousculer ni même tenter d’aménager. Il se propose donc trois maximes  qui doivent lui apporter  la sérénité exigée par  la poursuite de son travail personnel. La première maxime,  dite parfois  « conformiste »,  prescrit de s’adapter aux coutumes de son pays, avec prudence et modération toutefois. La seconde recommande de « marcher droit », autant que  possible. La troisième enfin, celle  qui nous occupe ici, est  formulée ainsi : «  Ma troisième était de tâcher toujours de me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde, et plus généralement, de m’accoutumer de croire qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées, en sorte qu’après que nous avons fait de notre mieux, touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous, absolument impossible ». La perspective de Descartes  est très voisine de celle des anciens philosophes qui recommandaient de renoncer à certains de nos désirs afin de nous assurer  le plus de chances possibles de trouver la sagesse et de parvenir au   bonheur. Elle s’en distingue toutefois par sa souplesse et sa  subtilité. Descartes en effet considère  que l’on doit   « faire de son mieux »  touchant « les choses qui nous sont extérieures », ce qui signifie, par exemple,  que l’on ne se soumettra pas  avec fatalisme ni indifférence  à  un ordre social inacceptable. D’autre part, le philosophe  laisse implicitement à chacun le loisir d’apprécier ce qui relève à ses yeux  d’impératifs vitaux et ce qui peut être tenu pour  superflu. La recherche de la vérité et la tranquillité d’esprit que cette recherche impose sont pour Descartes cet impératif non négociable. Mais il appartient évidemment à chacun  de décider quelles sont pour lui les seules   priorités vitales, c’est-à-dire les objectifs de l’existence  à propos desquels nous ne pouvons pas  transiger. Ces objectifs  ne sont  pas les mêmes pour tous, et personne n’est obligé d’aller s’enfermer dans  un « poêle » (petite pièce chauffée où Descartes s’est retiré pendant plusieurs mois) pour méditer et fonder une science universelle. A ceci près,  les conseils de Descartes méritent d’être examinés  et convenablement appréciés, car ils sont encore très pertinents, et même peut-être  plus que jamais.

 Descartes adopte  l’idée  ancienne suivant laquelle  le bonheur  est  « l’accord entre nos désirs et l’ordre du monde ».  L’ « ordre du monde », expression très vague à nos yeux, renvoie pour les classiques  à « tout ce qui ne dépend pas de nous » c’est-à-dire tout ce qui relève de la nature extérieure  (le climat par exemple, y compris  les intempéries), de l’ordre social et économique (le système dans lequel le hasard nous a fait naître) mais aussi de notre condition physique (beauté, santé etc… ). Quant à nos « désirs », qu’il ne faut surtout pas confondre avec des « besoins », ils nous appartiennent en propres dans la mesure où ils nous différencient - nous n’avons pas tous les mêmes désirs. D’autre part,  ils dépendent  de nos jugements puisque n’importe quelle chose jugée désirable un jour peut être indifférente ou honnie  le lendemain comme en témoigne  notre  humeur si souvent capricieuse. La distinction entre nos besoins, soit physiques, soit moraux, tels que le besoin de reconnaissance ou de respect, et nos désirs, aléatoires et fluctuants, est  absolument décisive pour comprendre le raisonnement de Descartes. Nous devons évidemment honorer  nos « besoins »,  nos aspirations vitales et fondamentales, pour être heureux. Mais la satisfaction de tous nos désirs, en revanche,  ne peut pas être considérée comme une condition sine qua non du bonheur, pour la simple raison que nous ne savons pas, en règle générale,  ce que nous désirons vraiment. La preuve en est apportée  par le fait que  lorsque nous atteignons un objectif ardemment désiré – une récompense, une gratification, une somme d’argent, un diplôme, une marque d’amour – nous sommes très souvent  à la fois contents  et vaguement  déçus. Pourquoi en est-il ainsi ? Platon fut l’un des premiers à mettre à jour  le mécanisme paradoxal du désir.

 « Ce que l’on n’a pas, ce que l’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour », comme  Socrate  l’explique à son interlocuteur Agathon dans le Banquet (200 c).  On ne peut désirer ce que l’on possède, car puisqu’on le possède, on ne saurait le convoiter. On ne désire que ce que l’on n’a pas et l’on voudrait  posséder toujours ce dont on dispose aujourd’hui, comme la sécurité  ou la santé, par exemple. Le désir se porte donc par nature sur ce sur quoi on n’a pas de prise, et, pire encore,  nous avons    tendance à ne trouver   attrayant que ce qui est difficilement accessible.    La nature du désir  nous condamne donc aux  travaux forcés, puisque la satiété est hors de portée. L’ «  homme de  désir »  est   comparé par Socrate dans le Gorgias à ces malheureuses Danaïdes  qui remplissent jusqu’à la fin des temps des tonneaux percés. Nous sommes tous plus ou moins l’un  de ces condamnés à perpétuité, puisque lorsque  que nous obtenons ce dont nous rêvions, notre « appétit » se reporte aussitôt sur un autre objet. Nous voulions une cigarette, il nous  faut désormais  une cartouche, nous voulions un salaire, il nous maintenant des  rentes, nous voulions un toit et un lit, il nous faudra  demain  des draps de soie et des  jets privés. Le désir est synonyme de démesure et c’est la raison pour laquelle Socrate explique au bouillant  Calliclès, dans le Gorgias ( 494 a),  qu’un « tonneau percé » ne sera jamais  heureux. La clef du bonheur doit se trouver au contraire dans l’auto-limitation volontaire de nos désirs.

   Les deux  plus célèbres écoles philosophiques de l’antiquité, celles des matérialistes  et celle des stoïciens,  recommandent  de réfréner nos désirs et surtout de proscrire les plus toxiques d’entre eux.  Pour Epicure (341-270) puis pour Lucrèce (98-55 av JC),  il est impératif de préserver  les désirs naturels et nécessaires (tels que l’alimentation ou le sommeil) ou simplement naturels (qui contribuent à la santé du corps ou de l’âme), tout en renonçant sagement  à   tous les plaisirs « vains » car « ce qui est naturel s’acquiert aisément, malaisément ce qui ne l’est pas ».  Aussi, comme  nous le rappelle instamment  Epicure, même « si tout plaisir est en tant que tel un bien », « il ne faut pas rechercher tout plaisir » (Lettre à Ménécée, § 11). Car c’est un grand bien de « pouvoir se suffire à soi-même ». La  sagesse est une  prudence qui nous  met à l’abri de la plupart des coups du sort.  Le philosophe épicurien  comprend  qu’une vie de plaisirs ne se trouve pas dans « d’incessants banquets et fêtes » mais dans le « raisonnement vigilant » qui délaisse l’opinion et prévient le désordre de l’âme : «  Si la hantise des soucis ne cède ni au bruit des armes, ni aux cruels javelots, s'ils tourmentent avec audace rois et puissants du monde, s'ils ne respectent ni l'éclat de l'or, ni la glorieuse    splendeur de la pourpre, comment douter que la raison ait seule le pouvoir de les chasser, d'autant plus surtout que notre vie se débat dans les ténèbres ? »(De  la nature, II,  Lucrèce).

   Mais c’est à Epictète que Descartes   emprunte le raisonnement qui suit l’exposé  de la  troisième maxime de la « morale provisoire ». Parmi toutes les choses que nous pouvons désirer, affirmait  Epictète (50-130 ap J.C.),  certaines dépendent de nous,  d’autres non. Nos pensées, nos jugements, et par conséquent nos désirs, dépendent de nous, tout le reste est - au moins partiellement -  indépendant de notre volonté. Pour être heureux, nous devons nous efforcer de ne vouloir  que ce qui est à notre portée, et, parallèlement, nous devons   renoncer  à tout ce qui est  dépend du destin ou du hasard, comme l’argent, les honneurs, la réussite sociale, mais aussi la beauté ou la santé. Descartes reprend à son compte un tel  partage des « biens » (tout les ingrédients possibles du bonheur), pour soutenir que nous ne devons désirer que qui ne peut pas  nous échapper : « ceci me semble suffisant, écrit-il, pour m’empêcher de rien désirer à l’avenir que je n’acquisse, et ainsi pour me rendre content ».

  Fort bien dira-t-on,  mais où trouverons-nous l’énergie et le courage d’abandonner la poursuite de  ce qui nous tient à cœur, comme  l’amour d’un être cher  par exemple, la santé, surtout  lorsqu’elle nous fait défaut, ou le succès lorsque que nous nous fixons tel ou tel objectif, comme des études ou la réussite professionnelle? La réponse de Descartes est double: nous devons « faire de notre mieux » pour ce qui dépend effectivement de notre bonne volonté. Mais pour tout  le reste, à savoir ce qui est indépendant de notre volonté et que Descartes nomme  « dons de fortune », nous devons le tenir aussi inaccessible et donc indifférent qu’un objectif parfaitement   absurde. Personne  ne souhaite  devenir « empereur de Chine » ou  ni acquérir  un « corps en diamant ». Renonçons également  à devenir   riche, immortel  ou invulnérable. Ainsi nous nous suffirons à nous-mêmes et ne risquerons pas d’être  anéantis par le destin. Descartes reconnaît qu’une telle discipline mentale est extrêmement  exigeante. Mais elle est imparable  et    nous permet même de  rivaliser de félicité avec les Dieux. Les stoïciens se vantaient d’être aussi impassibles et joyeux, même au sein de  la misère ou de  l’esclavage, que les divinités qu’épargnent   les angoisses des mortels.

 Ce parti pris   « stoïque » (une personne « stoïque »   renonce  à la plupart des plaisirs pour éviter tout trouble potentiel),  ici assumé à titre provisoire par Descartes,  appelle des objections aussi fortes qu évidentes.  Dans le Gorgias, déjà, le jeune interlocuteur de Socrate, Calliclès,   a soutenu qu’il préférait être « troué comme une passoire » et  « laisser filer  plaisir » en permanence, plutôt qu’ être un « tonneau plein »  dont la vie serait  à peu près aussi palpitante que celle d’un légume ou d’un caillou ! D’autre part, une ample  tradition philosophique,  qui, de Spinoza à Hegel ou Freud,  voit dans le désir « l’essence de l’homme », peut également être opposée à l’approche  cartésienne. Nul ne peut contester que le désir est, avec  la conscience et la raison,  ce qui nous distingue des bêtes, et s’il est sans doute  raisonnable de restreindre individuellement nos ambitions afin de ne pas trop nous exposer à toutes sortes de frustrations, en revanche l’humanité dans son ensemble serait  restée à l’état sauvage si elle avait suivi à la lettre les conseils de Epictète et de Descartes sur ce point. Dans cet ordre d’idées, on sait  que  Voltaire s’est moqué de Rousseau qui, selon lui, ne rêvait que de « retourner vivre à quatre pattes dans les bois avec les ours », puisqu’il réprouvait  le luxe et, de façon générale, tout le superflu  que la civilisation nous apporte, tels que les chaussures  par exemple, ou  un cadre de vie trop douillet.  Du point de vue de Rousseau,  ces commodités  ne nous rendent pas heureux, mais « débiles » (physiquement) et vulnérables. Mais il faut reconnaître, avec Voltaire, que si tous les hommes avaient été dès l’origine  épicuriens ou stoïciens, nous  n’aurions aujourd’hui ni la médecine, ni la météorologie, ni la science, ni l’industrie, ni  les automobiles ni… la bombe atomique. (Il est alors possible   de poser cette question iconoclaste : et alors ? Rousseau oserait  répondre que nous ne nous en porterions pas plus mal !).

  Nul ne peut ignorer aujourd’hui ce que nous devons au « progrès »,  c’est-à-dire aux innovations scientifiques et techniques qui permettent à certains habitants de la planète de pouvoir prétendre à une espérance de vie de plus de 80 ans. Personne  n’ira prétendre, toutefois,  que le monde a  atteint un degré d’organisation et de rationalité tel  que nous pouvons désormais nous reposer sur nos lauriers. Nous désirons encore et toujours, et à bon droit,  améliorer nos conditions de vie en général – aspect décisif de l’ « ordre du monde » - en continuant de soutenir les progrès des sciences et de la médecine ; nous continuons  de  lutter contre la souffrance et la misère et cherchons à  prévenir le plus possible  les aléas de l’existence. Nous voulons  aussi instaurer un monde moins injuste, une société pacifiée, afin de  nous libérer de l’oppression et des formes de travail les plus aliénantes. Nous  sommes donc de moins en moins  « stoïciens », et  nous associons à ces doctrines jugées   « fatalistes » une idée  de résignation qui nous révulse désormais. Car les anciens étaient fondamentalement  respectueux d’un « ordre du monde » qu’ils jugeaient équilibré et harmonieux, malgré les immenses disparités sociales. Ce point de vue n’est plus le nôtre. Cela signifie-t-il que les recommandations de Descartes n’ont plus de pertinence, ou qu’elles ne nous concernent plus ? Les récents développement de  l’actualité internationale, et les inquiétudes  que les crises écologiques et économiques actuelles suscitent appellent à considérer aujourd’hui ce que l’on continue de nommer  le « progrès » avec une perplexité croissante. Devons-nous toujours aller de l’avant ? N’est-il pas grand temps de relire Epicure, Epictète  ou Lucrèce ?

 

 «  Comment ne pas entendre le cri de .la nature, qui ne réclame rien d'autre qu'un corps exempt de douleur, un esprit heureux, libre d'inquiétude et

 de crainte ? » s’étonne  Lucrèce dans De la nature. Plutôt que de continuer à vouloir « changer l’ordre du monde » à toute force en rompant inconsidérément les équilibres naturels  et en engageant des processus dont ne maîtrisons plus du tout les aboutissants,  ne faudrait-il pas mieux en effet  prêter à nouveau attention  au «  cri de la nature » qui nous suggère par exemple d’essayer de réfréner  notre appétit  de consommation et  de ménager  les ressources limitées de notre fragile planète ?  Il n’est pas certain que nous puissions encore maîtriser  une évolution techno-scientifique  dont les acteurs sont partout, donc  nulle part. Un désir sans sujet  semble commander  les orientations de la société mondiale.  Qui veut  aujourd’hui la déforestation de régions entières, l’épuisement des sols et des sous-sols, la destruction irréversible  de nombreuses espèces vivantes, le réchauffement de la planète ? Personne en particulier, ou  peut-être quelques individus cyniques qui ne veulent pas céder sur  leurs appétits frénétiques de pouvoir et de richesse. Le simple citoyen peut néanmoins se demander ce qu’il peut faire,  pour lui-même, mais aussi pour tous, puisque notre responsabilité engage, comme nous le dit très fermement Sartre, l’humanité tout entière : « En choisissant pour moi, je choisis pour tous » écrit-il dans L’existentialisme est un humanisme.

  En choisissant de « changer mes désirs »,  je peux en effet contribuer à changer l’ordre du monde. Le philosophe Kant ne dit pas autre chose lorsqu’il pose le fameux principe : « Agis toujours de telle sorte que tu puisse ériger la maxime de ton action en loi universelle de la nature » ou encore «  il faut traiter l’humanité, en soi comme en autrui, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un mayen » (Fondement de la métaphysique des mœurs). Selon Kant, il faut toujours se demander, lorsque l’on agit, si l’humanité se porterait bien, autrement dit si nous vivrions tous en bonne harmonie dans l’hypothèse où chacun d’entre nous se soumettrait  effectivement  à la règle que nous adoptons. Si la réponse est positive, cette règle est morale. Mais pour agir  moralement,  c’est-à-dire en prenant en considération non pas nos seuls intérêts immédiats, mais aussi ceux de la communauté à laquelle nous appartenons, voire les intérêts de l’humanité tout entière, nous devons renoncer à certains de nos désirs au profit d’objectifs plus  désintéressés. Ainsi, en agissant comme nous pensons que toute personne soucieuse de l’intérêt général devrait le faire, nous contribuons, à notre échelle, à instaurer un monde plus habitable, plus juste, moins violent. C’est ce que nous suggèrent aujourd’hui les penseurs  écologistes comme Edgar Morin par exemple ou le philosophe allemand Hans Jonas (1903-1993). Si nous voulons, sinon «  changer l’ordre du  monde », du moins essayer de préserver ce qui peut l’être encore afin de le transmettre aux générations à venir, nous devons tout d’abord changer nos propres désirs.

 « Changer ses désirs » ne signifie pas  renoncer à toute vie sociale pour   retourner dans les bois  se nourrir de glands et marcher nu-pieds. « Changer » nos aspirations  peut signifier aussi les « adapter », les « détourner », les  « modérer » bien sûr, mais  aussi les « sublimer ». Ne pas désirer l’impossible est raisonnable dit Descartes.  Mais désirer ce qui est possible l’est aussi. Or il se trouve que  les limites du possible ont été sans cesse repoussées depuis l’antiquité  grâce à de nombreux  changements de l’ « ordre du monde » (l’ordre social et politique notamment)  qui ont été voulus et réalisés par les savants et les hommes d’action  qui nous ont précédés sur cette planète. Aujourd’hui  les plaisirs de l’esprit (lecture, accès diversifiés  à la culture)  sont accessibles aux plus chanceux d’entre nous, la protection sociale et les  institutions démocratiques, dans les Etats de droit, nous garantissent  certains de nos droits fondamentaux. Or, en continuant à gérer   l’ « ordre du monde » conformément à la volonté générale en vue de  plus de justice, plus de protection sociale etc…  nous posons de nouvelles exigences,  modifiant  ainsi notre cadre de vie   et nos orientations collectives. La  lutte pour l’instauration des droits de l’homme, pour l’émancipation des femmes  ou  l’abolition  de la peine de mort par exemple,  ont certainement eu pour conséquence un adoucissement des mœurs et un recul de  notre sauvagerie naturelle, au moins dans les pays concernés. En modifiant l’ « ordre du monde », nous nous humanisons davantage et nous spiritualisons  nos désirs comme les anciens nous l’ont  recommandé et comme Freud l’a préconisé  lui aussi à sa manière. Dans la création artistique, et dans toute autre activités apparentée (jeux de société, sport etc…), nous ne renonçons pas totalement à la part prohibée de notre sexualité, mais nous   lui trouvons des dérivatifs acceptables,  socialement valorisés. La psychanalyse nous montre elle aussi la voie  non pas du  renoncement, mais de l’autonomie et de la maîtrise de soi.

 En conclusion, nous remarquons que la question posée suggérait une alternative. Nous avons pu croire qu’il fallait  choisir entre changer ses désirs, c’est-à-dire les adapter à l’ordre du monde, ou bien s’attaquer à l’ordre du monde  pour tenter de l’adapter à nos désirs. Descartes nous dit que lorsque nous sommes malades, il est vain de désirer être en bonne santé, et que lorsque l’on est en prison, il n’est pas bon de souhaiter être libres. Nous avons tendance à penser qu’au contraire pour être en bonne santé, il faut nous en préoccuper et agir en conséquence, et qu’une bonne conduite, en prison,  nous aidera à recouvrer plus vite la liberté désirée. Mais il  faut  comprendre qu’au fond Descartes a raison.  Nous devons d’abord changer nos désirs, non pas pour  les soumettre à l’ordre du monde,   mais pour conquérir une liberté et un maîtrise de soi  sans lesquelles aucun projet ni éthique ni politique ne sont concevables. Il n’y a donc pas d’alternative : « A la nécessité on ne saurait imputer une responsabilité. Le hasard, lui, est chose instable ; seul notre pouvoir propre, sans autre maître que nous-même, est naturellement susceptible de blâme ou d’éloge »  (Lettre à Ménécée, § 15)

 

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22 juin 2010 2 22 /06 /juin /2010 19:17

Je viens de me souvenir que j'ai traité ce sujet... dans un livre.. (10 pages!) Cela intéresse-t-il quelqu'un? J epeux le mettre en ligne..

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22 juin 2010 2 22 /06 /juin /2010 19:16

Fiche le bonheur

 

 Tous les hommes recherchent le bonheur, c’est un fait. Il est  habituel de dire que «le bonheur

est le but de la vie ». On attend d’ailleurs parfois de la philosophie qu’elle nous enseigne comment être heureux, un peu comme certaines techniques ascétiques ou bien, plus banalement, la religion. Pourtant, il faut se méfier de tels clichés. Non seulement la philosophie ne prétend pas nous apporter des techniques de bonheur, mais encore elle nous enseigne que le bonheur n’est peut-être pas la seule fin de l’existence humaine. Même si les philosophes sont divisés sur cette question, on s’interdira en tout cas de confondre philosophie et consolation, ou encore « médiation transcendantale ».

 

La sagesse des anciens.

 Les philosophes de l’antiquité, notamment Aristote, Epicure et les stoïciens ont cru que la sagesse apportait le bonheur et que seuls les sages pouvaient être heureux.  Ils suivaient sur ce point Socrate qui avait déclaré que « nul n’est méchant volontairement ». Pourquoi ?  Parce que le méchant recherche le bonheur et ne peut que le rater. Pour être heureux, il faut vivre en harmonie avec les siens. Or le « méchant » est en conflit à la fois avec lui-même et avec son entourage.  Sa tactique pour être heureux n’est donc pas la bonne. Pour être heureux , il faut certes de la chance (ce que signifie « bon-heur », bonne chance) mais il faut aussi y travailler an adoptant une conduite réfléchie, modérée et cohérente. La doctrine dite  « eudémoniste » associe la vertu et le « Souverain Bien » .  Chez Aristote, le bonheur est lié à la réussite de l’activité, et l’activité la plus humaine étant l’intelligence, c’est elle qui est à même de nous procurer le bonheur suprême Chez Epicure,  le bonheur du sage, qui est à réaliser en ce monde, consiste en un savant dosage des plaisirs, parmi lesquels ceux de l’esprit sont toujours à privilégier .  Chez les stoïciens, puis enfin chez  Descartes, le bonheur est l’accord entre nos désirs et l’ordre du monde. Etant donné que l’ordre du monde ne dépend pas de notre volonté, il faut essayer,  autant que possible, d’y adapter nos désirs.

 

Le renversement moderne

Pascal a accusé les stoïciens de « superbe diabolique » parce qu’ils croyaient pouvoir maîtriser complètement  leurs désirs et se rendre ainsi quasiment égaux des Dieux. Pour un chrétien au contraire, et  pour Pascal en particulier, il n’y a pas de bonheur concevable si  l’individu reste centré sur son moi, lequel est « haïssable ». Il ne peut selon lui y avoir de salut hors de la foi, et seule la « grâce » de Dieu peut nous  mettre sur la voie de la félicité. Mais il n’existe aucune certitude sur ce point,  les voies de Dieu ne sont pas connues de nous. Dans le même esprit, Kant dira que le bonheur est un « idéal de l’imagination ». Personne en effet n’est capable de dire avec clarté et assurance  quels sont  les ingrédients du bonheur. Car le meilleur (la fortune, le pouvoir, la passion amoureuse etc..) peut toujours s’inverser, ou bien tout simplement lasser. Pour ceux que  l’on appelle depuis Kant les « modernes » (chrétiens, ou désabusés et   individualistes) la morale nous indique des devoirs, mais elle ne peut nous proposer avec assurance les moyens d’être heureux. L’optimisme des anciens n’a plus cours.

 

Problèmatiques  contemporaines.
 Les philosophes modernes n’ont certes pas délaissé la problématique du bonheur.  Spinoza, au 17 ième siècle, considérait que la philosophie est une « méditation de la vie, non de la mort », et que donc la volonté de connaître la félicité ici-bas, et non dans l’au-delà,  lui paraissait pleinement légitime. Mais d’un autre côté, les philosophes s’accordent en général  pour penser désormais que le bonheur est indissociable du désir (« malheur à qui n’a plus rien à désirer » dit Rousseau). Or on constate que  le désir ne parvient que rarement,  et pour très peu de temps,  à la satisfaction, pour des raisons qui tiennent non pas aux circonstances mais à la nature du désir. Aucun philosophe ne connaît donc la recette du bonheur. La question qui se pose aujourd’hui  est donc plutôt de savoir comment réunir les conditions de possibilité du bonheur, or cette approche rejoint les préoccupations politiques car  elle recoupe les interrogations sur la justice. Comment pourrait-on être heureux dans une société injuste, en effet ? Cependant, il faut toujours rappeler que si l’Etat doit nous garantir les conditions d’une vie digne et libre, il ne peut nous apporter le bonheur proprement dit. Le bonheur est une affaire personnelle, et il appartient donc à chacun de chercher, dans la voie qui lui semble, à lui, être la bonne, pourvu qu’il ne nuise pas à la liberté d’autrui. L’Etat qui veut imposer à tous les mêmes modèles  et normes pour être heureux est despotique, voire totalitaire.

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20 juin 2010 7 20 /06 /juin /2010 14:33

Un lycéen , à la T.V.

 

"Il faut donner la priorité au foot, car le mondial c'est tous les quatre ans, alors que le bac c'est tous les ans"...

 

 

 (logique?)

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