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8 septembre 2006 5 08 /09 /septembre /2006 12:41

Le point de départ de la philosophie est la critique du relativisme. Il n'est ni cohérent  ni raisonnable en effet d'affirmer que "toutes les opinions se valent":

"Voici le point de départ de la philosophie : la conscience du conflit qui met aux
prises les hommes entre eux, la recherche de l'origine de ce conflit, la condam-
nation de la simple opinion et la défiance à son égard, une sorte de critique de
l'opinion pour déterminer si on a raison de la tenir, l'invention d'une norme,
de même que nous avons inventé la balance pour la détermination du poids,
ou le cordeau pour distinguer ce qui est droit et ce qui est tordu.
Est-ce là le point de départ de la philosophie? Est juste tout ce qui paraît tel
à chacun? Et comment est-il possible que les opinions qui se contredisent
soient justes? Par conséquent, non pas toutes. Mais celles qui nous paraissent
à nous justes ? Pourquoi à nous plutôt qu'aux Syriens, plutôt qu'aux Égyp-
tiens ? Plutôt que celles qui paraissent telles à moi ou à un tel ? Pas plus les
unes que les autres. Donc l'opinion de chacun n'est pas suffisante pour déter-
miner la vérité.
Nous ne nous contentons pas non plus quand il s'agit de poids ou de
mesures de la simple apparence, mais nous avons inventé une norme pour ces
différents cas. Et dans le cas présent, n'y a-t-il donc aucune norme supérieure à
l'opinion? Et comment est-il possible qu'il n'y ait aucun moyen de déterminer
et de découvrir ce qu'il y a pour les hommes de plus nécessaire?
- Il y a donc une norme.
Alors, pourquoi ne pas la chercher et ne pas la trouver, et après l'avoir
trouvée, pourquoi ne pas nous en servir par la suite rigoureusement, sans nous
en écarter d'un pouce? Car voilà, à mon avis, ce qui, une fois trouvé, délivrera
de leur folie les gens qui se servent en tout d'une seule mesure, l'opinion, et
nous permettra désormais, partant de principes connus et clairement définis,
de nous servir, pour juger des cas particuliers, d'un système de prénotions"
Épictète (vers 100 ap. J.-C.), Entretiens, II,
traduction de Souilhé, collection Budé, Éd. les Belles Lettres, 1969, pp. 43-44.
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4 septembre 2006 1 04 /09 /septembre /2006 18:29
La philosophie n'est pas faite pour briller dans les salons:


"Ne te dis jamais philosophe, ne parle pas abondamment, devant les profanes, des principes de la philosophie ; mais agis selon ces principes. Par exemple, dans un banquet, ne dis pas comment il faut manger, mais mange comme il faut. Souviens-toi en effet que Socrate était à ce point dépouillé de pédantisme que, si des gens venaient à lui pour qu'il les présente à des philosophes, il les conduisait lui-même  tant il acceptait d'être dédaigné.
Et si, dans une réunion de profanes, la conversation tombe sur quelque principe philosophique, garde le silence tant que tu le peux; car le risque est grand que tu ne recraches trop vite ce que tu n'as pas digéré. Alors si quelqu'un te dit que tu es un ignorant et que tu n'en es pas meurtri, sache que tu commences à être philosophe. Car ce n'est pas en donnant de l'herbe aux bergers que les brebis montrent qu'elles ont bien mangé, mais en digérant leur nourriture au-dedans et en fournissant au-dehors de la laine et du lait. Toi non plus donc, ne montre pas aux gens les principes de la philosophie, mais digère-les et montre les oeuvres qu'ils produisent".
Epictète, Manuel (vers 100 ap. J.-C.), traduction de R. Létoquard, Éd. Hatier, 1988.



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3 septembre 2006 7 03 /09 /septembre /2006 11:15
  Les Dieux ne s'étonnent pas, donc ils ne philosophent pas. Et les hommes qui philosophent ne se prennent pas pour des Dieux. Cependant, la philosophie est de toutes les sciences la plus divine quoiqu'elle ne soit pas nécessaire. C'est parce qu'elle est gratuite que cette activité est la plus excellente de toutes:


"C'est, en effet, l'étonnement
qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l'esprit ; puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des Étoiles-, enfin la genèse de l'Univers. Or apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance (c'est pourquoi même l'amour des mythes est, en quelque manière, amour de la Sage.... mythe est un assemblage de merveilleux) Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c'est qu'évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin
utilitaire. Et ce qui s'est passé en réalité en fournit la. preuve : presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre. Je conclus que-, manifestement, nous n'avons en vue, dans notre recherche, aucun intérêt étranger. Mais, de même que nous appelons libre celui qui est à lui-même sa fin et n'existe pas pour un autre, ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit une discipline libérale, puisque seule elle est à elle-même sa propre fin.
Aussi est-ce encore à bon droit qu'on peut estimer plus qu'  "humaine" sa possession . De tant de manières, en effet, la nature de l'homme est esclave, que, suivant SIMONIDE,
Dieu seul peut jouir de ce privilège,
et qu'il ne convient pas que l'homme ne se borne pas à rechercher la science qui est à sa mesure.  Si donc il y a quelque vérité dans ce que racontent les poètes,
et si la jalousie est naturelle à la divinité, c'est bien dans ce cas qu'elle devrait, semble-t-il, surtout s'exercer, et tous ceux qui excellent dans ce savoir auraient un sort misérable. Mais il n'est pas admissible que la divinité soit jalouse (disons même, avec le proverbe, que les poètes sont de grands menteurs) , et on ne doit pas 'non plus penser qu'une autre science puisse surpasser celle-là en dignité. En effet, , la science la plus divine est aussi la plus élevée en dignité, et seule la science dont nous parlons doit être, à un double titre, la plus divine : car une  science divine est à la fois, celle que DIEU posséderait de préférence et qui traiterait des choses divines. Or la science dont nous parlons est seule à présenter, en fait, ce double caractère : d'une part, dans l'opinion courante, DIEU est une cause de toutes choses et un principe, et, d'autre part, une telle science, DIEU seul, ou du moins DIEU principalement, peut la posséder. Toutes les autres sciences sont donc plus nécessaires qu'elle, mais aucune ne l'emporte en excellence".
Aristote ,
Métaphysique Livre A
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2 septembre 2006 6 02 /09 /septembre /2006 17:33
Calliclès est un personnage inventé par Platon qui discute ici avec Socrate. Il se moque des adultes qui croient bon de continuer la philosophie après l'adolescence. Voici des propos d'une étonnante actualité, comme vous le remarquerez. ( la philosophie est bien utile pour entrer à Sciences Po ou HEC, ou pour  préparer une école de journaliste.Mais après, il faut passer aux choses sérieuses):

"Il est beau d'étudier la philosophie dans la mesure où elle sert à l'instruction et il n'y a pas de honte pour un jeune garçon à philosopher; mais, lorsqu'on continue à philosopher dans un âge avancé, la chose devient ridicule, Socrate, et, pour ma part, j'éprouve à l'égard de ceux qui cultivent la philosophie un sentiment très voisin de celui que m'inspirent les gens qui balbutient et font les enfants. Quand je vois un petit enfant, à qui cela convient encore, balbutier et jouer, cela m'amuse et me paraît charmant, digne d'un homme libre et séant à cet âge, tandis que, si j'entends un bambin causer avec netteté, cela me paraît choquant, me blesse l'oreille et j'y vois quelque chose de servile. Mais si c'est un homme fait qu'on entend ainsi balbutier et qu'on voit jouer, cela semble ridicule, indigne d'un homme, et mérite le fouet.
C'est juste le même sentiment que j'éprouve à l'égard de ceux qui s'adonnent à la philosophie. J'aime la philosophie chez un adolescent, cela me parait séant et dénote à mes yeux un homme libre. Celui qui la néglige me paraît au contraire avoir une âme basse, qui ne se croira jamais capable d'une action belle et généreuse. Mais quand je vois un homme déjà vieux qui philosophe encore et ne renonce pas à cette étude, je tiens, Socrate, qu'il mérite le fouet. Comme je le disais tout à l'heure, un tel homme, si parfaitement doué qu'il soit, se condamne à n'être plus un homme, en fuyant le coeur de la cité et les assemblées où, comme dit le poète, les hommes se distinguent, et passant toute sa vie dans la retraite à chuchoter dans un coin avec trois ou quatre jeunes garçons, sans que jamais il sorte de sa bouche aucun discours libre, grand et généreux.".
Platon (vers 420-340 av. J.-C.), Gorgias, traduction d'E. Chambry,
Éd. Garnier, 1960, 484c-485e.
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1 septembre 2006 5 01 /09 /septembre /2006 18:36

Diotime est une prêtresse qui donne ici son avis sur la philosophie dans le dialogue de Platon intitulé le Banquet. .Notez que celui qui philosophe n'est ni un sage ni un Dieu. Remarquez aussi que le signorants eux-non plus ne philosophent point:



"Diotime - Aucun des dieux ne philosophe et ne désire devenir savant, car il l'est; et, en général, si l'on
 est savant, on ne philosophe pas; les ignorants non plus ne philosophent pas et ne désirent pas devenir savants ; car l'ignorance a précisément ceci de fâcheux que, n'ayant ni beauté, ni bonté, ni science, on s'en croit suffisamment pourvu. Or, quand on ne croit pas manquer d'une chose, on ne la désire pas.
Je demandai : « Quels sont donc, Diotime, ceux qui philosophent, si ce ne sont ni les savants ni les ignorants? - « Un enfant même, répondit-elle, comprendrait tout de suite que ce sont
ceux qui sont entre les deux, et l'Amour est de ceux-là".
Platon (vers 420-340 av. J.-C.), le Banquet, traduction d'E. Chambry,
Éd. Garnier, 1988, 204 a.
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