J'ai fait depuis l'an dernier une recension de quelques idées toutes faites que l'on préfèrerait... ne pas trouver dans les copies...
On peut appeler cela des "clichés" , ou bien simplement des maladresses....
Ce sont des raccourcis, des simplifications ou des approximations, que vous gagneriez à laisser de côté...
Lisez ceci et venez en discuter avec moi: ce sera une excellente occasion d'éprouver votre goût pour l'argumentation rationnelle..
Clichés, approximations, affirmations simplistes à éviter au bac philosophie
« Ce qui est vrai pour moi est donc VRAI -par exemple, le beau, ou l’existence de Dieu ».
C’est une une opinion particulièrement anti-philosophique. Au contraire, la philosophie se définit en effet par la recherche de la vérité, c’est-à-dire de théories ou de propositions qui sont susceptibles de faire l’unanimité. Ce qui qui n’est "vrai" (valable) que pour moi … n’est donc pas « vrai » !
« La science cherche des vérités absolues » (Non : la science ne prétend pas atteindre des vérités "absolues" (valables indépendamment de tout contexte). Les sciences ne proposent que des théories partielles et relatives ( relatives à leurs domaines propres).
« Les hommes ont de tout temps recherché la vérité » (discutable : avant l'apparition de la science et de la philosophie (en gros 6 ième siècle av . J.C. en Grèce), la plupart des gens admettaient, de façon générale, que la "vérité", c’était ce qu’il ne fallait pas oublier, autrement dit les croyances ancestrales, transmises par les anciens. En Grèce présocratique, le mot vérité est « alèthéia » qui veut dire : le non-oubli. C'est la notion de "vérité" qui était loin d'être clarifiée.
« Tous les hommes recherchent la vérité » (pas sûr : seuls certains hommes, dont par exemple les savants et les philosophes, parfois les journalistes, les juges aussi, les médecins etc… recherchent honnêtement la vérité. Sûrement pas tous les hommes). La plupart des hommes, selon Nietzsche, sont avides de "certitudes optimistes" et c'est cela qu'ils nomment "vérité" - à tort.
« Le bonheur est le but de la vie »(non : même si tous les hommes recherchent le bonheur, ce qui est avéré, ce n’est pas forcément LE but de la vie. Il peut y avoir d’autres buts. C’est ce que pense Kant).
« Kant veut imposer une morale unique à tout le monde » (faux : Kant ne veut rien imposer du tout. Il réfléchit aux conditions de possibilité d’une morale universelle).
« Quand on agit moralement, c’est pour se donner bonne conscience » (c’est un contresens sur la conscience morale. Vladimir Jankélévitch a montré au contraire pourquoi la conscience scrupuleuse est toujours malheureuse).
« Personne n’a jamais fait quelque chose de désintéressé » (variante du précédent. Si c’était vrai, il faudrait mettre à la poubelle tous les écrits de Kant sur la morale, car Kant définit précisément les comportements moraux par leur caractère désintéressé. Donc si vous pensez cela, gardez-le pour vous le jour du bac).
« La science détient la vérité » (non : la science élabore des théories qui rendent compte partiellement de la réalité, mais qui ne sont jamais définitives ni complètes. Elle ne peut « détenir » quoique ce soit).
« Ce qui, dans la science, est vrai à un moment, devient faux par la suite, et vice versa » (inexact : les thèses scientifiques sont provisoires, MAIS elles ne sont pas annulées ni renversées ni réfutées par les théories ultérieures. En revanche, elles sont, en règle générale, affinées, nuancées, complétées, englobées, dans des théories plus complètes, plus complexes et elles sont donc relativisées. La thèse de Ptolémée (90-168) (« la terre est le centre du monde ») n’était pas "vraie", ni scientifique. Ce n’est donc pas une thèse « scientifique » qui serait devenue fausse. Mais, à l’époque, on tenait pour « scientifique » toute représentation cohérente, plausible et apparemment complète des phénomènes. La conception de la science était encore floue.
« Rousseau veut retourner à l’état de nature » (absurde. Nul ne peut vouloir sérieusement revenir en arrière, nul ne peut envisager d'abolir la civilisation. L'homme est un être de culture).
« Platon pense que l’art est inutile et le condamne » (inexact, approximatif : Platon ne critique que la poésie et la peinture).
« Le projet politique de Rousseau dans le Contrat social est utopique » (inexact. Ce n’est pas un projet politique "utopique" mais une théorie qui sert de référence pour juger ce qui est souhaitable)
« Pour comprendre une œuvre d’art, il faut en déchiffrer le message » (Non : les œuvres d’art n’ont pas forcément un message ; mais aussi, mais surtout, en art, le contenu ne peut être dissocié de la forme. Donc le « message », s'il y en a un, c’est ce qui, dans l’oeuvre, ne relève pas de l’art).
« L’art abstrait a pour contenu des idées abstraites » (faux : l’art abstrait ne cherche pas à communiquer des idées. Mais il est non figuratif).
« La religion peut se définir comme le fait de croire en un Dieu » (faux : la plupart des religions pratiquées dans le monde aujourd’hui même ne se réfèrent à aucun Dieu (animisme, fétichisme, chamanisme, bouddhisme, syncrétisme etc…) ou bien à plusieurs divinités (hindouisme, shintoïsme). Le monothéisme, dans l'histoire de l'humanité, est un cas très particulier!
« Les stoïciens sont fatalistes et résignés » (incorrect : la doctrine stoïcienne prône une coopération active et joyeuse au destin).
« Pour la doctrine déterministe, l’homme n’est pas libre » (inexact : c’est le fatalisme qui nie la liberté, pas le déterminisme qui peut au contraire parfaitement s’accorder avec la liberté. « Etre libre, c’est comprendre les causes qui nous font agir »).
« Machiavel défend dans Le Prince un régime de type dictatorial » (faux : Machiavel est républicain, mais il constate que la fondation d’un Etat appelle des procédés souvent peu catholiques).
« La beauté est relative au goût de chacun » (faux : l’agréable varie selon le goût de chacun, au contraire le beau est susceptible de plaire universellement. On dissociera soigneusement l’agréable et le beau)
« Les philosophes pensent que l’homme doit en toute circonstance suivre la raison » (faux : Pascal a dit que c’est une erreur de croire que l’homme n’est constitué que d’une partie rationnelle. Saint Augustin, Kant etc… estiment eux aussi que la raison seule ne suffit pas pour mettre l’homme sur la voie du salut. D’autres encore (Nietzsche, Heidegger) critiquent la raison.
« La démocratie est le régime politique le meilleur » (oui, bien sûr, mais en même temps : c’est « le pire de tous - à l’exception de tous les autres » selon Churchill. Bref, ce n'est pas un régime parfait, loin s’en faut !)
« Les philosophes veulent « éradiquer » toute opinion » (faux : Platon par exemple, insiste sur le rôle de l’opinion droite dans le Ménon. H. Arendt montre qu’il ne peut y avoir de démocratie fondée sur le savoir incontestable de ce qui est juste ou vrai, un tel savoir n’existe pas, et aucun homme ne peut se prévaloir de ce type de savoir.)
« Toute inégalité est injuste » (à nuancer : revoyez votre cours sur la justice)
« La justice, c’est de traiter tout le monde également » (faux, parce que réducteur : revoyez la définition de la justice et de l’équité).
« Aimer ne peut être un devoir, car on ne peut se forcer à aimer » (à nuancer : revoyez votre cours sur la morale de Kant).
« Parce que nous vivons en société, nous ne pouvons pas être libres » ( mais non! Car l’homme ne peut pas se passer de ses semblables, il est un « animal politique » (Aristote)). La liberté est une construction collective. C’est pourquoi croire qu’à l’ « état de nature », ou bien à l'écart de toute société (cf le film Into the wild) nous pourrions enfin être heureux et libres n’est qu’un fantasme. Seuls des êtres d’exception peuvent y parvenir, et, en général, soit ils ont la foi, soit ils écrivent (pour la postérité, ce qui est encore un mode de communication), comme le fameux philosophe américain Thoreau (1817-1862) qui a vécu plusieurs mois dans une cabane dans un bois (mais tout près de la ville) aux Etats-Unis.
Et sinon, quelques conseils cool :
http://www.huffingtonpost.fr/pauline-raud/examen-sur-internet_b_3238107.html?utm_hp_ref=france
Et aussi mes fiches sur i-philo
Je recommande à mes chers collègues l'étude en classe de "Pourquoi je ne suis pas chrétien", le formidable essai de Russell.
Très stimulant et à propos par les temps qui courent...
http://fr.scribd.com/doc/11368567/Bertrand-Russell-Pourquoi-Je-Ne-Suis-Pas-Chretien
Si vous avez un sujet sur ce thème, voici quelques liens
Fiche l'existence:
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/lexistence/
Le cogito
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/texte-de-descartes/
L'existence précède l'essence:
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/lexistence-precede-lessence-texte-de-sartre/
Notre rapport au présent:
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/le-temps-present-texte-de-pascal/
Le pari de Pascal :
Les hommes existent-ils comme existent les choses?
http://www.hansen-love.com/article-6106274.html
Si vous avez un sujet sur autrui voici quelques liens:
fiche autrui:
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/autrui/
le barbare c'est celui qui croit en la barbarie:
http://www.hansen-love.com/article-4685962.html
Est-il plus facile de connaitre autrui que de se connaitre soi-même?
http://www.letudiant.fr/boite-a-docs/document/sujet-de-baccalaureat-es-0880.html
Le visage:
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/le-visage-levinas/
La honte un sentiment moral:
http://www.hansen-love.com/article-la-honte-un-sentiment-moral-102317518.html
L'enfer c'est les autres:
autrui, quelles certitudes ?
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/autrui-quelles-certitudes-texte-de-malebranche/
Voici venu le temps des premiers devoirs sur le désir. Je vous suggère quelques liens:
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/nous-jugeons-bon-ce-que-nous-desirons-texte-de-spinoza/
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/la-religion-est-une-illusion-feuerbach-marx-freud/
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/texte-de-rousseau-malheur-a-qui-na-plus-rien-a-desirer/
http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/le-desir-2/
La liberté, limitée mais bien réelle
Nous nous sentons en général ligotés par des déterminations qui - croyons-nous - réduisent considérablement le champ de notre liberté. Nous avons tort ! Même si notre marge de manœuvre est réduite, elle reste suffisante pour tous ceux qui sont le veulent vraiment :
« Nul n'a choisi ses parents, ni même, s'il regarde bien, ses amis. Nul n'a choisi d'être grand ou petit, blond ou brun. C'est une des conditions les mieux établies de notre existence, que nous devons accepter comme une situation de fait, et travailler en partant de là. Si j'ai une mauvaise mémoire, je n'ai pas à récriminer, mais je dois m'efforcer de la rendre passable; et, si j'ai une oreille paresseuse, je dois regarder plus attentivement de ce côté-là en traversant les rues. L'indignation ne sert point. Cette idée est familière à tous. Nous comprenons aisément que notre nature et ce qui l'environne, tout cela nous est donné, et ne peut être changé comme un vêtement; il faut se contenter de modifier un peu ces conditions imposées. L'expérience fait voir que les modifications qui dépendent de nous sont très faibles, par rapport à la structure et au régime de l'ensemble; mais l'expérience fait voir aussi qu'elles suffisent presque toujours ».
Alain
Propos sur les pouvoirs ( 1921) §105, p 273, Gallimard, Folio- Essais, 1985