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13 avril 2009 1 13 /04 /avril /2009 15:24

 

 

« Ceux qui voudront traiter séparément la politique et la morale n’entendront jamais rien ni à l’une ni à l’autre » Emile Livre Quatrième

 

Lorsqu’il m’arrive de  corriger le sujet « L’art peut-il être immoral », j’explique en général que l’art n’a pas à être moral, et que l’on ne doit pas reprocher à une œuvre (ou à un film, en l’occurrence) son immoralité.

 Et pourtant….  aujourd’hui  je crois que  je me suis trompée : un film peut être immoral ! En fait, ce n’est pas le film qui est immoral, mais c’est son « message », qui peut être choquant

(il me semble cependant  qu’une véritable oeuvre d’art n’a pas pour fin de transmettre un message, je m’en suis expliquée par ailleurs, voir les vidéos de lewebpedagogique).

 Je pense que le « message » du film Welcome est  indigeste :

 En voici la démonstration :

 Première point : ce film classe les êtres humains en deux catégories, les bons (bon : professeur-de-gauche-solidaire-des-sans-papiers-prenant-des-risques-sans-compter…./ mauvais : flics sarkozystes appliquant la loi anti-immigrés avec  zèle (« on nous a demandé de compromettre les bénévoles »),  voisin acariâtre, qui plus est homophobe.

Le jeune  Bilal est quant à lui  le symbole de la victime absolue : martyrisé par les irakiens, puis par ses compagnons d’infortune qui lui remettent la tête dans le sac, puis malmené  par Simon (re - tête dans le sac) qui l’instrumentalise finalement, sans parler de la France sarkozyste tout entière qui le pousse au suicide.

 Déjà, c’est mal parti….

Là,  ceux qui ont aimé le film me  disent : « bien au contraire, ce film est tout sauf manichéen puisque le héros est complexe, ambivalent, tantôt bon, tantôt mauvais ». Ce n’est pas mon avis :

Second point donc : le « héros » n’est que  mauvais. Il est brutal, égoïste  et veule : voyez son attitude lors du premier contact avec Bilal, puis notez ensuite l’épisode du sac sur la tête.   Pourquoi s’intéresse-t-il dans un second temps au jeune kurde ?  Parce que Bilal est amoureux,  d’une fille jolie de surcroît, donc tout à coup il s’humanise. Simon va s’identifier à lui, comme en témoigne l’épilogue en Angleterre. Un homme amoureux (d’une jolie fille) ne peut pas être foncièrement inintéressant.

 Rien ne laisse supposer, dans le film, que Simon éprouve le moindre souci d’ordre moral ou politique.  Son comportement est dicté par une compassion étroite  et intéressée pour ce jeune homme qu’il accompagne gentiment dans son projet suicidaire. Il est surtout dicté par le souci de se réhabiliter aux yeux de sa sainte ex-épouse qui lui préfère un « bon » au sens défini ci-dessus (Bruno). Point de  « morale de conviction » (cf Weber)  ici, mais une franche irresponsabilité, en revanche.

Troisième point :  le devoir de Simon était de dissuader à tout prix ce jeune homme d’apprendre à nager le crawl (à quoi bon, de toute façon,  pour mourir, la brasse aurait amplement suffi) et de tenter de lui venir en aide par  n’importe quel autre moyen, comme par exemple lui prêter de l’argent ou le conduire lui-même en Angleterre, ce qui aurait signifier prendre de vrais risques. Mais non. Simon donne des leçons de crawl, lui offre même  une combinaison pour affronter le froid. Comment s’étonner après quand il constate que Bilal est parti se noyer ? D’ailleurs il ne s’étonne pas. Mais il est triste, car il ne peut avoir aucun doute sur  l’issue.

 

 Un dernier détail : le circuit de la bague (clin d’œil  à Madame de ?). Simon dérobe cette bague à Marion, puis dans un immense élan de générosité,  il offre cet objet qui ne lui appartient pas à Bilal (quelle grandeur d’âme !) et pour finir il la récupère à la fin pour la rendre à  Marion  (il n’y a pas de petit profit). Quant à la malheureuse Mina, il  l’abandonne à son sort atroce sans autre forme de procès.

 

 Pourquoi je m’énerve ?  Peu importe ce que raconte un film, si c’est beau et émouvant. Bien sûr. Où est le problème ?
 Le problème c’est ce fameux  «  message », qui est double :

1)      « L’amour transfigure tout, par amour on peut vaincre l’indifférence et la veulerie ».  Le problème c’est  que le film montre le contraire,  sans le vouloir apparemment.  Simon n’a absolument pas changé, finalement.

2)      Mais surtout : « mieux vaut garder ses illusions quitte à en mourir, plutôt que d’affronter la réalité ». (Simon n’a pas le courage d’ôter à ce jeune homme ses illusions. Il est trop lâche pour cela. Mais si humain !).

 

 Ce film est un cas d’école. On  a là un exemple de bien-pensance ultra- politiquement correcte (le bonpenser anti-sarko) doublée d’un discours cynique -  moralement. Car notre héros est supposé représenter un français type qui,  sans être courageux au départ, fait preuve de fermeté face à la brutalité du pouvoir (même si c’est pour des raisons x). « Idéal » en lequel nous pouvons et voudrions tous nous reconnaître ? C’est la raison pour laquelle  ce film fait le buzz que l’on sait, je suppose.

 

 

 J’en reviens à  Rousseau.

 Comment adhérer à  un discours politiquement juste, mais  enrobé dans une romance aussi moralement douteuse. Vous ne croyez pas ?

 PS : Evitons tout malentendu. Je ne suis pas inscrite à l’UMP ; ce n’est pas la question

 

 

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21 octobre 2008 2 21 /10 /octobre /2008 13:55
Désormais les cinéastes proposent des fictions concernant un Président en exercice.
 Après The queen, de Stephen Frears et Le Caiman de Nanni Moretti; voici W. de Oliver Stone,
 Ce derneir film n'est sûrement pas du même acabit.
 Toutefois, on peut qu'admirer le degré de liberté dans lequel nous sommes aujourd'hui , en Italie, Angleterre et Etats-Unis.

 C'est un test intéressant.
 Dans combien de pays de la planète pourait-on faire cela? Le pourrait-on en France?

Oliver Stone, insulte à Bush
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1 septembre 2008 1 01 /09 /septembre /2008 20:41

Merci à Lorenza André pour son étude que voici:

Non, les italiens ne sont pas tous des mafieux

 (à propos du film Gomorra)

 

"La sortie sur les écrans du film  Gomorra de Matteo Garrone, adapté du livre homonyme de Roberto Saviano a fait couler beaucoup d’encre. On a pu entre autre commentaires lire que le cliché qui veut que les italiens soient tous des mafieux est bien vrai. Du coup, on a dit aussi que ce film et ce livre donnent encore une fois une image négative de l’Italie.

Eh bien, non les italiens ne sont pas tous des mafieux. Non : ni Gomorra,  le livre de Roberto Saviano, ni le film de Matteo Garrone ne donnent une image négative de l’Italie. Pas plus que ne l’a fait le cinéma néoréaliste dans les années de l’après-guerre.

 On oublie que la plume et la caméra sont dans les mains d’italiens, intelligents courageux,  capables de raconter, d intéresser les gens du monde entier (le livre de Roberto Saviano a été traduit en 38 langues !) de se faire écouter. Livre et film dénoncent le crime, la culture de la mort et du silence des organisations criminelles qui affligent le Sud de l’Italie  où elles sont actives aujourd’hui encore que parce que  le système économique  mondial  se sert d’elles pour survivre et  prospérer, comme les différents pouvoirs qui se sont succédé à Naples s’en sont toujours servis.

 

  Gomorra  dénonce surtout l’état d’éternelle misère, qui afflige le peuple de Naples, doublement écrasé par la camorra : parce qu’il en fait partie et parce qu’ils en est la victime. Loin de Naples ceux qui profitent du système  ignorent voire méprisent ce peuple. Ils sont « propres » et leurs entreprises sont honorables. Ils tirent leur épingle du jeu, tandis que à Naples la camorra tue : 13700 personnes depuis qu’il est né, a compté Roberto Saviano.

Le film, dont Saviano est coscénariste, donne à voir le caractère minable des chefs de clan de quartier  qui font régner la terreur  pour que personne n’échappe à leur loi, loi du marché au service des multinationales et des entrepreneurs qui ont pignon sur rue, loi des commerces illicites. Véritable Etat dans l’Etat avec son propre système de pensions pour les vieux, les malades, les famille des prisonniers. Mais ses lois sont bien plus dures que celles de la république. Ici pas de procès, que des exécutions  à plus ou moins longue échéance.

 

 Ainsi Pasquale, le génial couturier qui dirige l’atelier clandestin d’un camorriste est soumis à la loi de ce dernier  qui  le paye 600 € par mois pour pouvoir casser les prix  et remporter l’appel d’offre d’une grande griffe. C’est elle, la grande griffe, la vraie gagnante de l’histoire. Pasquale  voit  sur un écran de télé la robe qu’il a faite lui-même, portée par Scarlett Johansson et entend les commentateurs faire remarquer avec enthousiasme et émotion la perfection de ce travail de haute couture, en souligner la valeur. ( Angélina Jolie, dans le livre . Les frais pour obtenir les images authentiques de Cannes et les risques de procès étaient si élevés que l’on a préféré ne pas montrer la robe authentique).  Pasquale vend en cachette son savoir faire, pour augmenter ses revenus, au chef d’un atelier clandestin chinois. La punition arrive vite : les chinois sont tués, Pasquale est blessé et son patron ruiné. L’ « ordre » est rétabli.

Ainsi également le propriétaire terrien qui est en train de mourir d’un cancer entouré de sa femme et de son fils qui marchandent avec un homme d’affaires très distingué nommé Franco (l’acteur Toni Servillo, ). Ils louent leurs terrains agricoles  pour que la camorra puisse y enfouir les déchets toxiques en provenance des industries du Nord. Incroyablement et de façon suicidaire, ils sont prêts à accepter que leurs terres soient encore plus empoisonnées, que les fruits qu’elles produisent soient juste bons à jeter. L’argent vaut plus que la vie. Que faire lorsqu’on atteint un tel degré de folie ? Partir, marcher seul sur la route sans même savoir où  l’on va. C’est ce que fait le jeune assistant de Franco. Que la vieille dame un peu folle qui s’obstine à mettre de l’ordre dans le jardin empoisonné lui offre un cageot de pêches ; que Franco, quelque mètres plus loin arrête la voiture et lui demande de balancer cette « puanteur » et le jeune homme refuse de poursuivre le chemin. Ce jeune homme qu’on a rencontré à l’aéroport de Naples, recommandé par son père à Franco,  avait aidé avec zèle son patron à repérer des lieux où pouvoir enfouir les déchets. On les avait vus tous deux sortir par les trous ronds des citernes en sous sol d’une station d’essence désaffectée, tels des damnés dans l’enfer de Dante (l’homme d’affaires qu’ils retrouvent dans la grande carrière, tout aussi infernale, s’appelle justement Dante).

 

Il était d’abord content, ce jeune homme, d’avoir trouvé un travail à la hauteur de ses compétences, de voyager, de découvrir Venise, cette ville « où même les corbillards voyagent en bateau ». Il refuse maintenant de remonter dans la voiture de luxe qui sème la mort sur son passage. C’est elle le corbillard des gens de Mondragone, dans cette campagne napolitaine  que les latins nommaient « Campania felix » et qui n’a plus que l’apparence de la fraîcheur et de la fertilité. Ce personnage, qui n’existe pas dans le livre de Saviano, se prénomme Roberto, comme l’auteur. Roberto Saviano est lui aussi un jeune homme du crû, de Casal di Principe, le fief du clan des « casalesi » un des plus meurtriers du territoire. Il a refusé de s’ « intégrer », il a marché au bord de la route. Pas loin : juste au bord. Pour voir et raconter les choses comme elles sont, de l’intérieur.

Il fait partie de ce monde et entraîne le lecteur à en faire partie lui aussi et peut-être pour plus longtemps que le temps de la lecture.

 En introduisant ce personnage de Roberto dans le film, Matteo Garrone  agit de la même façon sur le spectateur. On regarde, de l’extérieur, mais de tout près. On ne juge pas. On voit bien que Toto’, Simone et les autres enfants ne connaissent d’autre univers que celui des Vele, cet énorme ensemble, cette cité construite après le tremblement de terre de 1980 pour reloger les gens restés sans toit. Le Vele à Scampia, banlieue de Naples est classé parmi les édifices les plus laids d’Italie. Son architecture est carcérale et ce que nous en voyons sur l’écran ressemble assez aux gravures de Piranese.

Le deal, les meurtres les luttes de pouvoir y sont le mode de vie normal, et la vie normalement s’y installe. Les jeunes gens se marient, les bébés naissent, les ados se font faire des piercing et attrapent parfois des infections. Ils sont gentils et serviables. Toto’ aide sa maman commerçante et va livrer les courses à Maria (interprétée par la chanteuse napolitaine Maria Nazionale), qui a un petit singe en cage dans l’entrée et laisse Toto’ garder la monnaie.

Comme souvent les ados, ils rêvent de faire comme les adultes. Ici papa est en prison ou mort assassiné. Les concours d’entrée dans la vie adulte sont très sélectifs : gilet pare balle, pistolet pointé en face de soi. On tremble de peur, mais on ne bouge pas. Coup de pistolet. On tombe à la renverse. On se relève. Le soir, chez soi on regarde le bleu que l’impact de la balle a laissé sur la poitrine,  on en est fier. On a réussi l’examen. Le concours plutôt : pour un qui flanche dix se présentent. Avant d’en arriver là il faut passer les épreuves préliminaires, donner des garanties : Toto’ avait pris l’initiative de récupérer drogue et arme balancés sur une terrasse lors d’une « visite » des carabiniers. Un jeune dealer avait été arrêté, mais la relève est assurée. A regret et après quelques hésitations, Toto’ accepte d’attirer son amie Maria dans un guet-apens. Comme toujours, le système utilise les enfants   les « scugnizzi »  Le fils de Maria  est passé au clan adverse : elle doit mourir. Déjà on avait interdit à  Don Ciro, le comptable du clan, de lui verser la pension que l’on verse à tous les membres qui sont dans le besoin. Son mari est en prison, elle y a droit. Mais cela ne suffit pas : lorsqu’on trahi on doit s’attendre à tout. On attaque la famille. On viole, on torture, on tue et de façon infâme de préférence. Roberto Saviano aussi  est menacé de mort et sa famille vit désormais loin de Naples sous un faux nom.

Comme dans toute société, le « système » (c’est comme ça que les camorristes appellent la camorra) a ses marginaux. Le cinéma a une part importante dans l’épopée. Ses héros deviennent des modèles.  Marco et Ciro sont deux adolescents  qui  se prennent pour Toni Montana le héros de Scarface, le film de Brian de Palma (1983) .Ils ne veulent obéir à personne et comme le héro du film ils fichent une belle pagaille dans le milieu. Giovanni, le chef, Vittorio, son vieil oncle de bon conseil, tentent de leur faire entendre raison. Rien n’y fait : ni les rappels à l’ordre, ni les coups, ni les menaces de mort. Les deux adolescents braquent une salle de jeux, piquent la drogue aux colombiens, volent les armes cachées dans une ferme par le clan et s’amusent à tirer, en slip, sur un bout de plage lugubre. Ils veulent être indépendants, être des chefs et mourir comme des chefs On finira en effet par les tuer, à regret, car « on ne tue pas des gosses. Que diront les gens ? », fait remarquer l’oncle Vittorio. Une pelleteuse viendra prélever les deux cadavres encore tout bien habillés avec leurs baskets bien blanches.  Elle fait demi tour et se dirige vers  la mer tout en levant vers le ciel la pelle qui porte les deux amis comme dans un triomphe antique on portait les héros. On pense aux couples d’adolescents mythique : Eurial et Nisus  dans l’Eneïde de Virgile  Médore et Clorinde dans le Roland Furieux de l’Arioste. C’est ainsi que s’achève le film,  avec une image qui  nous remplit d’une tendresse infinie, d’une pitié profonde. C’est le triomphe minable des pauvres héros d’une épopée minable 

Nous avons, dans ce film, aperçu quelques carabiniers, muets, apparaître comme des étrangers, des envahisseurs de la cité des Vele. Ils sont les représentants d’un Etat absent et parfaitement impuissant à imposer sa loi.  L’Etat italien est encore aujourd’hui, après cent cinquante ans d’unité  perçu généralement comme étranger et même ennemi par les gens du peuple dans le sud.

 

 Que des hommes et des femmes essayent de faire respecter la loi de la République et ils se font déplacer ou, si vraiment ils insistent, assassiner. On connaît généralement la liste des victimes de la Mafia en Sicile : du  préfet Mori, appelé le préfet de fer, nommé par le régime fasciste et déplacé lorsqu’il s’est approché des têtes mafieuses (voir le film de Pasquale Squitieri : «  L’affaire Mori ») au général des carabiniers Carlo Alberto dalla Chiesa, aux juges Falcone et Borsellino,  assassinés récemment. Soit dit en passant, le juge Falcone s’insurgeait contre l’habitude d’appeler Mafia n’importe quelle organisation criminelle  en Italie et dans le monde. Cela fausse les analyses, entretient la confusion et ne fait que profiter en fin de compte, au crime organisé.

Néanmoins les trois et, depuis une époque récente, quatre organisations criminelles  entretiennent des rapports d’affaires qui parfois tournent mal et qui en aucun cas n’aboutissent a une fusion. La mafia, en Sicile, la camorra en Campanie, la région de Naples, la n’drangheta en Calabre, la sacra corona unita, dans les Pouilles, née en 1983  de la scission du clan de Raffaele Cutolo de la camorra napolitaine

D’où viennent ces organisations ? Leur origine se perd dans le passé, leurs appellations même ont une étymologie incertaine. Selon une légende 3 cavaliers sont venus dans le Sud. Ils s’appelaient Osso, Matosso et Carcagnosso . Osso s’est arrêté en Sicile et a fondé la mafia, Matosso en Calabre et a fondé la n’drangheta, Carcagnosso dans les Pouilles et a fondé la camorra. Ces noms sonnent comme ceux du théâtre des Pupi, les marionnettes siciliennes qui racontaient les batailles entre maures et chrétiens au Moyen Âge mêlant les récits carolingiens et ceux du cycle breton.

En fait ces trois cavaliers pourraient bien évoquer les trois frères normands, fils de Tancrède de Hauteville : Guillaume, Drogon et Onfroi  venus dans la péninsule probablement comme mercenaires tantôt des Longobards, tantôt des Byzantins. Ils se sont arrêtés dans les Pouilles au moment ou les Longobards essayaient de prendre ces terres aux byzantins.

Participant aux combats et se faisant payer en terres plutôt qu’en monnaie, ils finirent par acquérir  un vaste territoire qui s’étendait jusqu’à la Calabre. Leur demi frère Robert dit le Wiscard, venu les rejoindre, prit la Sicile aux arabes et devint roi de l’île et comte des Pouilles et de Calabre. Les Normands unifièrent le sud mais instaurèrent les baronnies qui étaient des territoires attribués à des barons fidèles et soumis à leur autorité. Cette unité se fit   au détriment des libertés que connaissaient les villes côtières comme Amalfi, la première et florissante République marine.

La mémoire populaire lierait-elle ainsi les organisations aujourd’hui criminelles à l’arrivée de Normands au XI°siècle ? Le mot « clan » est gaëlique et signifie la famille, le peuple, la lignée.  Le mot  « faida » qui désigne les luttes entre clans vient de l’ancien haut allemand « fehede » qui signifie « haine, dispute, inimitié » et désignait le système longobard de vengeance privée. Clairement il s’agit là d’une culture clanique arrivée dans le sud de l’Italie avec les peuples nordiques, bien différente da la culture civile latine fondée sur le respect de la loi écrite et égale pour tous.

Le mot même de « camorra » apparaît pour la première fois en 1735 dans un document officiel du royaume de Naples avec le sens de « taxe sur les jeux de hasard ». Cette taxe servait à payer ceux qui protégeaient  les établissements de jeux des rixes et autre agression.

Le sens pourrait venir de « morra » un .jeu de hasard très populaire. Celui qui régule ce jeu, son chef c’est le « capo della morra » d’où « camorra ».Mais cela reste incertain comme l’origine du mot Mafia : de l’arabe Ma-hias, fanfaronnade, arrogance d’où l’idée d’audace et de prestance physique, ou « muafak » protection des pauvres ; ou celle du mot n’drangheta du grec « andragathia » signifiant le courage viril. 

Si la n’drangheta et la mafia se sont enracinées surtout dans les zones rurales et avaient une vocation à l’entaide, la camorra a pris vite racine dans la vile de Naples et a tiré profit des activités qui rapportent de l’argent. La hiérarchie verticale qui règne dans les deux autres n’existe pas ici. Les barons modernes sont les chefs de clans chacun contrôlant un territoire, en concurrence mutuelle et soumis au  pouvoir qui se sert d’eux pour faire régner l’ordre . En 1820 se forme «  La belle Société Réformée».c’est à dire réorganisée. Les affiliés étaient soumis à des rites où se mêlaient sentiment religieux et habileté au combat. En 1825 lorsque les couronnes de Naples et de Sicile se réunirent pour former le règne des Deux Siciles, le roi  Ferdinand I° de Bourbon, fit appel aux services de la Belle Société pour contrer la prolifération de sociétés secrètes d’inspiration libérale ou jacobine. Cette collusion entre l’état et la camorra fut reprise par Ferdinand II et, après l’annexion du règne des Deux Siciles au nouvel état italien unitaire dont Victor Emmanuel II de Savoie était le souverain, la camorra continua d’être au service de l’état pour faire régner l’ordre : en 1860  le préfet Liborio Romano représentant le gouvernement provisoire du nouveau règne, charge la Camorra d’organiser la Garde Civique pour le maintien de l’ordre. Ces délégations policières de la camorra ne prirent fin que vers la fin du XIX° siècle( Le film «  I Guappi » de Pasquale Squitieri est bien documenté sur ce point et montre  la situation de la camorra à cette époque.) Mais le mal était fait : la camorra avait acquis ainsi un caractère institutionnel qu’elle n’avait même pas eu sous les Bourbons.  La belle société a tissé des liens solides avec la classe politique. Elle l’a même largement pénétrée. Malgré les actions menées contre la camorra comme la dissolution pour activité criminelle d’une centaine de communes de la Campanie, les arrestations et la mise en examen de membres du gouvernement, les quelques 236  clans semblent renouveler constamment leurs forces dans les luttes mêmes qu’ils se livrent entre eux et qui, loin de les décimer, ne font que renforcer  les plus forts. Du jeu de hasard, au commerce des produits agricoles, à la drogue à la haute couture, ou l’enfouissement des déchets, la camorra ou « système » touche encore à tout ce qui peut rapporter de l’argent. Beaucoup d’argent. Selon EURISPES (institut d’études économiques politiques et sociales) le revenu annuel de la camorra serait de plus de 12 milliards et demi d’euros. La camorra a ainsi pris la place de l’état pour fournir du travail, payer des pensions et continuer d’assurer la « paix sociale ». Les « barons » se chargent d’encaisser l’argent et de faire travailler la plèbe en lui assurant tout juste de quoi subsister. On arrive à penser que leur commanditaire n’est peut être déjà plus seulement l’état italien, mais l’ordre financier mondial. Gomorra  interpelle énergiquement et fait prendre conscience du fait  que la lutte contre la corruption doit devenir de toute urgence la priorité de tous les Etats et non seulement de l’Italie".

 

Lorenza André

 

 

Sources : Procacci : » L’histoire des italiens » ed. Fayard (version italienne)

                L’Espresso du 23 juin 2005 : « Les confessions d’un chef ».           

                Wilkipedia : version italienne

                       

 

 

 

 

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24 juillet 2008 4 24 /07 /juillet /2008 11:50

L'entretien et la critique sont ici

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5 juillet 2007 4 05 /07 /juillet /2007 19:01
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Persépolis

et 


Boulevard de la mort, un film grindhouse

On en parle à mon retour?
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7 juin 2007 4 07 /06 /juin /2007 08:28
Nos critiques sont sur Cinechronique
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28 mai 2007 1 28 /05 /mai /2007 14:41





Je vous retrouve pour le moment sur blogger ou sur web pédagogie pour ceux qui passent le bac
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30 avril 2007 1 30 /04 /avril /2007 18:00
La neuvième quinzaine du cinéma argentin se déroule à Paris du 9 au 24 mai dans trois lieux différents. Voir le sitewww.lasudestadaparis.com/www.lasudestadaparis.com/
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19 avril 2007 4 19 /04 /avril /2007 14:25
Voici la sélection sur LCI
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9 avril 2007 1 09 /04 /avril /2007 19:52


Un documantaire de RITHY PANH
Vu à Genève, Festival des Droits Humains, mars 2007
Par Véronique Nahoum-Grappe:

"Il est étrange, ce sentiment immédiat, dès les premiers plans, d'être en face d'un classique : il y a cette neutralisation de  l'émotion dans la matière même du cadre qui signe une grande œuvre , quand le tragique est inscrit dans l'évidence du quotidien , sans qu'à aucun moment ne menacent un excès d'interprétation, où même l'oblique d'une posture quelconque. 
L'auteur filme avec autant de douceur que la situation est cruelle : un lieu de prostitution à Pnom Penh.  Assise par terre, une petite fille pleure discrètement, absolument seule sur le ciment. Point. L'économie des explications est parfaite.  Les plans soit coupés avec un soin, une précision et une  délicatesse absolue, la caméra est tenue comme je l'imagine Rembrandt tenait son pinceau, quand l'esthétique du trait , de la prise de vue rapproche du réel plutôt que  l'inverse.  La douceur est dans les gestes de ces très jeunes filles, leurs soins les unes pour les autres,  leurs voix, leurs joues penchées, profils perdus, malgré le récit d'une trajectoire moulinée par les faits, tordue sous les intentions d'un autrui plus adulte, sœur aînée  qui vend sa petite soeur, matrone qui bat injurie et menace , client qui donne un coup de poing , etc. - enfin l'engrenage des lois du marché  et de la situation historique, qui rend tout cela possible quotidien, normal, plat  et finalement fondu dans la durée de la vie collective  : la normalité  du réel quotidien enlève  son statut d'événement  à la pire domination .
 Les vieux  sont rares au Cambodge .  Trente  ans après le génocide , la pyramide des âges est bizarrement abrasée . Plein de jeunes se massent dans les cohortes du bas  du graphique .  Et dans les rues bondées des quartiers pauvres  de la capitale.
Plus les jeunes sont pauvres plus ils sont dehors ,  à tous les  âges de leurs jeunesses - loin des salons du pouvoir dont les puissants politiques, toujours un peu plus vieux, occupent le centre, là bas dedans.
Les jeunes sont beaux.
Quand ils  sont riches,  cette grâce en plus reste  sans prix, excepté ceux des moyens de la conserver jusqu'à plus soif , et même de la recréer.
Quand ils sont pauvres cela peut constituer un  filon, une mine , leur seule richesse alors qui se dévalue :  le temps  de sa résistance à la dureté ahurissante des rapports entres  humains , quand la sexualité et l'argent deviennent les  causes finales  en boucle de tout le reste .
Là où l'un gagne son argent, l'autre le dépense. Là : précisément, au travers du corps .
Au Cambodge ,  cet espace là , le corps traversé, où ces transactions sont en acte,  vaut beaucoup plus cher en cas de virginité de la femme . La prostitution est la suite  inéluctable de la première transaction, la plus juteuse ; celle de la virginité. Le tabou de la virginité est sans doute un des pire qui soit, dans sa production de honte radicale , lorsque l'effet de  souillure de la sexualité est définit comme une perte définitive  de valeur identitaire, une radicale dévaluation aux yeux de tous et de soi-même .
Ce film donne de la nourriture à l'anthropologue, au citoyen , aux parents, aux marchands. Jamais facile dans ce qu'il implique, il ne s'ouvre pas sur une haine, contre des méchants mais sur des énigmes, celle de la sexualité humaine  par exemple. 
En face du tragique,  la caméra fait alors luire comme un reflet de  nacre sur le dessin obscur du ciment sale, pour aider à redessiner des vies, des histoires, sous l'angle de la pure injustice d'être né là pour vivre cela" . 


Film visible dans une salle à Paris , Reflets Médicis,(rue Champollion).
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