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9 mai 2017 2 09 /05 /mai /2017 10:06
http://remacle.org/bloodwolf/textes/thucyeloge.htm
 "Notre ville est ouverte à tous"
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8 mai 2017 1 08 /05 /mai /2017 11:14

Emmanuel Macron a surpris le monde. Il a fait l’impossible. Et il est réel. Il nous représente. Son désir : rassembler. L’effet produit une forme de désarroi, de dispersion. Les vieux sont déconcertés. Comme s’ils craignaient la nouveauté. Comme s’ils craignaient pour leurs prébendes. D’autres vieux dans mon genre sont heureux de l’ouverture qu’il incarne, pour la jeune génération. Pouvoir être heureux, ce n’est pas nécessairement nourrir un optimisme béat. L’aigreur du pessimisme doctrinaire qui fait alliance avec le cynisme et l’ironie, en revanche, me déplaît. La hargne déçue aussi, surtout quand elle a acquis des voix légitimes. Chacun son style, n’est-ce pas.
Emmanuel Macron a entendu les colères, aux extrêmes. Il a suivi les débats comme nous et mieux que nous peut-être. Il connaît aussi des dossiers que nous ne connaissons pas. Et nous en connaissons sans doute d’autres qu’il ne connaît pas. Dans cet espace d’ignorance mutuelle peut renaître une démocratie sclérosée et en berne depuis longtemps.
Depuis longtemps on nous parle de changement. Et il n’arrive pas. Comme l’a bien dit François Hollande, l’histoire bégaie. Sans doute parce que les hommes se répètent sans le savoir. Sortir du bégaiement ne va pas être aisé. Mais après tout, les causes trop aisément gagnées passaient sans doute à côté du plus dur.
J’ai été sensible au choix des mots d’Emmanuel Macron. Il ne s’est pas présenté comme un « dirigeant » mais comme un serviteur de la République. Il va tenter de se mettre au service de notre pays dans l’Europe telle qu’elle va mal. Et dans cette tentative, il va rencontrer évidemment toutes sortes d’obstacles, à commencer par les résistances des vieux partis. Evidemment, En Marche ne peut pas être un parti unique. Mais il pourrait constituer une majorité de rassemblement, avec ses opposants, de façon à ce que le jeu démocratique reste dynamique.
Puisque cette majorité de rassemblement ambitionne de rassembler des Français du Centre, de Droite et de Gauche, qui entendent s’atteler aux questions réelles qui minent notre pays, les leaders des partis qui combattaient plus pour des idées que pour modifier les réalités sociales sont déconcertés, d’autant que le rassembleur est vécu comme un traître aux idéaux des uns et des autres.
Si les Français étaient raisonnables, je crois qu’ils feraient le pari de l’espoir qu’incarne cet homme inattendu mais espéré par beaucoup de jeunes, de tous bords et de tous les milieux. Je crois donc qu’ils devraient lui donner 

la majorité à l’Assemblée, pour lui donner sa chance. Mais qui a dit que les Français sont raisonnables ?

 

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6 mai 2017 6 06 /05 /mai /2017 15:30

Belle lettre d'Eric Ruf, administrateur de la Comédie Française, sur son père, électeur du Front National.
Mon père était un homme intelligent…
Mon père était un homme intelligent et lettré. Il vantait à sa descendance la lecture nécessaire des classique, l’éduquait à la musique, il était de ces gens qu’on qualifie d’élite.
Mon père était électeur du Front National, à une époque où il était dur de le dire. Sur la table du salon, côtoyant les grands auteurs qui sont le socle de notre conscience au monde, se trouvait National Hebdo, le journal du Front National au discours haineux et à la prose déficiente. Je ne comprenais pas ce paradoxe mais il m’est vite apparu alors que les thèses de Jean-Marie Le Pen, loin de faire appel à l’intelligence ou aux qualités d’analyse de mon père ne faisaient que répondre à ses peurs et à sa solitude profonde en leur donnant un moyen d’expression et une justification aisés.
Mon père était un homme peu aimable, je l’ai aimé, je suis son fils, mais il m’a malheureusement légué une grande part de ses angoisses et de son incapacité au monde.
J’ai peur mais cette peur qui m’appartient, qui me taraude, je refuse de la remettre en des mains indélicates et intéressées. C’est à moi de la combattre et de la transformer si je puis.
Mon métier, le théâtre, m’a sauvé. Je l’ai choisi et il est devenu ma vie parce qu’il m’oblige tous les jours à rebattre mes cartes, à rencontrer sans cesse de nouvelles personnes et de nouvelles méthodes, parce que ni l’âge, ni le sexe, ni le niveau de diplôme, ni la culture, ni la couleur de peau n’y ont autorité, parce qu’il ne travaille que sur l’universalité du monde et qu’il le brasse dans son infini mystère. Le théâtre me sauve parce qu’il m’oblige à sortir de ma tanière et travaille le meilleur de moi-même en ne laissant pas grandir le pire. Ce combat en moi n’est et ne sera jamais gagné mais je sais, pour l’avoir vécu, ce que donneraient des générations nourries au lait empoisonné du Front National.
Ce parti auquel adhérait mon père, celui qui accède au second tour de l’élection présidentielle aujourd’hui, n’a pas changé. Sa force consiste toujours à remuer en nous nos facilités, notre dépit, notre haine de nous-mêmes et des autres. Actuellement on parle de peur du déclassement ou du refus de la mondialisation mais la recette est la même qu’hier : vanter des solutions simplistes en désignant des boucs émissaires, faire croire qu’un état plus fort, plus autoritaire, plus protectionniste aurait des solutions à tous nos problèmes, et donner crédit à cette omnipotence au simple prétexte que ceux-là on ne les aurait pas encore essayés. C’est faux. Aucune équation simple ni aucune posture martiale ne dénoueront jamais la complexité du monde dans lequel nous sommes précipités et l’Histoire témoigne douloureusement d’expériences plus que malheureuses, d’essais avérés et terrifiants.
Ce n’est pas Marine Le Pen qui est dangereuse, c’est nous qui le sommes à nous-mêmes. Si des millions d’électeurs lui apportent leur suffrage, ce n’est pas parce que son autorité est grande, elle n’est finalement que le simple réceptacle de nos peurs et de nos colères individuelles. Si ce n’était elle, nous en inventerions un autre.
Alors, pour interdire qu’on élève en nous ce que nous devons refuser de voir poindre, je voterai Emmanuel Macron sans aucune hésitation.
Éric Ruf

 
 
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1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 20:14
Montesquieu et l'Europe

Au moment où se discute l'élargissement de l'Union européenne, il est intéressant de lire un petit texte de Montesquieu, qui date de trois siècles environ. Né en 1689, Montesquieu est issu d'une famille de petite noblesse provinciale. À Bordeaux, il montre un intérêt constant pour les sciences. Petit à petit, il se tourne aussi vers l'histoire de l'humanité. Cet esprit ouvert sur le monde en ce début du XVIIIe siècle annonce ce qu'on appelle aujourd'hui le siècle des Lumières.

Ses Réflexions sur la monarchie universelle en Europe1 ont été écrites en 1727. Montesquieu y pose le problème de savoir ce qui peut apporter la prospérité et la paix dans une vaste région du monde comme l'est l'Europe.

Cette œuvre est de circonstance : en 1727, le règne de Louis XV en est à ses débuts, puisque la régence, commencée en 1715 vient de s'achever en 1726, et Montesquieu se demande s'il sera autant marqué par les guerres que celui de Louis XIV. Ce dernier a en effet mené de nombreuses guerres avec les pays voisins, guerres qui ont conduit à des traités, et à l'élargissement du territoire de la France. Montesquieu redoute une politique fondée sur la conquête militaire et c'est ainsi qu'il donne des « conseils » au nouveau souverain. C'est une attitude osée, et d'ailleurs Montesquieu par prudence préfère finalement ne pas publier son texte.

Que dit l'auteur de la politique qu'il envisage pour l'Europe ? Il déclare qu'il faut privilégier le commerce. Celui-ci doit être fondé sur un équilibre (c'est-à-dire un marché) auquel Montesquieu oppose l'arrivée massive en Espagne de l'or venu de l'exploitation des mines d'or d'Amérique, et ses conséquences désastreuses. Il explique en effet au chapitre II que cet or a entraîné un mécanisme d'inflation, qui a freiné le développement du pays : « Une plus grande quantité d'or et d'argent dans un État [fait] que tout y devient plus cher ; les ouvriers se font payer leur luxe et les autres nations peuvent donner leurs marchandises à plus bas prix. »

Au chapitre XVI, il précise son rejet de la politique de l'Espagne aux Amériques. De sa conquête, l'Espagne a ramené beaucoup d'or, mais le pays est resté pauvre. Montesquieu préfère évoquer d'autres expériences économiques : les mines d'Allemagne et de Hongrie ont développé le salariat, qui à son tour, a permis de développer, grâce au marché local, le commerce. L'Inde elle-même ne fonde pas sa richesse différemment : elle vend plus de vingt fois plus de marchandises que l'Espagne. Montesquieu conclue : « C'est une mauvaise espèce de richesses qu'un tribut d'accident et qui ne dépend ni de l'industrie de la nation, ni du nombre de ses habitants, ni de la culture de ses terres. »

Aux préoccupations économiques, Montesquieu ajoute des remarques sur le plan politique. Le pouvoir politique qui domine globalement l'Europe ne doit pas être composé d'États inégaux, écrasés par un pouvoir centralisé sur un territoire immense. Montesquieu évoque de tels empires centralisés mais fragiles, entre autres l'Asie, la Chine et le pouvoir ottoman. En Chine, un groupe de brigands peut facilement profiter de la faiblesse de la centralisation de l'État pour prendre le pouvoir. Quant à l'Empire ottoman, il ne représente pas un progrès, car sa politique a été fondée sur la conquête militaire. D'ailleurs n'a-t-il pas a subi, une vingtaine d'années plus tôt, en 1683, une défaite décisive face aux armées allemandes et polonaises ? Cette défaite marque de fait le début du recul ottoman en Europe 2. Les Turcs refluent en Europe centrale sous la poussée des armées autrichiennes, polonaises et russes. Un traité de 1699 officialise l'abandon de leurs territoires en Europe3.

De cette politique expansionniste ruineuse de l'Empire ottoman, Montesquieu tire la conclusion que la guerre paupérise l'État4. Même en période de paix les armées grèvent les budgets de l'État et empêchent tout développement : « Chaque monarque tient sur pied toutes les armes qu'il pourrait avoir si les peuples étaient en danger d'être exterminés, et on nomme paix cet état d'effort de tous contre tous. (...) bientôt à force d'avoir des soldats, nous n'aurons plus que des soldats, et nous serons comme des Tartares. » (chapitre XXIV). Contre la militarisation de la société, Montesquieu envisage pour l'Europe des relations commerciales réciproques entre États. Ce n'est pas la force qui doit être le ciment mais l'entente et les échanges. Aussi écrit-il (chapitre XVIII) : « L'Europe n'est plus qu'une nation composée de plusieurs, la France et l'Angleterre ont besoin de l'opulence de la Pologne et de la Moscovie, comme une de leurs provinces a besoin des autres : et l'État qui croit augmenter sa puissance par la ruine de celui qui le touche s'affaiblit ordinairement avec lui. ». Cette citation définit bien l'objet d'étude de son auteur : non pas la nation française mais d'emblée l'Europe, qui n'est « qu'une nation composée de plusieurs ».

L'équilibre qu'il constate provient de la nature même des régimes politiques en Europe à l'époque. Entre 1450 et 1780, on note que la forme de gouvernement de chaque État européen est stable malgré de réelles différences. Le Saint Empire germanique a à sa tête un empereur, choisi régulièrement dans la famille des Habsbourg, qui règne en Autriche, et élu par sept grands électeurs. En Pologne, le roi est élu par la noblesse. Il est assisté d'une diète et d'assemblées régionales. A Venise, le doge est élu par les riches marchands. Dans les Provinces unies, l'assemblée des États généraux est l'autorité politique la plus puissante. En France, Espagne, Portugal, Suède, et Prusse, le pouvoir en place est la monarchie absolue. En Angleterre, le Parlement joue un grand rôle, et ses conflits avec le roi mènent à des guerres civiles et finalement la monarchie parlementaire permet de trouver un équilibre5. La Russie, autre monarchie absolue, est tournée vers l'Europe de l'Ouest. Le tsar Pierre le Grand y fait deux voyages, l'un en 1697, l'autre en 1717. Suite à ces voyages, il modernise son pays. C'est ainsi que la cour quitte Moscou, jugée trop enfoncée dans les terres, et s'installe à Saint-Pétersbourg, proche de la Baltique. De plus, l'organisation de l'armée russe est confiée à des conseillers prussiens et autrichiens6.

Montesquieu est ainsi animé d'une réflexion « géopolitique » de l'Europe. De fait, pour Montesquieu et les Lumières en général, c'est bien l'Europe qui constitue un lieu de progrès. Mais sa pensée dépasse le cadre européen. Elle dépasse aussi les problèmes de son époque. Tout son texte montre une réelle culture cosmopolite. Pour Montesquieu, être d'avant garde, c'est penser évidemment de manière universelle. Voilà pourquoi il pense évidemment en Européen. Cette Europe, il indique que ce n'est pas par la guerre qu'on peut la bâtir. L'histoire montre que les pays qui ont alternativement cherché à dominer l'Europe, ont tous provoqué des dégâts qui les ont eux mêmes poussés vers la ruine. Montesquieu préfère mettre en avant les échanges entre les pays. Mais il n'en tire pas pour autant un éloge de la concurrence et du chacun pour soi. Au contraire, puisqu'il écrit : « en Europe les édits des princes affligent, même avant qu'on ne les ait vus, parce qu'ils y parlent toujours de leurs besoins et jamais des nôtres. » (chapitre XXV). Montesquieu étudie les rapports de force et souhaite un certain équilibre des États.

Aujourd'hui, en ce début de troisième millénaire, c'est apparemment une préoccupation des actuels dirigeants européens au moment de la discussion de l'ouverture de l'Union européenne à une dizaine de pays nouveaux. Mais il est facile de constater combien la démarche de Montesquieu, qui imagine une réelle civilisation européenne, n'a rien à voir avec les bourgeois actuels, timorés et dotés d'une seule philosophie, celle de leurs coffres forts. Aujourd'hui, les postulants à l'Europe élargie, au premier rang desquels il y a la Pologne et la République tchèque, n'enthousiasment guère les États européens riches car précisément ils sont pauvres, et l'obsession des titulaires actuels est de peser et soupeser ce qui sera apporté ou retiré par ces États nouveaux. Et là ce ne sont que calculs intéressés : en effet c'est à ces postulants que devrait logiquement revenir une partie importante des aides communautaires, presque 80 % des aides étant dans les domaines agricoles et de développement régional. D'où un certain malaise chez ceux qui profitent de cette manne : le principal bénéficiaire des aides agricoles est aujourd'hui un des pays les plus riches de l'Union… la France7.

Les problèmes d'équilibre et de développement homogène dans le monde bourgeois sont donc toujours là. Ils ont certes changé de forme, mais le texte de Montesquieu, représentant des tendances les plus progressistes de son époque, montre a contrario l'incapacité de la bourgeoisie depuis trois siècles à dépasser cette contradiction.

Le 31 janvier 2002

André Lepic

< O M /\

1 Pléiade Tome II, pages 19 à 38 et L'Intégrale, Seuil, pages 192 à 197
2 Pierre Chaunu, La civilisation de l'Europe des Lumières, Les Grandes Civilisations Arthaud, 1993, pages 47-92
3 Roger Mercier et al.L'Europe des grandes monarchies, Éditions P.E.M.F. 1996, page 35
4 http://www.u-grenoble3.fr/montesquieu/
5 Roger Mercier et al. op. cit. pages 32-33
6 Roger Mercier et al. op. cit. page 45
7 « The door creaks open », The Economist, 17 novembre 2001

< O M /\

URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/en_question/2002-01-31-Montesquieu_et_l_Europe.html

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1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 19:58
Sur le choix du moindre mal , Hannah Arendt

 Sur le choix du moindre mal (Hannah Arendt, Responsabilité et jugement, Payot, pp. 77-79 )

 

«  C’est la pensée religieuse qui rejette toute connivence avec le mal » ( « et  non la philosophie politique ou morale, à l’exception de Kant » ) 

« Le Talmud enseigne que l’on doit rejeter tout compromis avec le moindre mal »… «  De même Jean XXIII… on doit se garder de « toute connivence avec le mal » 

 

 

(Arendt poursuit) : « Politiquement,  la faiblesse de l’argument du moindre mal  a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal . »

 Arendt évoque les mesures anti-juives et le fameux argument avancé :  «  refuser de coopérer aurait aggravé les choses ». 

Arendt explique que ce type d’arguments, utilisé notamment par les gouvernements totalitaires, est l’un des mécanismes utilisés pour amener la population à accepter le mal comme tel. 

  On est donc là dans un cas de figure très particulier, où les individus ne parviennent plus à décider ce qui est bien et ce qui est mal, et vont même être conduits à inverser l’ordre moral commun (« Tu tueras « !). Ils ne parviennent plus à juger et le Pouvoir les incite à ne plus le faire. Au contraire Arendt dit que le seul  comportement qui est moral c’est-à-dire, c’est de ne pas rejeter la responsabilité sur le système (« je n’étais qu’un rouage »),  c’est de penser et de juger par soi-même: comme le gouvernement danois qui a su dire non à Hitler. Ce qui prouve qu’il n’y avait pas le choix que  entre deux options : le mal (collaborer) et plus mal encore (l’extermination).  Dans ce cas, selon Arendt,  évidemment l’argument du « moindre mal » ne tient pas.

 

 Pour ce qui concerne d’autres situations,  elle dit très explicitement   (dans  des circonstances ordinaires): « Si l’on est confronté à deux maux, alors le raisonnement tient: il est de son devoir d’opter pour le moindre, alors qu'il est irresponsable de refuser de choisir » .

De plus, elle précise bien pour ceux à qui cela aurait échappé: « Le mal commis par le III e  Reich  était si monstrueux qu’aucun effort de l’imagination ne pouvait permettre de l’appeler « moindre mal » … »

 

 

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1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 14:19

 

Pour ceux qui ne sont pas abonnés 

 

 

Pas sans  moi le 7 mai 

Mal relatif contre mal irréversible 

 

 

«Je suis dégoûtée de la politique. C'est fini  : je ne voterais plus jamais de ma vie ». Cette réaction d’une de mes proches qui a voté François Fillon  est à la mesure de son  dépit. Néanmoins, elle est pas très constructive. La position rageuse des initiateurs  du  mouvement « sansmoile7mai » me semble un peu comparable. La logique qui est la leur pose problème. Le syllogisme sur lequel elle repose comporte deux  prémisses dont une au moins  est  fausse :  «  Le bien est hors de portée.  Le mal  est le contraire du bien.  Tous les contraires du bien se valent ».  S'il est correct de poser que  « le bien  est  hors de portée » -  en tout cas pour le moment -   il n'est pas juste de soutenir  pour autant que le mal - le contraire du bien - est toujours le  Mal, etc… Car il n’y a pas de Mal, mais Il y a de multiples maux et ceux-ci sont hiérarchisables. De façon générale, tous les maux ne se valent pas. Soutenir que tous les maux se valent, c'est être relativiste,  donc péremptoire. C'est s’interdire  d’examiner froidement  différentes options dont aucune ne nous satisfait mais qui ne sont pas pour autant équivalentes. De façon générale, il est irréfléchi  de soutenir  que « la peste ne vaut pas mieux que le  choléra » ou vice versa :  avant de nous  prononcer, voyons en effet quels sont les traitements disponibles pour  déterminer si certains sont en mesure d’éradiquer ou de contenir  l’épidémie. Dans le même ordre d’idées, il n'est pas sérieux par exemple de prétendre que la démocratie imparfaite - parlementaire -  ne vaut pas mieux que la dictature ou  la  démocrature… Si tous les dogmatismes sont dangereux, les théories racistes le sont davantage que les idéologies antiracistes; toutes les maladies sont pénibles, mais certaines sont  susceptibles de rémission, d'autres non; toutes les violences sont redoutables, certaines peuvent être nécessaires, tandis que d'autres sont gratuites et  injustifiables. Dans le cas qui nous occupe, l’un des candidats incarne  peut-être une politique « fasciste néolibérale » ou bien sociale-libérale, ou encore sociale-démocrate, voire tout cela  à la fois,  donc tout le contraire en effet de ce qu’appelle de ses voeux un  électeur « vraiment  de gauche ». Est-ce une raison suffisante pour laisser prospérer l'autre figure du mal? Si Emmanuel Macron est élu, il ouvrira un boulevard aux Insoumis et peut-être aux ex-frondeurs, aux écologistes, tout cela  en vue -  qui sait - d’une recomposition de la gauche. Si Marine Le Pen est élue, elle  tentera d'inscrire dans la constitution la préférence nationale, ce que signifie qu’elle tirera  un trait sur le fondement même de notre contrat social et s’attaquera au coeur battant de notre république. Parallèlement, elle encouragera le Frexit, ce qui signifie une  possible liquidation de l’UE. Dommages irréversibles. On  sait que la patronne du Front National fait les yeux doux à la fois à Vladimir Poutine et à Donald Trump qui, en retour, se disputent ses faveurs. Or, offrir les clés de la planète à  deux mâles alpha irascibles est pour le moins aventureux. Dans les années 30, un intellectuel de renom disait préférer la barbarie à l’ennui. Aujourd’hui,  certains  électeurs du Front National n’hésitent pas (Libération du 25 avril 2017 :  « Je ne suis pas raciste, je suis au delà ») à dire que  il nous faudrait « une bonne guerre, et puis c’est tout ! ». Personnellement, je préfère l'ennui à la barbarie et le mal relatif au mal irréversible. Et, pour finir, l'argument selon lequel « c'est la « politique de l’extrême-marché » que Emmanuel Macron incarne  qui a fait le lit du Front National n'est pas non plus recevable:  c’est en combattant le Front National  dans le cadre d'une démocratie certes  imparfaite, mais réelle, que l'on peut tenter de l’affaiblir, et certainement pas en capitulant - en s’abstenant de prendre parti - lorsque celui-ci arrive effectivement aux portes du pouvoir. Voter  Marine Lepen  est suicidaire, refuser de prendre position pour lui faire obstacle est irresponsable. Car les anti-virus de cette pathologie lourde, voire mortelle  pour la démocratie,  sont peut-être à l’étude - ils ne sont pas actuellement disponibles.

 

Laurence Hansen-Löve,  Auteure de Oublier le bien. Nommer le mal,  Belin,  2016.

 

 

http://www.liberation.fr/debats/2017/05/01/pas-sans-moi-le-7-mai_1566392

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1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 12:54

(...) Supposez que les peuples d’Europe, au lieu de se défier les uns des autres, de se jalouser, de se haïr, se fussent aimés : supposez qu’ils se fussent dit qu’avant même d’être Français, ou Anglais, ou Allemand, on est homme, et que, si les nations sont des patries, l’humanité est une famille ; et maintenant, cette somme de cent vingt-huit milliards, si follement et si vainement dépensée par la défiance, faites-la dépenser par la confiance ! Ces cent vingt-huit milliards donnés à la haine, donnez-les à l’harmonie ! Ces cent vingt-huit milliards donnés à la guerre, donnez-les à la paix !

(Applaudissements.)

Donnez-les au travail, à l’intelligence, à l’industrie, au commerce, à la navigation, à l’agriculture, aux sciences, aux arts, et représentez-vous le résultat. Si, depuis trente-deux ans, cette gigantesque somme de cent vingt-huit milliards avait été dépensée de cette façon, l’Amérique, de son côté, aidant l’Europe, savez-vous ce qui serait arrivé ? La face du monde serait changée ! les isthmes seraient coupés, les fleuves creusés, les montagnes percées, les chemins de fer couvriraient les deux continents, la marine marchande du globe aurait centuplé, et il n’y aurait plus nulle part ni landes, ni jachères, ni marais ; on bâtirait des villes là où il n’y a encore que des écueils ; l’Asie serait rendue à la civilisation, l’Afrique serait rendue à l’homme ; la richesse jaillirait de toutes parts de toutes les veines du globe sous le travail de tous les hommes, et la misère s’évanouirait ! Et savez-vous ce qui s’évanouirait avec la misère ? Les révolutions. (Bravos prolongés.) Oui, la face du monde serait changée ! Au lieu de se déchirer entre soi, on se répandrait pacifiquement sur l’univers ! Au lieu de faire des révolutions, on ferait des colonies ! Au lieu d’apporter la barbarie à la civilisation, on apporterait la civilisation à la barbarie !

(Nouveaux applaudissements.)

Voyez, messieurs, dans quel aveuglement la préoccupation de la guerre jette les nations et les gouvernants : si les cent vingt-huit milliards qui ont été donnés par l’Europe depuis trente-deux ans à la guerre qui n’existait pas, avaient été donnés à la paix qui existait, disons-le, et disons-le bien haut, on n’aurait rien vu en Europe de ce qu’on y voit en ce moment ; le continent, au lieu d’être un champ de bataille, serait un atelier, et, au lieu de ce spectacle douloureux et terrible, le Piémont abattu, Rome, la ville éternelle, livrée aux oscillations misérables de la politique humaine, la Hongrie et Venise qui se débattent héroïquement, la France inquiète, appauvrie et sombre ; la misère, le deuil, la guerre civile, l’obscurité sur l’avenir ; au lieu de ce spectacle sinistre, nous aurions sous les yeux l’espérance, la joie, la bienveillance, l’effort de tous vers le bien-être commun, et nous verrions partout se dégager de la civilisation en travail le majestueux rayonnement de la concorde universelle.

(Bravo ! bravo ! - Applaudissements.)

Chose digne de méditation ! ce sont nos précautions contre la guerre qui ont amené les révolutions ! On a tout fait, on a tout dépensé contre le péril imaginaire ! On a aggravé ainsi la misère, qui était le péril réel ! On s’est fortifié contre un danger chimérique ; on a vu les guerres qui ne venaient pas, et l’on n’a pas vu les révolutions qui arrivaient.

(Longs applaudissements.)

Messieurs, ne désespérons pas pourtant. Au contraire, espérons plus que jamais ! Ne nous laissons pas effrayer par des commotions momentanées, secousses nécessaires peut-être des grands enfantements. Ne soyons pas injustes pour les temps où nous vivons, ne voyons pas notre époque autrement qu’elle n’est. C’est une prodigieuse et admirable époque après tout, et le dix-neuvième siècle sera, disons-le hautement, la plus grange page de l’histoire. Comme je vous le rappelais tout à l’heure, tous les progrès s’y révèlent et s’y manifestent à la fois, les uns amenant les autres : chute des animosités internationales, effacement des frontières sur la carte et des préjugés dans les coeurs, tendance à l’unité, adoucissement des moeurs, élévation du niveau de l’enseignement et abaissement du niveau des pénalités, domination des langues les plus littéraires, c’est-à-dire les plus humaines ; tout se meut en même temps, économie politique, science, industrie, philosophie, législation, et converge au même but, la création du bien-être et de la bienveillance, c’est-à-dire, et c’est là pour ma part le but auquel je tendrai toujours, extinction de la misère au dedans, extinction de la guerre au dehors.

(Applaudissements.)

Oui, je le dis en terminant, l’ère des révolutions se ferme, l’ère des améliorations commence. Le perfectionnement des peuples quitte la forme violente pour prendre la forme paisible ; le temps est venu où la Providence va substituer à l’action désordonnée des agitateurs l’action religieuse et calme des pacificateurs.

(Oui ! Oui !)

Désormais, le but de la politique grande, de la politique vraie, le voici : faire reconnaître toutes les nationalités, restaurer l’unité historique des peuples et rallier cette unité à la civilisation par la paix, élargir sans cesse le groupe civilisé, donner le bon exemple aux peuples encore barbares, substituer les arbitrages aux batailles ; enfin, et ceci résume tout, faire prononcer par la justice le dernier mot que l’ancien monde faisait prononcer par la force.

(Profonde sensation.)

Messieurs, je le dis en terminant, et que cette pensée nous encourage, ce n’est n’est pas d’aujourd’hui que le genre humain est en marche dans cette voie providentielle. Dans notre vieille Europe, l’Angleterre a fait le premier pas, et par son exemple séculaire elle a dit aux peuples : Vous êtes libres. La France a fait le second pas, et elle a dit aux peuples : Vous êtes souverains. Maintenant faisons le troisième pas, et tous ensemble, France, Angleterre, Belgique, Allemagne, Italie, Europe, Amérique, disons aux peuples : Vous êtes frères ! »

(Immense acclamation. - L’orateur se rassied au milieu des applaudissements.)

Victor Hugo [2]
 
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24 avril 2017 1 24 /04 /avril /2017 15:44
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23 mars 2017 4 23 /03 /mars /2017 21:12

Mensonges et (post) vérité .. un article sur un sujet qui me tient à coeur.. mais payant !

 

http://www.imagine-magazine.com/lire/spip.php?article2275

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21 mars 2017 2 21 /03 /mars /2017 13:52

Les programmes politiques, un outil dépassé, Le Cercle - Les Echos

Lire aussi le cahpitre "Désuétude du politique" dasn le livre de Michel Puech , Homo sapiens technologicus

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