La Danse de la vie humaine de Poussin (vers 1640)
Les quatre personnages au centre font une ronde en se donnant la main, tournés vers l’extérieur (le monde, la vie, le cours du temps ?). Ils sont donc liés les uns aux autres sans communiquer entre eux.
La femme la plus à droite (turban, épaules nues, robe simple, pieds nus) est l’allégorie de la pauvreté. Vient ensuite une autre femme, le travail ou la peine (tresses nouées, membres dégagés, pieds chaussés). Puis, à gauche, une troisième femme (diadème, vêtements luxueux, pieds chaussés), allégorie de l’opulence. Enfin, de dos, un homme (couronne de laurier du poète antique, pieds nus), le loisir, « activité » des esprits supérieurs rendue possible par l’oisiveté que leur procure l’opulence. La chaîne est ainsi clairement lisible : la pauvreté contraint l’être humain au travail, source de la richesse qui permet à quelques-uns d’avoir le loisir de s’adonner aux choses de l’esprit.
On peut également remarquer que le travail et la richesse sont vêtus de couleurs vives, alors que la pauvreté et le loisir portent des couleurs ternes ou sombres. Les deux premiers sont de face, les deux autres en arrière-plan et de dos. La société ne reconnaît comme valeurs que la travail et la richesse ; elle veut ignorer/masquer la réalité de la pauvreté (pourtant origine de la contrainte du travail) ; quant aux élites cultivées issues de l’opulence, elles se tiennent éloignées du peuple ignorant.
Poussin met en évidence la vanité de cette chaîne : les quatre allégories font la ronde sans la maîtriser, sur l’air que joue le temps (le vieillard à la lyre), pendant que l’enfant au sablier, à ses pieds, attend que la musique s’achève et que la mort vienne. L’oisif cultivé est déjà habillé en noir, en bout de chaîne.
Au-dessus passe sur son char Apollon, dieu des Arts, inscrit dans le cercle du zodiaque, méprisant le spectacle affligeant que donnent les élites cultivées ayant partie liée avec la richesse et qui comme elle se nourrit d’une humanité misérable et laborieuse. Le véritable homme de l’Art, tel Poussin, parviendra-t-il à s’élever jusqu’au dieu en échappant à cette ronde servile ?
merci à Jean-francois Gau