Une société plus violente : info ou intox? (novembre 2021)
Abstract Ce qui pose problème dans la formulation de cette question, c’est le « plus ». Il est vain de vouloir évaluer objectivement la violence en prétendant la mesurer, c’est à dire, en l’occurrence, la chiffrer. La question de l’échelle sur laquelle on va situer les différentes formes de violence constitue une difficulté du même ordre : une société sera jugée moins violente qu’une autre sous un angle (moins d’homicides par exemple) et plus violente à d’autres égards (dégradation de la nature, déferlement de discours haineux, bombardement d’images agressives, pornographie envahissante, harcèlement en ligne, maltraitance animale à l’échelle industrielle etc.). Parce que la violence est un virus mutant, il est impossible d’établir que LA violence diminue globalement ou bien au contraire s’accroît avec le temps. La violence ne se résume à une constellation de faits. Je partirai d'une définition de la violence prenant en compte ses mutations mais aussi le ressenti des observateurs et des victimes, ce qui ne signifie pas tomber dans le relativisme : il est vrai que notre société est objectivement « moins violente » à certains égards. Toutefois notre époque comporte des potentialités de violences inédites et considérables.
Introduction
Une société plus violente? Laquelle? Quelle société ?
Il est tentant de se limiter au cas de la France, mais il n’est pas certain que les conclusions tirées pour la France puissent valoir pour la planète tout entière.
D’un autre côté il vaut mieux limiter son champ d’observation pour éviter des généralités creuses et invérifiables.
Second problème : plus violente depuis quand exactement ? Les dernière années par exemple? Ou bien depuis 1945, autrement dit en période de paix ?
Troisième problème : il y a un énorme décalage entre notre ressenti (le ressenti de certains?) et de nombreuses études qui montrent que la violence - selon une définition objective- a plutôt tendance à diminuer. La question est : faut-il balayer ce ressenti, et la mettre sur le dos de l’intox : effet des nouveaux médias et exploitation du sentiment d’insécurité par certains acteurs politiques.
Je commence par un état des lieux, puis je m’attacherai à la question de la définition (ou plutôt des définitions de la violence) avant d’esquisser une réponse .. extrêmement prudente (« la violence n’augmente pas.. mais … »)
I Etat des lieux
« Le monde est de plus en plus violent aujourd’hui » ?
Oui selon certaines données (Je commence par des chiffres de 201ç car la délinquance a diminué en 2020 en raison du confinement Délinquance : baisse globale en 2020 sauf pour les violences familiales et sexuelles selon les chiffres du Ministère de l’intérieur))
EN FRANCE
2019
Insécurité et délinquance
Les chiffres de l'insécurité et de la délinquance pour l'année 2019 ont été publiés mercredi 30 septembre 2019
"Plusieurs indicateurs sont particulièrement mauvais pour cette année", rapporte la journaliste Sophie Neumayer en plateau. Ainsi, les coups et blessures volontaires ont augmenté de 8 %, "dont la moitié correspond à des violences au sein de la famille", précise la journaliste de France 2.
2019
Augmentation générale des actes racistes et antisémites en France en 2019.
Bilan 2019 des actes antireligieux, antisémites, racistes et xénophobesEn 2019, 687 faits à caractère antisémite ont été constatés l’an dernier contre 541 en 2018, soit une augmentation de 27 %. S’agissant des faits antichrétiens, leur nombre est stable sur l’année, avec 1052 faits recensés, qui se décomposent en 996 actions et 56 menaces. Quant aux faits anti-musulmans, leur nombre demeure relativement faible (154 faits, qui se décomposent en 63 actions et 91 menaces), mais il est en hausse par rapport à 2018. S’agissant des faits à caractère raciste et xénophobe, ils ont augmenté en 2019, avec 1 142 faits comptabilisés (contre 496 en 2018). https://www.gouvernement.fr/bilan-2019-des-actes-antireligieux-antisemites-racistes-et-xenophobes
2020
Les préjugés ont reculé en 2020 mais les actes anti-musulmans ont bondi de 52 %, révèle un rapport de La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH)
« il y a un lent et continu recul des préjugés en France », précise Nonna Mayer, directrice de recherche émérite du CNRS au Centre d’études européennes et de politique comparée (CEE) de Sciences Po » … "Ce bilan positif est toutefois terni par la hausse très importante, cette année encore, des faits racistes visant la communauté musulmane. Contenus pendant le confinement strict imposé entre mars et mai 2020, ils ont bondi de 40 % au dernier trimestre de l’année et ont augmenté de 52 % sur l’ensemble de l’année écoulée. Au total, ces actes islamophobes – principalement des menaces, précise la CNCDH – représentent 16 % de l’ensemble des faits racistes relevés par le ministère de l’Intérieur, contre 8 % en 2019 ».
Violences intra familiales et viols
Janvier 2021: Pour la troisième année consécutive, les viols (+ 11 %) et les violences intrafamiliales (+ 9 %) ont été en forte hausse en 2020, d’après le premier bilan annuel de la délinquance publié jeudi 28 janvier par le ministère de l’intérieur.( Le confinement, facteur aggravant des violences contre les femmes
Mais d’autres données sont accessibles à tous : la violence sur les réseaux sociaux, l’agressivité des images (jeux vidéos), la pornographie envahissante, les enfants victimes de harcèlement (Mulhouse, octobre 2021: « une marche blanche en mémoire de Dinah, 14 ans, qui s'est pendue après deux ans d'insultes et de harcèlement »).
Ajoutons à cela l’«éditorialisation des médias », et sa conséquence, ce que certains appellent l’ « ère du clash ». Les chaines d’infos font du buzz en invitant des polémistes qui s’insultent au lieu de présenter des informations. « La tendance à la violence pour la violence semble de plus en plus renforcée par la façon dont s’effectue la consommation de la télévision a commencé par la pratique du zapping véritable encouragement à la non-contextualisation des images reçues » Michel Wieviorka, La violence. Voix et regards.(Ed. Balland, 2004).
Et dans le monde? Y a-t-il des points communs?
On n’est pas du tout dans le même ordre de grandeur ni dans le même registre de violences. La guerre en Syrie, le terrorisme, mais aussi la criminalité organisée : « La violence ouverte des mafias se rapproche du terrorisme », selon le procureur général de Belgique. Pour Frederic Van Leeuw, le modèle ultra-violent des trafiquants latino-américains se diffuse en Europe (La monde 28 septembre 2021). On ne peut pas comparer ni hiérarchiser des violences qui sont sans commune mesure ! Que penser des enfants vendus comme esclaves au Ghana?Ghana : sur le lac Volta, le calvaire des enfants esclaves
(De nombreux mineurs sont forcés de travailler dans l’industrie de la pêche sur le plus grand lac artificiel du monde et subissent quotidiennement des violences
Cependant, il y a aussi des causes de violences qui sont liées au monde contemporain et qui sont partagées)
La mondialisation est en soi porteuse d’une grande violence. C’est ce que montre Michel Wieviorka. C’est ce que confirme le rapport de la CIA de 2021 Le monde en 2040. Un monde plus contesté. Les nouveaux défis mondiaux- j’y reviendrai en conclusion.
Mais d’un autre côté, si on change complètement de perpective c’est à dire si on compare notre monde et celui de nos ancêtres : le bilan sera totalement opposé. Sur la durée, la société est dans l'ensemble moins violente, affectée de moins de moins homicides. (Jean-Claude Chesnais Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours (1981).
L’humanité de moins en moins violente
Si on compare la France d’aujourd’hui à celle du 17-18 e siècle, l’idée de mettre le feu aux châteaux des seigneurs ou de se balader avec des têtes au bout dune pique ne nous vient plus spontanément.- à l’esprit.
« L’Etat a le monopole de la violence légitime ». Pour prendre des exemples encore plus récents, les manifestations sanglantes (violence policières) nous horrifient, pourtant les massacres du 17 octobre 1961 et 1962 (métro Charonne), ne sont pas si loin. Donc les violences physiques font l’objet d’une condamnation assez consensuelle(cf par exemple l’interdiction des fessées) (Jean-Claude Chesnais Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours (Editions Robert Laffont, 1981) ).
Enfin l’humanité dans son ensemble est moins violente comme le montre Steven Pinker dans La part d’anges en nous. Histoire de la violence et de son déclin (Editions des Arênes,2017)
Selon Steven Pinker : « Aussi incroyable que cela paraisse, nous vivons l’époque la moins violente et la plus paisible de toute l’histoire de l’humanité ». (« L'auteur, fait le tour des motivations humaines pour la violence tout en montrant de manière détaillée et tres documentée que nous - en tant qu’espèce - y sommes de moins en moins portés du fait d'un développement spectaculaire, depuis environ un siècle, de nos capacités d'auto-contrôle et d'empathie ainsi que du renforcement des lois, normes morales et institutions internationales , limitant les antagonismes et les violences entre individus et nations qui en résultent. Que l'on soit d'accord ou non avec tel ou tel modele d'explication exposé au cours des chapitres de cette oeuvre magistrale, il importe d'en prendre connaissance si l'on veut essayer de comprendre le coté obscur de l’humanitude » (Babelio))
Exemples : Il n’y a plus de combats de gladiateurs ni de crucifixions ni de guillotines En Europe, il y a encore des monarchies, mais les rois ne font plus couper la tête de leurs femmes si elle ne leur donnent pas un enfant mâle, comme ce fut le cas de Henri VIII avec Anne Bollein.
Conclusion
L’humanité est de moins en moins violente globalement, sur une très large échelle.
Alors pourquoi cette remontée de la violence aujourd’hui? Ne s’agit-il que d’un sentiment - le fameux « ressenti » - bref d’une illusion? Parce que nous sommes de plus en plus horrifiés par la violence, donc nous avons le sentiment qu’elle augmente?
II la question de la définition de la violence
Même si Steven PInker a raison, sa thèse ne contient qu’une part de la vérité. Pourquoi? Parce que la violence ne se réduit pas à ce dont il fait l’inventaire : les violences physiques, incontestables, observables et quantifiables : homicides, tortures, esclavage proprement dit, cruautés ouvertes etc.. Parce que ces violences là régressent, cela ne veut pas dire que LA violence décroit.
Il faut commencer par écarter une définition soi-disant objective de la violence : par exemple coups et blessures ayant entraîné ou pas la mort. Par exemple un enfant peut subir des violences psychiques qui ne laissent pas de traces.
Je retiens la définition de Michel Wievorka: LA NEGATION DU SUJET
Celle-ci du point de vue des victimes peut résulter d’une atteinte à l'intégrité physique mais pas seulement. Elle peut aussi se traduire par « une subjectivité niée, ravagée, sur la destruction des repères subjectifs dans le cadre desquels se meut la personne, elle-même alors plus ou moins atteinte par un sentiment de dépersonnalisation, de désintégration de la personnalité, de rupture ou de discontinuité dans la trajectoire personnelle ; avoir été victime c’est éprouver aussi souvent, un sentiment de honte, de culpabilité et, toutes sortes de troubles » Michel Wievorka (p.101).
« Il ne s’est rien passé » titre d'un épisode de la Série H24 sur Arte en octobre 2021 Une jeune fille qui évoque ses années d’apprentissage avec son professeur de violoncelle.
Est-ce que c’est moins grave que la violence physique? Pas forcément.Une violence moins violente?
D’autre part, le processus de civilisation qui se traduit globalement par une diminution de la violence est-il homogène et régulier?
Norbert Elias dans La civilisation des mœurs, 1939 (Agora, 2003),montre que les occidentaux ont appris à partir du Moyen-Âge à contrôler et à intérioriser leurs pulsions. Le processus général de civilisation l'agressivité des personnes et des nations a été émoussé est limité par une infinités de règles et de interdiction devenu peu à peu des auto contrainte. Le sport en constitue l'illustration emblématique. La violence y est réduite et l’agressivité sublimée.
Mais cette thèse se heurte à des objections de taille.
Tiout d’abord le livre date de 1939 « demeure le point aveugle de l'œuvre d’Elias . Dans les années 60, tu théoriser la « barbarisation » massive encore la « dé-civilisation » qui Allemagne nazie.
Deuxièmement, le processus de civilisation n’affecte jamais une société de manière homogène, ni toutes les nations également ni en même temps !
Il faut donc s’interroger sur le retour de la violence dans nos sociétés, au XX siècle !
Depuis 1945, pas de grandes guerres internationales mais des génocides (Rwanda , Bosnie, Syrie ) et des guerres multiples dont les civils sont désormais les principales victimes. Et le terrorisme islamiste… qui fait peu de victimes sen Occident mais qui crée un climat de terreur. C’est ce qu’avait prévu Freud dans Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort (1915). Le recul des guerres ne manquerait pas de produire un retour du refoulé !
D’autre part, il y a une violence diffuse dans nos sociétés, une violence insidieuse. C’est ce qu’on voit par exemple avec la surenchère dans la violence des images (représentation dégradante de la femme dans la pornographie (Pornhub: 115 millions de visiteurs par jour, Les sites pornos reçoivent splus de visites que Netfix, Amazon et Twitter réunis).
Et aussi le vaste domaine des incivilités (insultes, vandalisme, rodéos urbains etc..) et violences indirectes de la haine ordinaire (harcèlement en ligne et à l’école; Ces violences créent ce sentiment d’insécurité dont on a tort de dire qu’il est « subjectif » donc non recevable
Conclusion
La violence aujourd’hui n’est pas moindre. Elle est autre. Et nombre de violences ne sont pas prises en compte par une approche comme celle de Steven Pinker.
III Sur l’augmentation de la violence aujourd’hui
Il y a des formes de violences (permanentes) qui sont désignées par des mots nouveaux. L’invention d’un mot ne signifie pas que la chose désignée surgit tout à coup. Mais la nomination joue le rôle de révélateur, comme le bain de nitrate d’argent dans lequel on plonge une plaque photographique.
Mais Il y a aussi des violences nouvelles propres à notre époque.
Je distinguerai deux approches. Premièrement les violences qui nous indignent aujourd’hui, sans qu’on puisse dire si elles ont effectivement augmenté.
Et les violences qui augmentent effectivement, objectivement. Ces dernières sont difficiles à évaluer et encore plus à hiérarchiser !
Premièrement : Les violences permanentes. Les violences à l’égard des femmes (des enfants, des plus fragiles) : prenons le cas des féminicides. Il est clair que l’invention d’un mot, s’il ne crée pas le mal, attire notre attention si quelque chose qui était sinon invisible, en tout cas « invisibilisé ». Or c’est précisément cette invisibilsation de la violence faite aux femmes - depuis la nuit des temps - qui est soulignée aujourd’hui. Autre exemple: la pédo-criminalité dans l’Eglise ou dans la famille.Ou encore les relations « consenties » d’un adulte avec une mineure - voir le récit de Vanessa Springora Le consentement sur sa relation avec Gabriel Matzneff. Voir « Les métamorphoses de la violence morale » dans Le déchainement du monde de François Cusset
Deuxièmement, la violence des formes actuelles du système capitaliste et des technologies les plus avancées : « La nouvelle brutalité systémique ». François Cusset écrit dans Le déchaînement du monde. Logique nouvelle de la violence, La dédcouverte, 2018) : « L'économie au lieu de pacifier les sociétés répand une violence inédite, latente ou manifeste » : il cite notamment « une logique comptable exclusive, un économisme sacrificiel, des institutions détournées de leur service du bien commun » etc. Analyse proche de celle de Achille Mmembe dans son livre Brutalisme qui souligne la violence inhérente « devenir-artificiel de l’humanité (et à son pendant, le devenir- humain des machines »). Il écrit: « La transformation de l’humanité en matière et énergie est le projet ultime du « brutalisme ». Voir à ce sujet le film Titane et l’émerveillement des critiques devant la modernité extrême de l’œuvre.
Troisièmement : Une violence bien réelle est en augmentation, celle qui concerne notre rapport à la nature et au vivant. Le fait de détruire la biodiversité et de pousser des millions de personnes à émigrer est une violence inouïe et propre aux temps modernes. La notion d’écocide a été inventée pour NOMMER ce phénomène inédit . « Nous sommes gouvernés par des psychopathes » Bertrand Piccard.
Quatrièmement : Le déferlement de haine dans le monde virtuel mais aussi dans le monde réel. Depuis le harcèlement en ligne et à l’école jusqu’à l’assasinat de petit enfants juifs tués à bout portant. Wievorka dans Face au mal (2018) avance une explication sociologie et psychologique : il évoque la dé-subjectivisation qui concerne les aspirants terroristes. On retrouve l’idée de « négation du sujet » mais cette fois pour les criminels : « Des individus au bout d'un parcours qui les mène à la violence extrême (…) cessent d’être des sujets, pour basculer du côté du mal", et ils cherchent à leur manière à « redevenir des sujets » par exemple en rejoignant Daesh en Syrie.
D’autre part, il y a le phénomène plus général et plus banal de montée de la haine ordinaire, sur les réseaux sociaux mais pas seulement. Voir Hélène L’Heuillet « Tu haïras ton prochain comme toi -même" (2017) et dernièrement (2021) Pascal Ory De la haine du juif. Essai historique : sur la permanence de l’antisémitisme au France et même son retour en force.
Pourquoi tant de haine? La haine serait le rejet de la part de l’autre qui est en soi. Cette hypothèse vaut pour l’individu comme pour les peuples. Le populisme en témoigne qui est la pathologie de la démocratie - le « double grimaçant de la démocratie ». Il fait recette lorsque « un leader fait miroiter la possibilité de se passer de tiers, d’altérité ». La haine en démocratie serait une forme de haine de la démocratie (61% des français en octobre 2021 adhèrent à la thèse du grand remplacement ). Nostalgie d’une société close, sans médiation, ni division ni représentation : fictif, il s’agit du peuple homogène et soudé, il est celui de tous les populismes (Hélène L’Heuillet)
Récapitulation et conclusion (III)
La violence ne régresse ni ne progresse. Elle change constamment de forme.
Les formes actuelles de la violence sont moins violentes.: au sens de moins sanglantes, elles sont moins franches, moins visibles.
Pourquoi cette permanence de la violence (= le mal?)
Pour Hannah Arendt la violence se confond avec le refus de la pensée : « Elle a eu l’intuition de ce que la clinique criminologique ne cesse de confirmer : c'est d'abord dans le vide de la pensée, dans l'incapacité à élaborer nos conflits ou plus prosaïquement à les contenir psychiquement que c'est inscrit le mal ». Daniel Zagury, La barbarie des hommes ordinaires, p.11). Michel Wieviorka appelle cela « un déficit de subjectivité » : le refus ou l’incapacité d’être un sujet (La violence, op.cit, p.296).
Pour le dire simplement : c’est le refus de faire face à la part maudite de l’humanité qui serait la racine du mal.
Ce refus de reconnaitre et d’accepter la complexité de la réalité en nous et hors de nous (par exemple : que le sexe et le genre peuvent ne pas coïncider, ou encore, sous l’angle social, qu’il est difficile voire impossible de trier les immigrés) qui nous pousse à se construire une subjectivité factice dans la jouissance de la violence. « On tue pour avoir qui est l’autre et pour en déduire qui l’on est »(Arjun Apadural, Ethnic Violence in the Era of globalisation, in Genocide: an Anthropological Reader, Alexander Laban Hinton, Ed. Blackwell, 2002, pp; 286-304)
En quel sens la violence, ainsi analysée aujourd’hui, peut -elle être ssuscitée ou accentuée par la mondialisation? La mondialisation nous déstabilise tous : « Les violences (ethniques) tiennent à l’incertitude, à la perte de repères au fait que l'on ne sait plus qui on est » » « Quand ces formes d'incertitudes sociales entrent en jeu, la violence peut créer une forme macabre de certitude et devenir une technique brutale (...) sur eux et sur nous » : « La violence se déploie ici lorsqu'il n'y a plus d'identité collective ou qu'elle est amoindrie elle est l'expression terrifiante du sujet délesté de toute identité, ou en passe de le devenir, en lutte pour sa survie » (Michel Wievorka, p.290) « On tue pour avoir qui est l’autre et pour en déduire qui l’on est »(Arjun Apadural, Ethnic violences in the Era of globalisation , in Genocide: an Anthropological Reader, Alexander Laban Hinton, Ed. Blackwell, 2002, pp.286-304)
Conclusion.
(Au delà des causes politiques et économiques de la violence qui sont permanentes dans l’Histoire, mais sans doute limitées aujourd’hui par les institutions internationales, de l’équilibre des forces et du fait de l’évolution des moeurs),
La mondialisation accroit l’angoisse liée au sentiment (fondé) de l’instabilité croissante du monde. Le constat de la relativité des systèmes de valeurs - lié au désenchantement du monde - augmente ce désarroi, voire cette panique.
Analyse confirmée par un rapport de la CIA : « Le monde en 2024, Un monde plus contesté « Un mode à la dérive : « Le système international est sans direction, chaotique et instable car les règles et institutions internationales sont largement ignorées ». Néanmoins tout n’est pas négatif.
La violence - sous toutes ses formes - est de plus en plus largement rejetée (par les opinions publiques et par les intellectuels) et l’impuissance des dirigeants de plus en plus condamnée par la jeunesse- celle qui défile pour le climat. Le fait de nommer le mal - féminicide, écocide, invisibilité - est un progrès notable même si le résultat paradoxal est le sentiment que la violence augmente.
Livres cités
Wievorka dans Face au mal. Le conflit sans la violence (Ed. Textuel, 2018)
Michel Wieviorka, La violence. Voix et regards (Ed. Balland, 2004)
(Arjun Apadural, Ethnic violences in the Era of globalisation , in Genocide: an Anthropological Reader, Alexander Laban Hinton, Ed. Blackwell, 2002, pp.286-304)
Norbert Elias dans La civilisation des mœurs, 1939 (Agora, 2003)
Hélène L’Heuillet « Tu haïras ton prochain comme toi -même" ( Albin, Michel, 2017)
Achille Mmembe , Brutalisme, ( Ed. La découverte, 2001)
Pascal Ory, De la haine du juif. Essai historique (Ed. Bouquins, 2021)
commenter cet article …