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Tocqueville et la démocratie
Alexis de Tocqueville 1805-1859
Né dans une famille aristocratique qui a pourtant adhéré aux idéaux de la révolution française. Il hérite de son père un goût prononcé pour la vie intellectuelle ainsi que pour le service public dans lequel il voit le véritable héritier des temps aristocratiques.
(Député en 1839, membre de l’Assemblée constituante en 1848).
En 1827, il commence une carrière de juge. En 1830, il comprend que Charles X est dans une situation désespérée ; il se tourne alors vers l’idéal démocratique.
En 1831, à 27 ans, il part pour les Etats-Unis où il reste près d’un an, pour étudier le système pénitentiaire américain. A son retour, il rédige : De la démocratie en Amérique. Son enquête est motivée par une inquiétude qui concerne notre avenir : « la France peut-elle échapper aux périls qui guettent toute démocratie ? »
Et plus précisément : « A quelles conditions une société dans laquelle le sort des individus tend à s’uniformiser, peut-elle ne pas sombrer dans le despotisme ? »
En Amérique, il va observer le principe démocratique à l’œuvre : « à la fois les risques qu’il fait courir et les avantages qu’il offre à la liberté ».
La définition de la démocratie
La démocratie n’est pas ici considérée sous l’angle de ses institutions, mais en tant que vision du monde, état d’esprit, mentalité. De ce point de vue elle ne ressemble à rien de ce qui a existé, elle constitue une rupture avec tout ce que l’on a connu.
La démocratie comporte trois principes générateurs : l’égalité des conditions, la souveraineté du peuple, l’opinion publique
L’égalité des conditions
Ce n’est pas une réalité. Il y a toujours des maîtres et des valets, de nouvelles inégalités se reconstituent sans cesse. MAIS c’est un ETAT D’ESPRIT. Les hommes sont égaux pour l’imaginaire démocratique : tout le monde peut se faire une place au soleil. Donc les nouveaux riches ne sont pas l’équivalent des anciens aristocrates. Leur situation est définitivement INSTABLE.
La souveraineté du peuple
Aucune famille, aucun corps, ne possède un pouvoir ni des privilèges transmis pas hérédité. En cela la société américaine diffère de toutes les autres sociétés passées : même les individus n’ont pas de pouvoir !
Seule la société tout entière détient la souveraineté.
L’opinion publique
C’est le pouvoir invisible que la société exerce sur elle-même. Etant donné qu’aucun homme ne possède une autorité naturelle et incontestable. Etant donné qu’aucun homme ne peut se passer d’ autorité intellectuelle et morale : l’homme démocratique s’en remet à l’opinion publique pour penser. Résultat : la contrainte exercée sur les individus par le pouvoir social est plus grand que partout ailleurs, engendrant le préjugé que la majorité a forcément raison. Ce qui revient à considérer que la justice « est dans le plus fort, à savoir le plus grand nombre »
Force et faiblesse de la démocratie :
Force :
Les sociétés démocratiques ne viennent pas à bout de l’inégalité, mais elles ne cessent de la combattre. D’une part la mobilité sociale est telle que les hiérarchies ne sont jamais définitives. D’autre part,le pouvoir doit constamment intervenir en faveur des plus démunis. Enfin l’égalité des conditions, même imaginaire, apporte l’adoucissement des mœurs.. Tous les hommes sont tenus pour semblables, on ne peut être indifférents au sort des plus mal lotis.
Faiblesse :
L’égalité place les hommes les uns à côté des autres, sans aucun lien qui les rattache. Pour être égaux, les individus sont indépendants et séparés. La démocratie, c’est l’individualisme qui défait le lien social. La démocratie est un régime apolitique. « Le despotisme qui est dangereux dans tous les temps, est donc particulièrement à craindre dans les siècles démocratiques ».
Conclusion
Tocqueville admire la démocratie, mais dans sa modalité américaine, parce qu’elle y est modérée et libre. La démocratie américaine a produit un certain nombre de contrepoids - associations, presse, indépendance de la justice…- qui excluent le despotisme et atténuent la toute puissance des opinions majoritaires.
En France, la passion de l’égalité et l’individualisme illimité risquent de faire pencher la balance du mauvais côté. Du côté du despotisme. Bienveillant ? Mais quand même terrifiant.