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31 janvier 2017 2 31 /01 /janvier /2017 16:07

 

 

 Oui mais voilà…

Le peuple est par excellence un mot piégé.. il désigne des  « réalités »   irréconciliables.

 

    Le « peuple » républicain est  une construction et non une entité naturelle ou historique  : c’est le peuple de Rousseau ou de Cicéron :

« Par peuple, il faut entendre, non tout un assemblage d'hommes groupés en un troupeau d'une manière quelconque, mais un groupe nombreux d'hommes associés les uns aux autres par leur adhésion à une même loi et par une certaine communauté d'intérêt. »

 Il procède, fictivement,  d’un contrat social.  Conçu en ces termes,  il  est l’agrégation  volontaire et consensuelle des individus qui le constituent. Le peuple c’est la TOTALITE des citoyens.

 

     Ce concept rationnel et  élaboré du peuple comporte son pendant négatif et maléfique : le gros animal irascible de Alain (« Ce gros Léviathan, n’est pas du tout civilisé…Tout fragment et même le plus petit morceau de Léviathan frétille comme son père et pense de même  »  Propos sur les pouvoirs, § 123, Folio-essais, p. 317), la « masse ameutée » de Canetti (« Leur pare-mort est l’ennemi, et tout ce qu’ils  ont à faire est de le prévenir. Il faut seulement être assez rapide et ne pas hésiter un seul instant dans sa besogne de mort » (Masse et puissance,  1966, Tel Gallimard, p 75), la « masse »  de Hannah Arendt (« Une société sans classe », in Le système totalitaire, Coll. Points-Seuil)  … 

 Dans sa version positive et fantasmatique, c’est le mythe du peuple-Un (Claude Lefort, L'invention démocratique, les limites de la domination totalitaire,  Éd. Fayard, 1981) et Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, 1990).  Dans sa version historique,  c’est le parti de ces inadaptés, la « populace » délaissée et désorientée : « qui ne peut s’intégrer dans aucune organisation fondée sur l’intérêt commun » (Arendt, ibid, p32), et  «qui se découvre un formidable appétit d’organisation politique ». Cette « masse atomisée et amorphe » va  se rassembler sous l’égide d’un leader anti-système … Certains mots de Hannah Arendt résonnent plus que jamais aujourd’hui :  «  La fascination naissait non pas de l’habileté de Staline ou de Hitler dans l’art du mensonge, mais du fait qu’ils étaient capable d’organiser les masses en une unité collective qui soutenait leurs mensonges avec une impressionnante magnificence »  (Ibid, p 59). Ce « peuple » là est le fond de commerce  de tous les types de fascisme… Mais le populisme,  ce n’est pas  le fascisme.

    

 

   Le populisme  repose sur  un « concept » de peuple pour  le moins oiseux,  car à géométrie variable. Dans tous les cas,  le « peuple » du populisme,  désigne non pas  la totalité de citoyens mais une fraction du peuple dont on a retranché préalablement toute la part « inassimilable » (par ce qu’impure dans  la variante ethniciste et fascisante du populisme). Chez Trump,  ce sont toutes les « minorités » ( démocrates, citadins éduqués, gays, féministes, musulmans, professionnels médiatiques, militants des droits de l’homme, écologistes  etc..) tant et si bien que le peuple  des électeurs de Trump ne constitue numériquement qu’une minorité de citoyens. 

  Pour un populiste de gauche, le peuple, c’est le peuple sociologique, les travailleurs pauvres, les sans-grade, précaires, chômeurs etc.. (le peuple ethnique n’est plus invoqué ici). Le problème c’est que cette entité (?) est inconsistante, aucune conscience de classe, position dans le processus de production  ni intérêts communs ne la  cimente ni ne la structure…  Elle n’est unifiée que sur un mode purement négatif : le peuple,  comme le dit Michel Onfray, c’est  « l’ensemble de tous ceux  sur qui s’exerce  le pouvoir ».  L’ hostilité aux « élites » et l’aversion pour le « système » réunit  ses membres sans les rassembler sur des valeurs républicaines ou  humanistes  claires et explicites (cf les positions ambiguës  sur Poutine et Trump, des «  élus du peuple », l’hostilité de principe au revenu de base, le rejet de « l’empire allemand »  etc…).  Or un  tel imaginaire, qui reste essentiellement négatif, est foncièrement clivant : le peuple du « dégagisme » (cf Mélenchon « Qu’ils s’en aillent tous, vite ! ») n’est pas vraiment  potentiellement rassembleur de toutes les composantes de la gauche -   un tel slogan vaut aussi bien pour le FN…
    Dans tous les cas, le problème du « peuple " invoqué par tous les populismes,  qu’ils soient de gauche ou de droite, c’est qu’il n’est en aucun cas le peuple républicain (tous les citoyens, électeurs et éligibles) mais seulement une fraction du peuple en lutte contre ses « élites » et  contre un système de représentation faussé (il ne donne pas le pouvoir au « peuple » ) dans les régimes parlementaires.

 

 Le peuple du populisme n’est pas le peuple… mais une partie du peuple,  jugée plus saine et plus authentique que la partie  excommuniée - la « caste » , autrement dit tous ceux qui on partie liée de près ou de loin avec « le système », ce qui peut faire beaucoup de monde..

 

 

 C’est ce « malentendu »  qu’il faut dénoncer (nommer le mal, ici une imposture) sans se laisser intimider par  le fameux argument  non moins  spécieux    que terrorisant: 

 

« Dans populisme, il y a  « peuple »

 

 

http://www.philomag.com/blogs/les-carnets-aleatoires-de-lhl/en-democratie-le-lieu-du-pouvoir-est-vide

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