Consciemment ou non, Emmanuel Macron pourrait s’être inspiré des directives du couple Mélenchon/ Mouffe (Construire un peuple, Pour une radicalisation de la démocratie, Chantal Mouffe et Inigo Errejon) Au moins pour la forme.
https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/17946/construire-un-peuple
« Construire un peuple « signifie - selon les deux auteurs - offrir une représentation de lui-même au « peuple » ( comprendre : à la fraction du peuple susceptible de vous rejoindre, et donc de voter pour vous) à forte valeur mobilisatrice, pour initier ou encourager une « puissante volonté collective » de changement (voire de « révolution »). Cette opération, fondée sur un discours émancipateur (porteur d’une nouvelle identité narrative) se place moins sur le terrain de la rationalité que sur celui des sentiments et de l’émotion. Au coeur de ce projet, le renouvellement de la classe au pouvoir (« Qu’ils dégagent tous »), le remplacement des partis par un ou des mouvement (s), la moralisation de la politique (« La vertu » selon JLM) et bien sûr, avant tout, le dépassement du clivage gauche/ droite jugé obsolète. Sans oublier un partage (implicite dans le cas de « En marche »), entre « Nous » (les « progressistes », ceux qui veulent tout changer pour que rien ne change) et « Eux » (les « conservateurs ») , accrochés à leurs rentes de situations...
Emmanuel Macron est donc en passe de réussir (au moins momentanément, nul ne peut préjuger de l’avenir) une telle opération, au point de déclencher probablement un tsunami électoral aux législatives. Sur le fond, ses options politiques sont évidemment à l’opposé de celles de la France Insoumise (ses opposants disent que son programme est « vide » - il n’est pas vide mais il est oecuménique). Sans prétendre au statut d’expert-sondeur, il est facile de voir qu’il semble plus réaliste de « construire un peuple » sur la base de positions modérées et virtuellement consensuelles (l’Europe envers et contre tout,une mondialisation assumée, la protection de l’environnement, la sécurité, l’Etat régalien fort, un chef d’Etat autoritaire et charismatique, la puissance de la voix de la France à l’international, des positions tolérantes et ouvertes sur le plan sociétal) que sur les sujets les plus clivants (le code du travail, l’austérité, le pouvoir d’achat, la sortie de l’Euro, l’ immigration..). Les positions dites « radicales » de gauche, ou désormais populistes, ne semblent pas en mesure de réunir en France actuellement les suffrages de plus de 15 % des électeurs, 20 % à tout casser - probablement encore moins pour ces élections-ci. Comment pourrait-on « construire un peuple » sur une base électorale aussi étroite? …
Quant à l’exploitation des sentiments et des émotions, on observe que les « gens » semblent préférer les affects à connotations positives (optimisme, audace, fierté, ambition, gloire et même glamour etc.. …) aux passions tristes et irritantes, très plombantes du côté des Insoumis (ressentiment, colère, haine : voir le fameux texte de François Ruffin et aussi la contre-performance de Marine Le Pen dan le débat du second tour..).
Pendant que JLM en est déjà à envisager de « construire un deuxième peuple » (sic) … voir la vidéo sur l’échec de Chavez https://twitter.com/jeromegodefroy/status/871014456037396482)
Emmanuel Macron fait le job ! La stratégie populiste, ni de gauche ni de droite, mais centriste (comment un « populisme » pourrait-il être de gauche?) fonctionne plutôt bien pour le moment.
Mais un tel populisme opportuniste ne vaut - à ce stade - qu’en tant que stratégie électorale.. A moyen terme il faudra clarifier les objectifs du gouvernement, et cela sera sans doute assez compliqué… Car le pseudo-consensus « populiste », s’il ne repose pas sur des convictions de droite et même nationalistes, voire xénophobes, (auquel cas il est cohérent) ne peut être que politiquement superficiel et ambigu.